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à jetter des semences de discorde, particuliérement dans l'espoir de causer une insurrection générale; on veut lui faire regretter le tems où le despotisme, pesant sur sa tête, avoit tellement engourdi ses sens sous les apparences d'une tranquillité perfide, qu'il étoit réduit à la nullité la plus absolue. Vous l'avez fait rentrer dans ses droits. Il jouira de toute leur plénitude malgré les efforts multipliés que l'on fait pour détruire la liberté naissante, & suspendre le destin qui s'avance sur la France pour y répandre le bonheur. Effrayés de ce que vous avez déja fait, les ennemis du bien public tentent tous les moyens imaginables pour vous empêcher de finir ce qui vous reste à faire. Chez eux la calomnie se replie de mille manieres, & répand par-tout son poison & des propos aussi séditieux que contradictoires. Vous marchez trop vîte, dit-on, & vous marchez trop lentement ; vous n'avez rien fait, & vous avez tout détruit; tout est dans le désordre, & vous en êtes la cause. Vous avez la réponse, un mot seulement peut les confondre. Vous avez établi la constitution sur les bases de l'égalité; des êtres privilégiés jusques alors payent la moitié des impôts, & cette imposition vertit & vertira au profit des contribuables..... Détruire votre ou

vrage, voilà le but de tous ces hommes qui profitent des abus de l'ancien régime, en voyant échapper de leurs mains l'instrument de leur scandaleuse fortune. Vous calomnier, voilà leur seul moyen. Ils profitent de cette liberté pour répandre contre vous des brochures affreuses; on les fait colporter jusques dans l'assemblée nationale même. Enfans ingrats qui, délivrés de leurs fers, les tournent contre leurs libérateurs ; ils abusent de vos bienfaits. On calomnie le roi, l'assemblée nationale. On prête des intentions criminelles à ces vertueux citoyens qui se sont réunis à la voix du patriotisme, l'étendard de la liberté pour soutenir la constitution. On suppose à la capitale des projets audacieux, des vues dangereuses, & une tendance à la domination. Ces moyens n'ont pas réussi au gré des gens mal intentionnés. Ils en avoient réservé un plus efficace, c'étoit la rareté du numéraire. On affecte de publier que la banqueroute est prête à éclater: mal affreux, dont vous avez proscrit le nom, & que l'on ne peut prononcer qu'en frémissant; calamité horrible, dont votre sagesse saura garantir la France. Banqueroute! mot infâme, qui ne peut plus être désormais que dans la bouche de nos ennemis. Redoublez de courage, s'il est possible: il faut que l'on sache que les peres de la patrie veillent pour

elle.

Reprimez cette coupable joie de ces êtres vil & intéressés à grossir vos embarras, & en vous en susciter de nouveaux.........Dites-leur haud tement la banqueroute est impossible si l'assemblée continue; mais elle seroit inévitable si l'assemblée se séparoit. En ces deux mots j'en dis assez aux représentans de la nation & aux François ; le reste s'entend. La banqueroute est impossible, parce que le sol de l'empire françois est une source intarissable de richesses, parce que les revenus sont immenses, parce que les gages que l'on va mettre entre les mains des créanciers de l'état couvrent & au-delà les capitaux de la dette, parce que nous touchons à l'avenir le plus heureux, parce que la dépense balan cée sagement avec la recette, n'aura plus besoin d'anticipation pour l'alimenter, parce qu'au contraire la recette excédera la dépense de plusieurs millions, parce que sur les 240 millions d'indemnités, une partie s'éteint graduellement par mort des rentiers viagers. Eh quoi! parce que vous devez six à sept années de vos révenus, parce qu'une terreur panique a fait resserer momentanément le numéraire, vous désespérez de la chose publique ?

Cependant nos voisins, dont la dette surpasse même la valeur de tout leur territoire, n'éprou

vent aucune inquiétude, que dis-je ? même ils fleurissent. Vos ressources sont infiniment plus grandes que les leurs, & l'on pourroit craindre ! Le patriotisme & la loyauté françoise devroient suffire pour rassurer; au moment, même où l'on seroit prêt d'éprouver le malheur qu'on veut nous faire craindre. tous les François réuniroient leurs efforts, & écarteroient ce fléau.... La banqueroute est impossible; parce que, quoiqu'on en dise, les impôts se payent dans les provinces: j'en appelle, Messieurs, à vos correspondances.,

Ici un oui presque général s'est fait entendre. dans la salle. Mais, dira-t-on, les impôts indirects ne se perçoivent plus, cela est vrai; mais ils sont odieux au peuple ; remplacez-les par des impôts justes & moins révoltans, ils seront payés.

O bon peuple! vous qui savez tant aimer, on Vous opprime quand vous courbez la tête; on vous calomnie quand vous osez la lever. Après ce discours, dont je n'ai donné que la substance, & qu'on a trouvé si frappant qu'on en a voté l'impression, M. Rabeaud a proposé de charger le comité de présenter ses observations sur le mémoire du premier ministre des finances, & l'adresse de la commune de Paris, afin de porter

remede au mal, c'est-à-dire, la rareté du numé raire, voici l'adresse :

Adresse des représentans de la commune.de Paris à l'assemblée nationale, sur la situation de la caisse d'escompte & la rareté du numéraire.

MESSIEURS

La rareté du numéraire dans la capitale y a excité, & y excite encore les plus vives inquiétudes. On a envisagé l'existance de la caisse d'escompte comme une des causes principales du défaut de circulation des especes; on a pensé du moins que sa situation avoit un rapport direct à cette pénurie. Vous avez, Messieurs, pris en considération cet important objet vous avez nommé des commissaires pour examiner l'état de la caisse d'escompte, ses opérations; les statuts, l'usage qu'elle avoit fait de son crédit, de ses moyens & de ses fonds. Un rapport lumineux a été le résultat de ce travail, & vous avez reconnu que si la caisse d'escompte s'étoit écartée de ses statuts, par une complaisance blâmable dans un tems où les ministres pouvoient abuser de tout, elle avoit, sous le regne de la liberté, rendu des services signalés à la chose publique par des avances qui ont suppléé à la cessation du paiement des impôts; vous avez même pensé, Messieurs, que

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