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ASSEMBLÉE NATIONALE

PERMANENTE.

Séance du premier mars.

M. Guillotin a fait lecture du procès-verbal de samedi soir 27 février; M. Guillaume a lu celui de dimanche 28. Il n'y a point eu de réclamation; seulement on a soutenu que le jour de la prestation du serment civique n'avoit pas été fixé au 15 Juillet, mais au 14. Pour lever cette difficulté, M. le président a consulté l'assemblée, & le 14 de juillet a été confirmé.

Les deux articles suivans ont été omis hier. Chaque législature peut prononcer, 1o. sur l'admission des troupes étrangeres au service de la nation; 2°. sur le traitement de l'armée en cas de licenciement. Ces deux articles font la suite du décret page 68, ligne 13, & font , par conséquent, le septieme & huitieme articles.

L'affaire des colonies & la pétition des députés du commerce du royaume étoient à l'ordre du jour.

On devoit s'en occuper aujourd'hui; mais l'abbé Grégoire, président du comité des rapports, n'aTome IX. N°, 6.

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voit pu faire le dépouillement des pieces, parce qu'il les avoit reçues trop tard du ministre de la marine. Après quelques momens d'incertitude, si l'on traiteroit séparément la pétition des députés du commerce, & l'affaire des colonies, l'assemblée, d'après l'observation de MM. Tronchet & Goupilleau, a regardé ces deux affaires comme essentiellement liées ensemble, & les a renvoyées • à demain. Il ne sera pas hors de propos de donner un extrait de l'adresse des députés du commerce de Bordeaux pour mettre nos lecteurs à portée de connoître sur quoi portent leur inquié

tude.

<< En vous offrant l'hommage de sa reconnoissance en renouvellant à la loi & au vertueux monarque, restaurateur de la liberté françoise, le serment de sa fidélité, l'armée patriotique Bordelaise vient déposer ses alarmes dans votre sein. Le vœu unanime de cettre grande cité ne peut vous être présenté d'une maniere plus soTemnelle.

Quelques écrivains ont manifesté des opinions erronées sur la traite & la servitude des noirs. D'autres ont hasardé sur notre commerce d'Amérique des idées aussi funestes pour la métropole que pour les colonies. Ardens à profiter de tout ce qui peut favoriser leurs coupables projets, les

ennemis du bien public ont propagé ces syste mes dangereux, & soudain nous avons vu tarir les sources du crédit & de la prospérité.

C'est une vérité démontrée aux yeux des politiques les moins instruits, que des colonies ne peuvent subsister sans la conservation de la servitude & de la traite.

Il est également démontré que le commerce de la France seroit anéanti si les colonies cessoient d'exister pour elle, & pour elle seule.

Or, le commerce est l'agent nécessaire de la marine, de l'agriculture & des arts. Ces grands objets de l'économie politique forment un tout intimément lié dans ses parties.

L'abolition de la servitude & de la traite entraîneroit donc la perte de nos colonies: la perte des colonies portèroit un coup mortel au commerce, & la ruine du commerce frapperoit d'inertie la marine, l'agriculture & les arts.

Les colonies seules nous donnent cette prépondérance politique que jalousent nos voisins. Cinq millions de François n'existent que par le commerce qu'elles procurent. Elles donnent un revenu annuel de plus de deux cents millions, une réaction incalculable, & une balance de quatre-vingt millions en notre faveur.

Un sentiment irréfléchi d'humanité a pu égarer

ceux qui ont écrit de bonne foi contre la servitude. Mais si le bien que ces philosophes se proposent menaçoit de tant d'horreur, que l'ame la plus froide dût frémir à leur aspect; si la mort de cent mille François, si la ruine de tout un Royaume devoient être l'effet d'un zele inconsidéré, est-il un seul homme qui balancât entre une perspective aussi désastreuse & l'état présent des choses?

L

Nos colonies ne peuvent être cultivées que par des hommes, & par des hommes habitués à un climat dévorant. Les plus grands philosophes euxmêmes ont reconnu que la crainte & la force déterminant seules au travail, par-tout où l'amour du repos est en quelque sorte une loi du sol, la servitude y est le premier instrument de la cul

ture.

Un état qui doit même tout son lustre à son commerce, ne peut par s'écarter impunément de la route suivie par toutes les autres nations commerçantes. La traite des noirs se fait par tous les peuples qui ont des possessions aux Antilles ; & si la France cessoit de faire la traite, la position des negres n'en seroit que plus cruelle. Nos loix & nos usages sur ce commerce portent l'empreinte des sentimens d'humanité qui nous distinguent des autres nations.

D'ailleurs les étrangers, redoublant d'activité,

fourniroient alors à nos colonies les noirs dont leur culture ne peut se passer.

Cependant, une secte dangereuse, établie depuis peu parmi nous, sous le titre imposant d'amis des noirs, répand de toutes parts le souffle empoisonné de sa doctrine.

Qu'on juge ces novateurs d'après les suites funestes de leur systême ! Voyez-les, dans la chaleur d'un faux zele, exposer sans pitié cent mille Européens, leurs concitoyens, leurs freres, aux fureurs de six cents mille esclaves! Tous les colons exposés aux mêmes dangers, sont en proie aux plus vives alarmes : ils appellent à grands cris les secours de la mere-patrie : pourroit-elle les leur refuser sans injustice? Le silence même seroit cruauté : l'incertitude aggrave les tourmens, & peut porter à tous les excès du désespoir.

Vous avez consacré, Nosseigneurs, le droit de propriété. Mais la propriété du colon ne seroitelle pas anéantie par l'affranchissement forcé de ses negres, la plus importante de ses propriétés, & qui seule peut donner du prix aux autres?

La propriété du négociant seroit-elle assurée ? Quatre cents millions avancés aux colons n'ont pour gage que leurs propriétés, leur industrie.

Comment le négociant pourroit-il s'acquitter

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