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áinés, l'inégalité des partages dans les successions, la préséance enfantée par la féodalité dans des tems où l'ainé d'une famille noble étoit obligé d'entretenir à ses frais un certain nombre de gens armés, tems grossiers & barbares où l'on sacrifioit à l'esprit de conquête les considérations même de la nature; tous ces titres odieux de prédilections se sont évanouis à la voix de la raison. D'ailleurs, a-t-il dit, le bien de l'état vient concourir ici avec la raison, puisque plus les propriétés sont divisées, plus l'état est riche & ориlent, & moins il y a de malheureux. Je ne conçois pas, s'est-il écrié, que l'on vienne nous proposer de préférer la volonté de l'homme à la loi, & que l'on veuille émousser les principes que vous avez consacrés pour laisser à l'arbitraire des parens le moyen de perpétuer les abus de l'ancien régime. N'avez-vous pas cherché à ramener, autant qu'il est possible, les hommes à l'égalité? N'avez-yous pas assimilé les droits féodaux aux droits fonciers ? Le principe général de partage n'est-il pas l'égalité ? Ne pourroit-on pas prouver que l'inégalité dans les partages, pour les biens de roture, est encore une suite de la féodalité? N'est-il pas vrai que toute inégalité répugne au bon sens, à la nature entre des êtres égaux, les enfans d'une même mere? Faites donc

une seule & même opération, & prononcez que tout droit d'ainesse est aboli; respectez seulement les contrats faits sous la sauve-garde de la loi de l'ancien régime.

M. Tronchet a développé les raisons qui avoient déterminé le comité à présenter la nouvelle rédaction. Il a dit: la question qui vous occupe est importante & délicate; mais fort souvent la difficulté qu'on a à se déterminer, vient de ce que l'on ne connoît pas la difficulté même.

Pour exposer les raisons de la conduite du comité, je me demande : le comité a-t-il fait ce qu'il devoit faire? ce qu'il a fait est-il nécessaire? y a-t-il des inconvéniens, & quel remede peut-on y apporter ? Le comité a fait ce qu'il devoit faire, puisqu'il est vrai que si une succession de biens féodaux étoit en vente, on seroit obligé, d'après ce principe de dire, il n'existe plus de fiefs; donc il n'existe plus de droits d'aînesse, par rapport à ces biens; donc il n'existe plus d'inégalité de partage dans ces sortes d'héritages. Le comité a-t-il fait ce qu'il étoit nécessaire ? oui, puisqu'il a fait ce dont il étoit chargé, & qu'il s'est circonscrit rigoureusement dans le cercle de féodalité, regardant comme prématuré de prononcer sur le droit d'aînesse en général, & qui appartient à la législation d'ailleurs les conséquences d'une pa

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reille loi l'ont effrayé. Y a-t-il des inconvéniens? oui, tant à l'égard des puinés que des ainés à l'égard de ceux-ci, il faut considérer les droits acquis & les droits en espérance; les premiers doivent être scrupuleusement conservés, les seconds ne sont qu'éventuels, si les peres ne sont pas liés par des clauses particulieres ou la coutume: par exemple, quoiqu'un pere ait marié son fils comme ainé, il n'en est pas moins le maître d'alié-, ner: or, soit que le pere aliene, soit que la loi abolisse le fief, l'enfant sera dans le même cas. Quant aux puinés, les coutumes bizarres du Boulonois & de Lille, nous ont fait recourir à la puissance paternelle : nous l'avons regardé comme le seul remede à l'injustice qui prive les puinés & les filles du partage des rotures, & leur donne le quint sur les biens féodaux.

M. le Chapelier a succédé à M. Tronchet pour proposer un projet de décret qui a été décrété à la très-grande majorité; mais au préalable, il a passé par toutes les étamines ordinaires; j'en rendrai compte après.

ART. X du décret sur les effets de la destruction du régime féodal.

Tout privilege, toute féodalité & nobilité de biens étant détruits, les droits d'ainesse & de

masculinité à l'égard des fiefs, domaines & aleux nobles, & les partages inégaux à raison de la qualité des personnes sont abolis.

tant

En conséquence toutes les successions directes que collatérales, tant mobilieres qu'immobilieres, qui échoueront, à compter du jour de la publication du présent décret, seront, sans égard à l'ancienne qualité noble des biens & des personnes, partagées entre les héritiers, suivant les loix, statuts & coutumes qui réglent les tages entre tous les citoyens.

par

Abroge & détruit, l'assemblée nationale toutes les loix & coutumes à ce contraires.

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Excepté du présent décret ceux qui sont actuellement mariés, & les veufs ayant des enfans, lesquels partageront, entr'eux & leurs co-héritiers, conformément aux anciennes loix, les successions mobilieres ou immobilieres, directes ou collatérales, qui pourront leur échouer.

Déclare néanmoins que les puînés & les filles, dans les coutumes où ils ont eu jusqu'à présent sur les biens tenus en chef plus d'avantage que sur les biens non-féodaux, continueront de prendre, dans les ci-devant fiefs, les parts à eux assignées par lesdites coutumes, jusqu'à ce qu'il ait été déterminé, par l'assemblée nationale, un mode définitif & uniforme de successions pour tout le royaume.

M. Lanjuinais approuvoit la rédaction de M. Chapelier, mais ne la trouvoit pas encore assez étendue. D'abord il vouloit borner expressément l'article aux successions légitimes, laissant par provision les avantages qui sont faits aux héritiers par actes entre-vifs ou par testament, aux seules provinces qui en ont reçu l'usage, pour supprimer les prérogatives du juveigneur, qui, dans l'usement de Rohan, recueille seul la tenue & pour détruire les autres inégalités établies dans le partage des rotures ou censives, il vouloit ajouter à ces mots sans égard à l'ancienne coutume des personnes, ceux-ci, ou des biens ci-devant nobles ou roturiers, ou à la diversité d'âge ou de sexe.

Les censives ou rotures, disoit-il, étoient les co-relatifs des biens nobles; ce seroit la plus étrange contradiction de conserver les inégalités dans le partage des prémiers; ce seroit conserver le régime féodal: la qualité roturiere des biens est une production de la féodalité. Mais il y a d'autres effets de la qualité féodale des biens; par exemple, dans la forme des prisages en Bretagne, dans les réglemens des droits entre gens mariés, &c. Tout cela est détruit, & l'abolition en seroit ratifiée par cette rédaction fort simple :

Toute qualité féodale ou censuelle des biens est

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