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M. de Bonnay a demandé que la déclaration de M. du Châtelet y fût insérée également. L'assemblée y a acquiescé, & de suite a rendu le décret suivant :

« L'assemblée nationale a décrété & décrete que les paiemens mentionnés en l'état qui fut lu à la séance d'hier, & tous autres qui sont dans des cas semblables, ne pourront être réellement effectués, sous peine, contre ceux qui effectueroient lesdits paiemens, ou qui les ordonneroient, d'en demeurer responsables.

» L'assemblée ordonne de plus que le présent décret soit porté dans le jour à la sanction du roi ».

M. Gouttes a dit que ce n'est pas seulement les fournisseurs de la marine qui ont eu de pareilles lettres de change; on en a donné aussi pour le paiement des travaux de Saint-Etienne en Forez & d'autres lieux. Ces lettres, à un an de terme, sont données au pair ; & quand celui qui les a reçues a besoin d'argent, il est obligé de sacrifier jusqu'à cinquante pour cent pour trouver à s'en défaire. Je demande que ces lettres soient aussi exceptées de l'arriéré.

La motion du préopinant est juste sous plusieurs rapports, a dit M. Goupil, mais elle comprend des objets très-distincts. Si vous admettez

ainsi successivement plusieurs articles arriérés vous ne pourrez plus faire le service de cette année. Il faut que les revenus publics soient invariablement destinés au service courant, sans quoi vous ne remettrez pas l'ordre. Ce ne peut être que sur l'excédent que l'arriéré sera acquitté.

Convaincue de cette vérité, l'assemblée à déclaré qu'il n'y avoit lieu à délibérer sur la proposition de M. l'abbé Gouttes; mais elle a décrété sur le champ celle de M. le Camus, qui a rappellé la motion faite hier relativement aux pensions sur la loterie royale de France. Ce décret est ainsi conçu :

<< L'assemblée nationale décrete que les petites pensions accordées précédemment sur la loterie royale, qui se trouvent comprises dans un état remis au comité des pensions, & qui n'excéderont pas la somme de 600 liv., seront payées provisoirement. »

M. Bouche a demandé si le décret qui ordonne aux intendans & autres agens du pouvoir exécutif dans les provinces, de rendre leurs comptes, a été sanctionné; mais l'assemblée a passé à l'ordre du jour, bien persuadée que ce nouvel argus ne perdra pas son objet de vue, si M. le garde des seaux s'oublie.

L'ordre du jour étoit d'abord la disposition de la lettre sur un bureau de trésorerie.

Il ne nous conviendroit réellement pas aujourd'hui, a dit M. Reubell, de refuser de délibérer sur ce que le roi nous propose dans sa lettre, quoique vous ayez décrété que la proposition dés loix appartient à l'assemblée; mais quand ses ministres se servent de son nom pour soumettre des objets quelconques à notre délibération, alors nous ne devons pas nous en occuper, à moins que quelque champion ministériel ne sorte de notre sein pour monter à la tribune, & tourner la proposition du ministre en motion. Dans ce cas j'augure assez bien des principes de cette assemblée, pour croire qu'il s'élevera des athletes pour le combattre,

M. le Paute N'est-il pas contre tous les : principes de la raison, a-t-il dit, en entrant dans le fond de la question, qui n'en est une pour personne, qu'après avoir établi vous-même la responsabilité des ministres, vous alliez vous associer à cette responsabilité ? Quelles peuvent donc être les vues de ceux qui ont suggéré cette lettre inconstitutionelle, surprise au meilleur des rois, l'ami de la liberté? Ne devroit-elle pas être contre-signée d'un ministre? & elle ne l'est d'aucun!

Le garde des sceaux, en vous la faisant ainsi parvenir, ne vous a-t-il pas mis dans l'alternative ou d'abjurer vos principes, ou d'affliger un prince que nous avons tant de raisons d'aimer. En passant par-dessus tant d'irrégularités, vous avez cru devoir suivre les mouvemens de votre cœur, & toute la France vous applaudira sans doute; mais je crois que vous vous garderiez bien d'une seconde démarche de cette nature. Rapprochez les tentatives réitérées qu'on fait encore tous les jours, l'exagération des troubles du Quercy & de la Bretagne, l'approvisionnement des forts de la Provence qu'on faisoit au même instant; remarquez comme le ministere cherche à vous affoiblir, à vous diviser, en vous suggérant qu'il existe dans l'assemblée un parti qui cherche à frapper l'autorité légitime du roi, & jugez, d'après cela, si vous devez perdre un instant de vue la conduite ministérielle. Pour moi, qui ne connois d'autre intérêt que celui du peuple, qui ai juré de sacrifier mon sang & ma vie pour la défense de ses droits, je vous conjure, vous, les amis les représentans du peuple, je vous conjure de vous rappeller que vous n'êtes pas rassemblés pour stipuler les intérêts des rois, ou plutôt de leurs ministres, mais pour stipuler ceux des peuples, mais pour faire cesser les maux qui les op

priment. J'insiste donc pour déclarer nettement qu'il n'y a lieu à délibérer sur la proposition qui vous est faite.

Il ne convient pas de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer, reprend M. Desmeuniers. Vous avez décrété hier que vous délibéreriez aujourd'hui sur cette proposition, & vous ne pouvez revenir sur vos décrets. Examinez-la donc, cette proposition, mais toujours d'après vos principes. C'est vousmêmes qui vous êtes contraints à n'accepter aucune place dans l'administration. Ce décret vous honore, il prouve la pureté de vos sentimens; il me semble que l'assemblée n'a autre chose à faire qu'à déclarer que c'est au roi à nommer ses ministres, & à former, s'il le juge à propos, un bureau de trésorerie.

M. de Sillery: Les ennemis de la révolution sont encore assez mal intentionnés pour vouloir rendre l'assemblée responsable des événemens, si elle revenoir sur ses décrets. Si on a lieu d'être surpris, c'est qu'on ait osé soupçonner de légéreté le corps législatif, &, par une de ces contradictions, au moins apparentes, il a proposé un décret dont une des dispositions tendoit à nommer quatre membres de l'assemblée pour correspondre avec le bureau de trésorerie que le roi formeroit.

Le murmure qu'excitoit dans l'assemblée la sin

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