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RÉPONSE

De M. MONGEZ le jeune, Auteur du Journal de Phyfique, à M. DE CISSAY.

VOUS OUS n'êtes pas le feul, mon cher Ami, qui m'ayiez demandé mon procédé pour faire cryftallifer les régules des métaux; &, pour répondre à tout le monde à la fois, je vais inférer dans le Journal de Phyfique un extrait de quelques chapitres de mon Effai fur les Cryftallifations métalliques que j'efpère donner au Public à l'entrée de l'hiver. Ainfi, quand il paroîtra, vous pourrez y confulter & quelques idées fur la cryftallisation, & furtout les deffins de ces cryftaux obtenus par mon procédé; ils font trèsexacts, & les développemens font faits au microscope.

Je crois & croirai jufqu'à ce qu'on m'ait démontré le contraire, que les rudimens de toute cryftallifation métallique font des prifmes polygones, qui, par des circonftances favorables, peuvent concourir à former des pyramides trièdres ou quadrangulaires. Il peut encore arriver quelquefois que deux de ces pyramides, s'uniffant base à base, repréfentent un octaèdre; mais les demi-métaux n'offriront jamais ces pyramides régulières: ils confervent plus ou moins la forme aiguillée, fur-tout le zinc & le bifmuth. Ces aiguilles, retenant leur forme primitive, fe difpofent quelquefois comme celles du fel marin, & figurent des trémies ou cubes, tels que le bifmuth & l'antimoine.

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En un mot, le cobalt fe cryftallife en faifceaux d'aiguilles couchées les. unes fur les autres en différens fens, imitant affez une maffe de bafaltes écroulés. Le bifmuth offre de petites trémies irrégulières, ou plutôt des volutes grecques quarrées, adhérentes les unes aux autres en recouvrement. Les trémies de l'antimoine font plus régulières que celles du bifmuth elles s'implantent les unes fur les autres en recouvrement par les angles, ce qui forme une pyramide trièdre dont chaque face ou plan eft rentrant vers le noyau commun. Le zinc, dont la vraie cryftallifation est trèsdifficile à obtenir, fe préfente en aiguilles ou prifmes quadrangulaires aflez réguliers; je ne puis affurer fi ces prifmes font terminés en pyramides, & quelles font ces pyramides, parce que je n'en ai jamais obtenu ifolés. I arrive quelquefois qu'au fond du creufet, ces paquets d'aiguilles annoncent une espèce de pyramide informe. C'eft M. Brongniart, à qui on doit la cryftallisation du bilmuth, qui m'a fait voir, il y a deux ans, cette espèce de crystallifation.

Les métaux offrent des formes plus régulières & plus fatisfaifantes. La figure des cryftaux de plomb eft celle d'une pyramide quadrangulaire,

couchée sur le côté, de façon que de ces quatre faces & de leurs quatre angles, il y en a toujours une très-étendue & dont la base va en s'élargiflant. Cette pyramide eft compofée pour ainfi dire de couches ou zones d'autres petites pyramides couronnées ordinairement par une feule aiguë. Si l'étain crystallife, ce qui eft encore une queftion, car je ne vois pas une vraie crystallifation dans tous les échantillons que j'ai faits & dans tous ceux que j'ai vus, il prend la forme ou plutôt l'angle d'un rhomboïde. Le cuivre donne des pyramides quadrangulaires bien prononcées ; &, à l'aide de la loupe, on diftinguoit facilement les aiguilles enveloppées d'une couche de cuive dont chaque arête ou angle étoit compofé. Le fer donne pareillement des pyramides femblables; mais il arrive très-fouvent que les aiguilles font ifolées & féparées les unes des autres. L'argent & l'or cryftallifent de même : feulement la pyramide de l'argent eft plus écrafée, & celle de l'or plus aiguë.

Telles font les formes conftantes que j'ai obfervées fur les morceaux que j'ai obtenus en 1780, au commencement du mois de Juin. J'eus l'honneur de les préfenter alors à l'Académie des Sciences, comme on le peut voir fur fon registre, le 10 du mois de Juin.

Pour obtenir ces cryftallifations, voici comment je m'y fuis pris. On fait fondre exactement le métal dans un creufet; il faut que la fonte foit parfaite, & je la pouffe jufqu'à ce que le métal éprouve une espèce d'ébullition: enfuite pour l'or, l'argent, le cuivre, le plomb, l'étain, l'antimoine, le bifmuth, le cobalt, lorfque j'en ai une affez grande quantité, le verfe dans un têt à rôtir, tenu très-chaud & prefque rouge fur un bain de fable. Lorfque la partie fupérieure du métal fondu commence à fe figer, j'incline doucement le têt à rôtir, & verfe le métal fondu dans un autre vase. Ce qui reste adhérent contre les parois du premier vase est cryftallifé.

