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gularité de ce moyen a empêché, au reste, de bien saisir quel étoit son but.

M. Barnave lui a succédé à la tribune: Avant de traiter, a-t-il dit, le fond de la proposition du ministre des finances, il est indispensable de faire une digression sur la forme, les motifs & l'occasion de la délibération actuelle. Il est une

premiere maxime, c'est que la personne du roi est sacrée & inviolable, & qu'il doit obtenir de tous le plus profond, le plus constant respect. Mais de l'inviolabilité même du roi, il en résulte qu'aucune proposition ne doit être faite par les ministres au nom du roi, si elle n'est revêtue du contre-seing d'un conseil. L'inviolabilité mettant le roi au-dessus de toute atteinte, les ministres trouveroient le moyen d'éluder la responsabilité. Il arriveroit de-là de deux choses l'une, ou que le respect dû à la majesté royale seroit altéré par les discussions, ou que les intérêts de la nation. seroient compromis & trahis; une telle forme doit donc être sévérement proscrite. Le roi doit toujours donner à sa place un conseil responsable.

C'est d'ailleurs donner au pouvoir exécutif l'initiative; ce qui est absolument contraire à vos principes, aux principes d'un peuple qui veut être libre. Voilà pourquoi la réponse naturelle à

la discussion actuelle est qu'il y a lieu à délibérer.

Il est passé au fond de la question, & a prouvé que le comité des finances actuel équivaloit au bureau de la trésorerie, puisque le premier ministre des finances, ou tel bureau qu'on voudroit lui substituer, pourroit toujours se concerter avec le comité, dont le devoir étoit de communiquer ses lumieres à ceux que le roi chargeoit de gérer ses finances; qu'il ne falloit pas prétexter, pour faire créer un bureau de trésorerie tiré du sein de l'assemblée, que l'on ne pouvoit trouver ailleurs des hommes capables, parce qu'il ne faut dans les agens de cette partie du pouvoir exécutif qu'exactitude & fidélité.

Enfin, M. Desmeuniers a proposé le projet de décret suivant qui a été adopté.

DÉCRET.

« L'assemblée nationale, après avoir entendu la lecture des mémoires du premier ministre des finances, & le rapport du comité des finances, voulant donner une preuve de sa déférence pour le vœu du roi, ainsi que de son amour & de son respect pour la personne de sa majesté, a examiné de nouveau les motifs qui ont déterminé les décrets du 7 novembre dernier, & du 26 janvier dernier, & elle déclare qu'elle y persiste. »

~ Ce décret rendu, M. Desmeuniers a opiné pour que M. le président se retirât pardevers le roi, pour lui exprimer les regrets de l'assemblée de n'avoir pu condescendre à son vou.

J'ai un motif plus pressant, s'est écrié M. de demander que M. le président

Mirabeau, pour se retire pardevers le roi c'est qu'il ne puisse parvenir au corps législatif aucune dépêche du roi sans être contre-signée.

M. Garat a prétendu que c'étoit vouloir couper toute communication entre le pouvoir législatif & le pouvoir exécutif, & s'interdire par-là tout moyen d'éclairer le monarque s'il étoit trompé par ses agens. Il a combattu M. de Mirabeau, les décrets de l'assemblée nationale à la main; mais celui-ci a employé les mêmes armes avec un bras victorieux: il est commode qu'on vienne nous proposer aujourd'hui, au nom d'un homme dont la maison a été illuminée, & dans l'orgie d'une fête bruyante, lorsque ce décret a été rendu ( le décret qui défend aux membres de l'assemblée d'accepter aucune place dans le gouvernement); on nous propose de nous associer à la responsabilité, quand on s'est engagé dans un labyrinthe dont on ne peut plus sortir. Qu'on nous montre le fil, si on l'a. Laissons se débattre les impudens pour nous,

si nous le cherchons, ce sera pour l'intérêt du peuple. Je conclus, par amendement, que le président soit chargé de représenter respectueusement à S. M. que la forme sous laquelle est faite son invitation, est destructive du dogme de la liberté. Cette matiere ouvroit un champ trop vaste pour que l'assemblée s'en occupât sérieusement. Aussi la majorité a-t-elle demandé impérieusement de passer à l'ordre du jour, qui regardoit la contribution patriotique du quart des revenus. Comme l'article 7 du projet de décret présénté, est celui qui a été soumis à la discussion, je me contenterai de le rapporter :

ART. VII du projet de décret sur la contribution patriotique du quart du revenu.

L'assemblée supprime l'impression & la publication des listes; mais le délai de quinze jours, fixé par l'article premier du présent décret, étant ́expiré, il est enjoint aux officiers municipaux de vérifier en corps, & en présence des notables toutes les déclarations, pour approuver & signer celles qui leur paroîtront conformes à la vérité; comme aussi pour rectifier, sur l'avis de la majorité du corps municipal & des notables, les déclarations qui leur paroîtront évidemment infidelles.

M. de Robespierre a prouvé que le projet de décret auroit un effet contraire à celui qu'on en attendoit si la contribution patriotique n'a

pas

eu tout le succès que nous avons eu lieu d'en espérer, & ce n'est pas la faute du peuple ; mais bien celle des ennemis de la révolution, qui ont semé des inquiétudes, des méfiances; celle du ministere qui, dans le moment où vous comblez le peuple de bienfaits par la sagesse de vos décrets, avoit pour principe de les lui cacher, & de ne lui faire connoître que les décrets qui le mettoient à contribution; n'a-t-on pas été dissiminant par-tout que l'assemblée nationale alloit se dissoudre, que la banqueroute étoit infaillible; - n'avons nous pas vu, & ne voyons nous pas en core, par une coalition funeste, tout le numéraire resserré; sans toutes ces coupables insinuations, le patriotisme auroit pris son essor. Il est même étonnant qu'il est pu franchir toutes les barrieres qu'on a cherché à lui opposer. Mais une contribution patriotique ne peut être changée sous quelque prétexte que ce soit, en un impôt forcé; c'est tomber dans le piege qu'on nous tend. Redoublons de courage pour l'éviter; montrons un nouveau zele, une nouvelle fermeté, & ne souffrons point qu'on hazarde devant nous des insinuations aussi funestes; soyons toujours en garde

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