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nefas ruit humana gens. La chanson françoise auroit tort, & lui auroit raison.

Plusieurs matieres étoient à l'ordre du jour; savoir, la lecture du décret général sur les droits féodaux, le rapport du comité des finances sur le mémoire de la municipalité de Paris, concernant la vente des biens ecclésiastiques, emplacemens & maisons, inséré dans le n°. 18. Enfin, la continuation de la discussion sur le remplacement de la gabelle. L'assemblée s'est décidée à entendre d'abord la lecture du décret général des droits féodaux; & à passer ensuite à la discussion du remplacement de la gabelle.

Il y a plusieurs modifications faites, non à l'esprit, mais à la lettre des décrets, quelques additions de droits supprimés; la féodalité est l'hydre de Lerne, qui croit dérober quelques une de ses têtes au glaive exterminateur; mais le garde qui veille aux barrieres de la constitution, a toujours le bras levé pour abattre impitoyablement les têtes du monstre, qui, pour être obscures croient pouvoir se sauver à la faveur des tenébres. L'assemblée nationale a des yeux de lynx ; elle découvre tout, & son bras vengeur venge sur le champ les humains, en anéantissant pour jamais toutes les parties du monstre qui faisoit trembler l'empire françois.

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Il a été fait plusieurs observations, & pendant la lecture du décret & après. Les uns vouloient que ce décret ne fût envoyé dans les provinces qu'avec les instructions y relatives. On vouloit, d'un autre côté, que le mode d'indemnité fut fixé préalablement. Ces deux propositions ont été objectées par la question préalable, & le motif de cette décision étoit qu'il étoit instant de faire connoître au peuple, qui alloit former des assemblées primaires, les bienfaits de l'assemblée.

M. de Foucault a demandé de terminer le décret général par un article additionnel qui a été généralement approuvé, & dont l'esprit étoit que le rachat n'aura lieu que pour les rentes à échoir, & que le prix & le mode du rachat seront incessamment fixés par l'assemblée nationale. M.Target a profité de l'idée de M. de Foucault, & a proposé la rédaction suivante qui a été adoptée :

« L'assemblée nationale rendra incessamment des décrets pour fixer le mode & le prix du rachat des droits féodaux non-supprimés, sans préjudice du paiement des rentes & des redevances, qui doit être fait jusqu'au jour du rachat. »

M. de Landine a demandé que les contestations, qui pourroient s'élever relativement aux droits féodaux, fussent renvoyées devant les juges qui devoient en connoître. On vouloit V

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mettre devant les juges royaux, mais M. de Fermont a observé qu'il y avoit des seigneuries éloignées de plus de 15 lieues de juridictions royales; qu'il y auroit de l'injustice à déplacer un débiteur pour un léger droit; que d'ailleurs il aimeroit mieux sacrifier, même contre toute justice, aux ci-devant seigneurs, Une autre observation est venue à l'appui de M. de Fermont. C'est qu'il y a de provinces entieres, telle que l'Alsace, qui n'ont qu'une juridiction royale. L'assemblée s'est donc décidée à renvoyer les contestations sur les droits féodaux aux juges qui en doivent connoître,

Il reste encore une longue kirielle de droits féodaux maritimes, dont la nomenclature barbare a été renvoyée au rapporteur du comité. On a cru d'abord qu'il vouloit les exempter de la suppression, mais une simple explication a fait disparoître tous les soupçons, & le décret qu'il a proposé relativement à cet objet, a été sur le champ consacré par l'assemblée, le voici :

« L'assemblée nationale se réserve de statuer, s'il y a lieu, sur les droits féodaux maritimes, à l'égard desquels il n'auroit pas été statué par les articles précédens.

M. Lanjuinais, au nom de la députation de Bretagne, a voulu faire ajouter au tit. 2 un article pour la suppression des droits chéants & lé

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rants dont la nature étoit de se multiplier suivant le nombre des possesseurs dans le fief, jusqu'à ce que, par licitation, partage, aveu, jugement, l'on eût fait réduire ou rabattre ces droits au taux simple ou primitif. Le riche, l'homme instruit & soigneux y échapoit facilement avec quelques frais. Les pauvres, les absens, les mineurs, les mal-aisés, les négligens en étoient la victime, & leur fonds se trouvoit consommé par les arrérages de peu d'années, quelquefois d'une seule. C'étoit donc un piege affreux tendu par le puissant au foible, un reste odieux de servitude personnelle, un tribut levé sur la pauvreté, l'absence, les minorités, les négligences, les longues maladies; en un mot, sur les miseres humaines. L'article, dont voici les termes, a été renvoyé au comité féodal, pour en faire son rapport à l'assemblée.

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<< Les droits ci-devant connus sous le nom de chéants & lérants & autres semblables, ne seront plus exigibles qu'au même taux auquel ils étoient réduits au jour de la publication des lettres-patentes du 3 novembre dernier, & même auquel ils se fussent trouvés réduits alors, si les redevables, qui étoient dans le cas de faire juger l'abattue, eussent, à ladite époque, rempli cette formalité; ce taux demeurera fixe & invariable,

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jusqu'au rachat, desdits droits, ou jusqu'à leur extinction par les autres moyens légitimes.

On s'est disputé, quelques instans, sur la question de savoir si c'étoit à l'acceptation ou à la sanction du roi qu'on devoit porter le décret général sur les droits féodaux. A la droite du président on entendoit retentir à la sanction; à la gauche, on crioit à l'acceptation; mais bientôt on s'est réuni pour décider qu'il seroit porté à l'acceptation & à la sanction du roi. C'est une preuve qu'il y a des articles purement constitutionels & d'autres purement réglementaires.

Ces débats finis, M. le président a annoncé qu'il venoit de recevoir du garde des sceaux plusieurs décrets sanctionnés, & de ce nombre se trouvoient justement les deux pour la sanction desquels M. Bouche avoit fait une motion rigoureuse, dont j'ai parlé plus haut. M. Guillaume a cru qu'il étoit inutile de relater, dans le verbal de demain, le décret qui avoit consacré la motion de M. Bouche; mais l'argus provençal a combattu M. Guillaume avec les armes de la raison, & les principes de l'assemblée nationale: « Les décrets que vous avez rendus doivent rester dans le procès-verbal; parce que rien n'honore tant l'assemblée nationale que sa fermeté & sa persévérance à poursuivre la sanction de ses dé

crets ».

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