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défie l'économiste le plus outré de me répondre... Il existe, comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, une juste proportion entre l'impôt direct & indirect; c'est à l'atteindre que nous devons tendre si nous voulons procurer l'aisance au peuple. Je sais que l'on me répondra que l'impôt proposé ne l'a été que parce qu'il paroît plus facile, plus prompt & plus sûr. On a oublié, sans doute, qu'il existe une mesure, au-delà de laquelle la perception de l'impôt direct est impossible. Or, les anciens contribuables étoient surchargés outre mesure. Accroître encore le faix qui les accabloit, c'est les obliger à déguerpir; d'ailleurs, on tombe dans l'inconvénient qu'à entraîné après soi la contribution patriotique. L'année sera écoulée avant que les rôles additionnés soient finis. L'impôt du timbre, que je vous ai proposé, pare à tous les inconvéniens. Dans quinze jours, votre comité, en prenant ce que le code anglois nous présente de bon sur cette matiere, vous présenteroit un plan d'imposition.

La suite demain.

LE HODEY DE SAULTCHEVREUIL.

De l'Imprimerie du RÉDACTEUR, au coin de la rue Fromenteau, place du Palais-Royal.

Suite de la Séance du 18 mars.

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M. l'abbé Maury: Au lieu d'un plan général, on ne nous présente jamais que des parties détachées. De-là l'incohérence de nos idées, & le cahos de douze cents pensées qui se croisent & se heurtent sans savoir où s'arrêter; mais puisque les choses en sont venues à ce point j'aborde la question qui nous est soumise maintenant. Le mode de remplacement de la gabelle, qu'on nous propose, quoique diversifié, est un impôt territorial. Or, je prétends que la perception en est aussi funeste qu'impossible. En effet, les impôts directs montent à 200 millions. Les quarante millions de remplacement, les augmentations d'un sixieme; ainsi l'homme qui payoit 500 liv. sera obligé d'en payet 600. Or, de quoi lui tiendront lieu ces cent livres ? De vingt à trente livres de sel. Ceux qui connoissent les campagnes savent combien cette surcharge sera préjudiciable au cultivateur. Elle sera impossible, puisque la contribution telle qu'elle est aujourd'hui, ne se fait que par les contraintes & les saisies. Ce régime affreux ne peut subsister chez un peuple libre. D'ailleurs, comme le préopinant vous le dit, un impôt qui porte sur la terre, est un impôt sur le bled, & conséquemment sur le pain. Or, je vous le demande, votre humanité souffriroitelle le remplacement d'un impôt sur le sel un impôt sur le pain. Ne faut-il pas au contraire chercher à alléger les maux du pauvre peuple? Vous ne pouvez le faire qu'en atteignant un Tome IX. N°. 24. A a

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par

juste milieu entre l'impôt direct & l'impôt indirect; & pour y parvenir, il faut augmenter l'un & diminuer l'autre... Les peuples les plus sages de l'Europe sont précisément ceux qui ont le moins d'impôts directs, & les peuples gémissans sous le fer du despotisme en sont écrasés. L'opulence des uns & la misere des autres a jugé cette grande question. Si une augmentation d'impôt direct est impossible; c'est donc compter non sur des fonds éventuels, mais sur des chimeres ; c'est donc écurer les créanciers de l'état, que de nous reposer sur la réalité de cette augmentation. Ici M. l'abbé Maury a fait une longue & profonde discussion sur les sels. Il a prouvé, à l'aide des mémoires de l'académie, que les sels des marais méridionaux avoient causé, dans les pays baignés par la méditerranée, plus de deux cents. épidémies. Il est parti de-là pour conclure qu'il ne falloit pas laisser cette denrée à la discrétion du commerce & qu'il falloit conséquemment établir des surveillans pour empêcher les maux que pourroient engendrer des sels tirés des marais infectés ; & de conséquence en conséquence, il a proposé un impôt très-modéré, très-patriotique (car jamais M. l'abbé ne parle que patriotisme), d'un sol par livre de sel qui seroit payé par le vendeur même à l'extraction des marais salans.

