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s'est écrié d'un côté que l'on avoit nommé deux commissaires pour inspecter l'imprimeur, & qu'il falloit attendre leur rapport pour statuer définitivement sur cette affaire. M. Bouche a consenti à tout; il n'a plus été question de cette affaire.

M. de Cernon, membre du comité de constitution, & rapporteur de l'interminable affaire de la division du royaume, a présenté à l'assemblée des difficultés suscitées par les limites de quelques départemens. Laisserions-nous Clermont & Rioms, qui se disputent quelques paroisses; ici c'est le district de Saint-Sever & celui de Montmarsan qui disputent de latitude & d'extension; plus loin, c'est la vallée de Grignan, à qui le comité laisse l'option de se joindre au département du bas Dauphiné. Je passe sous silence de pareilles bagatelles, qui n'ont pas laissé, malgré tout, d'occuper assez long-tems les momens de l'assemblée. Je me contenterai de dire que l'avis du comité a été en tout ratifié, & qu'il est conforme à l'union en ce qu'il laisse aux peuples le droit de se joindre à tel ou tel département, à tel ou tel district, suivant leurs intérêts.

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M. Merlin a ouvert de nouveau la discussion sur les droits féodaux; il s'attendoit sans doute qu'elle seroit longue, puisque, après avoir donné

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lecture de l'article 4, ainsi conçu, il est entré dans une longue explication.

Décret sur les droits féodaux.

Tous les actes d'affranchissement par lesquels la main-morte réelle ou mixte aura été convertie sur les fonds ci-devant affectés de cette servitude, en redevance fonciere & en des droits de lods. aux mutations, serons exécutés selon leur forme & teneur, à moins que lesdites charges & droits de mutation ne se trouvassent excéder des charges & droits usités dans la même seigneurie, ou établis par la coutume ou l'usage relativement

aux fonds non-main-mortables tenus en censive.

M. Merlin a dit: vous avez, par le décret du 4 août, aboli non-seulement la main-morte réelle, (je ne parle pas de la main-morte personnelle, parce que l'on n'en traite point dans l'article soumis à votre délibération; ) vous avez aboli, dis-je, non-seulement la main-morte réelle, mais encore les droits qui la représentent.

Aussi tous les droits qui représentent la mainmorte réelle sont supprimés; & si nous venions vous proposer de laisser revivre des droits de cette espece, vous seriez fondés à nous dire que nous avons transgressé la mission dont vous nous avez

honorés. Notre article seroit rejetté, & je le dis franchement, il devroit l'être.

De quel droit s'agit-il donc dans l'article que nous venons ajourd'hui soumettre à votre discussion? De droits représentatifs de la main-morte? Encore une fois non ; & pour vous convaincre qu'en effet ils ne la représentent pas, je vous supplie de remarquer la grande différence qu'il y a à cet égard, dans un acte d'affranchissement de la main-morte réelle, entre une stipulation de droits purement fonciers.

Lorsque, par l'acte d'affranchissement d'une main-morte réelle, le seigneur s'est réservé des droits sur la personne de son main-mortable, il est vrai de dire que le main-mortable n'est pas entiérement affranchi, puisque sa personne demeure sujette à des droits auxquels la nature ne l'avoit pas soumise, & que cette sujétion est un reste de servitude ou main-morte; donc les droits qui sont l'objet de cette sujétion, représentent véritablement la main-morte ou servitude; donc ces droits sont évidemment compris dans votre décret du 4 août; donc ils sont évidemment supprimés sans indemnité.

Mais lorsqu'en éteignant une main-morte réelle, le seigneur se réserve sur l'héritage main-mortable des droits qui ne touchent pas la personne &

n'affectent que le fonds, tel qu'un cens & un droit de lods & vente; la main-morte alors disparoît absolument, il n'en reste plus aucune trace, & les droits réservés par l'acte qui la fait évanouir, ne la représentent pas.

Le fait est que la main-morte réelle provient d'une concession, c'est-à-dire, ou d'une donation, ́ou d'une vente, ou de toute autre aliénation que le seigneur a faite au profit d'un individu quelconque, & à laquelle il a apposé la condition que celui-ci tiendroit l'héritage en main-morte ou en d'autres termes, qu'il ne pourroit ni le vendre, ni le donner sans le consentement du seigneur, ni le transmettre à des héritiers avec lesquels il n'auroit pas vécu en communauté jusqu'au dernier soupir.

En admettant donc que tout fond main-mortable soit sorti primitivement du patrimoine du seigneur, pour être tenu de lui en main-morte voici comment je raisonne.

Personne de vous, Messieurs, ne contestera qu'un seigneur propriétaire d'un fonds a été originairement le maître de le concéder en censive plutôt qu'en main-morte. Vous conviendrez tous, qu'après avoir fait une concession primitive en main-morte, il a pu, de concert avec son

main-mortable, résilier le contrat fait entre lui & ce dernier, reprendre son fonds, & par ce moyen le décharger de la main-morte. Vous conviendrez encore, qu'après ce résiliement, redevenu propriétaire de son fonds, il a pu faire, avec son ci-devant main-mortable, un nouveau contrat, & lui rendre le fonds pour le tenir dorénavant en censive.

Or, voilà précisément ce qui s'est fait entre le seigneur & le main-mortable, lorsque le premier a délivré le second de la main-morte, moyennant un cens ou un droit de lods & ventes. A la vérité, le seigneur n'a pas dit textuellement : je reprends l'héritage que je vous avois concédé ; & le mainmortable n'a pas dit en propres termes : je vous rends l'héritage que je tiens de vous en main-morte. A la vérité, le seigneur n'est pas rentré réellement & corporellement en possession de cet héritage, & le main-mortable n'en a pas été dessaisi de fait. A la vérité, le seigneur n'a pas fait expressément une nouvelle concession au ci-devant main-mortable, & celui-ci n'a pas été, par une stipulation explicite & directe, réinvesti de ce fonds. Mais tout cela s'est fait, ou plutôt est censé s'être fait par une sorte d'opération tacite, qu'on appelle en droit fictio brevis manüs.

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