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Les exemples de cette fiction sont très-communs dans le droit.

Ainsi, pour que je devienne propriétaire, à tritre d'achat, d'un héritage que vous m'aviez cidevant donné à bail, il n'est pas nécessaire que je commence par rétablir dans vos mains cet héritage.

Je demande maintenant si, sous prétexte de l'abolition des droits représentatifs de la mainmorte, le seigneur, qui a ci-devant converti ses main-mortes en censives, pourroit être aujourd'hui dépouillé des droits de cens & de lods, qui remplacent actuellement dans ses mains la mainmorte & les droits qu'elle produisoit? Je réponds, Messieurs, qu'il ne peut pas l'être, que votre pouvoir ne s'étend pas jusqu'à ce point, & ma raison est simple ;, c'est que les droits fonciers qui, dans l'hypothese proposée, grevent actuellement les héritages ci-devant main-mortables, ne sont pas représentatifs de la mainmorte. — Et en effet, dans cette hypothese, la main-morte a été abolie par le résillemennt qui a été fait entre le seigneur & le ci-devant mainmortable ont fait ensemble une nouvelle convention; mais ne peut-on pas dire que cette convention soit représentative de l'ancien état des

choses? Je ne sais, Messieurs, si je me fais illusion à moi même; mais il me semble que l'évidence n'est pas plus claire que la proposition dont j'ai entrepris la preuve; savoir que les droits fonciers qui privent actuellement les héritiers dans la tenure main-mortable, a été convertie en tenure censuelle, ne sont pas représentatifs de la main-morte, & doivent conséquemment être conservés.

Plusleurs députés de la Comté, entr'autres, M. Muguet, qui avoit donné au comité de féodalité le tribut d'éloges que méritent son travail & son impartialité, a prouvé par des citations, & plus encore par le raisonnement, que la mainmorte réelle n'avoit pour origine ni concessions ni donation des fonds, & qu'elle n'étoit que le fruit de la violence & de l'usurpation des seigneurs. Il s'est plu à retracer aux yeux de l'assemblée les abus & les excès de cette servitude où l'homme attaché à la glebe n'avoit pas droit de disposer de son avoir & de faire aucune aliénation, &c. où, en mourant même, il n'avoit pas la consolation de transmettre le fruit de son travail à ses enfans, à moins qu'ils ne l'entourassent au lit de la mort. Les articles de notre coutume, s'est-il écrié, où sont consignées de pareilles tyrannies, ne sont dues particuliérement

tés,

qu'aux états de 1549, étant composés de prélats, de seigneurs, intéressés à aggraver le sort des paysans. Vous avez si bien senti l'iniquité de ce décret, que vous avez décrété le 6 d'août que les droits de main-morte, personnels, réels ou mixétoient abolis sans indemnité; que vous propose-t-on aujourd'hui ? de revenir contre ce décret approuvé par le roi, & qui vous a attiré des bénédictions de tous les peuples main-mortables. Ils y comptent, & yous ne pouvez revenir sur vos pas sans causer le plus grand trouble. Ils opposeront l'assemblée nationale à l'assemblée nationale; mais ils persisteront fermement à croire le premier décret. Ils ont commencé à en goûter les fruits: leur intérêt qui est d'ailleurs conforme à la justice, leur dira que c'est à celui-là seul qu'ils doivent s'en rapporter.

Il a proposé un projet de décret, dont l'esprit étoit de donner toute l'extension nécessaire au décret du 6 août; mais en faveur du main-mortable; quoique l'opinion de M. Muguet n'ait point été couronnée du succès, la maniere dont il a parlé, fait infiniment honneur à son cœur, puisqu'il parloit en faveur des main-mortables contre ses propres intérêt. Au reste, on n'a rien oublié de tout ce qui pouvoit donner faveur à cette cause. On a peint les ci-devant seigneurs comme des

usurpateurs, des tyrans, qui, non contens d'asservir l'homme, ont aussi asservi les élémens le feu par les fours bannaux, l'air par les moulins à vent, & l'eau par les moulins à eau. Ces vérités ont été vivement senties & applaudies par l'assemblée nationale. L'aréopage, qui a su remettre l'homme à sa place, & relever l'homme avili à la dignité de son être, est bien convaincul de la barbarie de la servitude, puisqu'il l'a anéanti pour jamais; mais si la liberté & l'humanité y ont établi leur sanctuaire, l'arche de la propiété y a aussi son asyle; tout s'y pese à la balance de l'équité; & quoiqu'on en puisse dire, rarement l'inté rêt humain pese sur un des fléaux de la balance.

M. Tronchet est entré dans de longs détails, & a prouvé, jusqu'à l'évidence, la justice de l'article soumis à la discussion; mais comme ce qu'il a dit rentre absolument dans l'explication de M. Merlin, nous nous dispensons de le rapporter. Quelques orateurs ont encore parlé pour & contre ; mais après M. Goupil de Préfeln, l'assemblée s'est crue suffisamment instruite, & a demandé de fermer la discussion, ce qui a été fait sur le champ. Tous les amendemens, jusqu'à celui de M. Muguet, dont nous avons parlé, ont été écartés par la question préalable; & l'article, malgré l'opposition des députés de la Comté,

à été adopté, tel que nous l'avons rapporté cidessus.

La séance s'est levée à deux heures & demie, & s'est retirée dans les bureaux pour procéder à la nomination d'un président.

Séance du 27 février, au șoir.

Adresse de la nouvelle cour supérieure de Rennes, d'une infinité de villes & communautés, &c. Le caractere distinctif de toutes ces adresses est le respect, le dévouement & l'adhésion la plus formelle aux décrets de l'assemblée. Les nouvelles municipalités s'empressent dès qu'elles sont organisées de faire connoître leur sentiment de respect, & d'annoncer qu'elles ont prêté le serment civique. Le sieur Mace, prêtre domicilié à Rennes, offre & donne 1 500 liv. Des écoliers de Sainte- Barbe viennent orner l'autel de la patrie, de leurs offrandes, & présentent en même-tems une piece de vers.

De simples ouvriers viennent aussi offrir le denier de la veuve. M. le président répond:

L'assemblée nationale n'examine ni l'âge, ni l'état de ceux qui viennent offrir des dons à la patrie; cependant si elle croyoit faire quelque distinction, ce seroit aux vertus de la jeunesse & de la pauvreté qu'elle ac corderoit la préférence..

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