Partant de l'hypothese que la France contient 24 millions d'hommes, & que chaque individu consomme douze livres de sel par an, il jette dans le trésor national 14 millions, dont chaque individu ne paiera que 12 sols. La consommation de sel que feront, vu la modicité du prix,

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60 millions de moutons répandus sur la surface de l'empire, des chevaux dont le nombre est échappé au calcul rigoriste de la plume de M. l'abbé, produira un bénéfice de 50 millions au moins. Ainsi voilà 64 millions tout trouvés, qui viendront d'eux-mêmes, à la voix de M. l'abbé, se précipiter dans le trésor national. Eh! pourquoi pas, s'il vous plaît ? Est-ce qu'il n'est pas possible que nous ayons en France un autre Amphion, Si celui-ci dut, par la force de l'harmonie donner des mouvemens aux pierres, & les faire s'arranger & se cimétriser pour bâtir les murs de Thebes, M. l'abbé ne peut-il pas, par la force de l'éloquence, faire évacuer aux écus les coffresforts des honnêtes financiers, des abbés commandataires, qui ont jusques à huit cents fermes, & commander à cet escadron éblouissant d'aller remplir le vuide du trésor national? Si quelqu'un yeut afficher ici l'incrédulité, je vais lui citer pour exemple les applaudissemens réitérés que le nouvel Amphion a su extorquer aujourd'hui à ses adversaires mêmes, preuve incontestable, que je suis fondé à espérer même des miracles de l'éloquence de M. l'abbé. Pour opérer ces merveilles, voilà ce qu'il a dit: Quel est donc le génie qui devoit présider à la restauration des finances? pourquoi toujours des palliatifs au lieu de remede... Depuis onze mois que nous sommes assemblés, on nous environne de ténébres; il semble qu'on yeut nous fatiguer du poids de notre ignorance; on nous traite comme des enfans mineurs; jamais on ne nous a ouvert le grand livre de l'administration. Ces phrases prononcées avec feu, & soutenues par l'enthousiasme des mécontens, ont

fait l'effet d'un brillan méthéore; mais aussi elles ont eu le sort du méthéore. Le miracle n'a été que fictif; mais j'espere bien qu'il sera réel trèsincessamment; il n'y a plus qu'à attendre l'époque prochaine où M. l'abbé fera connoître la candeur de son ame & la pureté de ses intentions. J'ai raison de dire que cette époque est prochaine, puisque M. de Mirabeau a soutenu M. Maury. N'est-ce pas, dis-je, une preuve plus qu'authentique que nos espérances sont fondées. Pour connoître l'origine de cette coalition heureuse, il faudroit savoir que M. Rabaud de Saint-Etienne, malgré les cris multipliés de rappeler à l'ordre M. l'abbé Maury, s'est mis à dire, Messieurs, je ne rappellerai point l'opinant à l'ordre; il y est. Le droit de chacun des membres de cette assemblée, lorsqu'il discute les intérêts de l'état, est de s'expliquer librement sur les personnes comme sur les choses. » Il faudroit savoir que M. l'abbé s'est livré à la fougue de son éloquence, & qu'il a continué de foudroyer & le ministre & les comités; il faudroit savoir que M. Rabaud, oubliant sa propre maxime, s'est permis de rappeler l'opinant à la question, & qu'alors M. de Mirabeau a pris fait & cause pour M. l'abbé. Je vous demande la parole, s'est écrié celui-là, pour Vous prouver, M. le président M. le président, que vous avez eu tort d'interrompre M. l'abbé Maury. Cependant celui-ci s'est résumé à demander le remplacement de la gabelle par la taxe d'un sol par livre du sel, à l'extraction des salines, & à réclamer la nomination de quatre députés, pour savoir du premier ministre, s'il avoit eu un plan général de restauration des finances.

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