J'ai imaginé un autre procédé un peu plus gênant, mais plus sûr encore. Il confifte à percer le fond du tết à rôtir d'un trou de trois ou quatre lignes de diamètre, que l'on bouche avec un peu de terre des os ou de la craie. Le creufet dans lequel on fait la fufion peut être ainsi préparé ; il tiendra lieu du premier têt à rôtir. Quand le métal eft figé fupérieurement, alors avec un petit crochet de fer on débouche le fond du vafe, le métal encore fondu coule par le trou, & laiffe une espèce de géode métallique tapiffée de crystaux.

Le zinc demande un procédé particulier; comme il crystallise en aiguilles difpofées dans toute forte de fens, il refte toujours une portion de métal interpofée, qui recouvre & obftrue toutes les aiguilles. En vain renverferoit-on la capfule, il ne couleroit qu'une très - petite partie du méral. Le procédé fuivant m'a toujours réuffi. On prend une capfule ou têt à rôtir, que l'on perce au fond & fur les côtés de plufieurs trous; on bouche tous ces trous avec de la terre des os: quand le zinc fe refroidit K. 2

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à la fuperficie, & que l'on voit fe former les pointes des aiguilles qui viennent percer la légère couche de chaux qui la recouvre, le fond de la capfule étant affez chaud pour entretenir un peu de zinc coulant, on débouche un trou; il en fort un peu de zinc. Vous introduifez par ce trou un fer rouge, qui forme un vuide dans la maffe d'aiguilles; il coule une plus grande quantité de zinc. Vous débouchez ainfi tous les trous fuccefhvement tout le zinc coulant s'échappe. Prenant enfuite la capfule avec une pince, vous la fecouez légèrement, en la frappant contre quelque corps dur, ou en lui imprimant une petite force centrifuge: le zinc, logé dans les interftices des aiguilles, s'échappe petit-à-petit. On continue de frapper ou d'agiter jufqu'à ce qu'il n'en coule plus. Alors, fi vous voulez que la cryftallifation conferve fon brillant métallique, vous la laiffez refroidir dans la capfule; fi vous defirez qu'elle foit colorée, vous la retirez de la capfule, & vous l'expofez au grand air, Après le refroidiffement total, vous trouvez tout votre zinc réduit en une infinité d'aiguilles, qui se croifent en toute forte de fens.

On m'objecta dans le temps que la forme aiguillée dépendoit peut-être du mouvement que j'imprimois à la capfule; mais cette objection fe détruit d'elle-même, fi l'on fait attention aux aiguilles que l'on voit naître à la fuperficie du métal lors de fon refroidiffement. Si les aiguilles exiftent avant que l'on touche à la capfule, comment peut-on dire qu'elles doivent leur formation à un mouvement donné bien poftérieurement? ce feroit abfurde.

Ces détails fuffiront certainement à quiconque voudra effayer de faire cryftallifer les régules purs des métaux. Au refte, on en trouvera de plus circonftanciés dans l'Ejai fur les Cryftallifations métalliques.

Notice tirée du Porte-Feuille de M. l'Abbé DiCQUEMARE.

Suite de la génération des Anémones de Mer.

Ce qu'il y a de plus intéressant dans la Nature ne s'apperçoit point au

premier coup d'œil. Mes Obfervations fur les anémones de mer com mencèrent en 1771 (1); quoique depuis cette époque j'en aie toujours eu fous les yeux dans une Ménagerie marine & à la mer, que j'aie fai

(1) Voyez ce qu'a publié M. Dicquemare dans l'in-12, Octobre 1772, ou Tom. II Partie II, pag. 201; Tom. III, Partie II, pag. 151; dans l'Introduction in -4°. Tom. II, pag. 11 & 629, où il fe trouve entr'autres deux figures de la troisième efpèce, cotées C & D; les Mémoires fur le même fujet, Tom.I, Juin 1773, P. 473 Tom. III, 1774, Mai, pag. 371; Tom. IV, 1774, pag. 341; Tom. V, 1775

fur ces animaux un très-grand nombre d'expériences fructueuses, obfervé la manière dont la première efpèce fe multiplie, fondé & découvert comment s'accomplit naturellement & artificiellement ce vœu de la Nature dans la quatrième, j'ignore encore ce qui fe paffe, à cet égard, dans la feconde. Mais, le 16 Février 1781, plufieurs variétés de la troifième, pêchées le 14, à la fin d'un coup de vent, m'ont donné par la bouche, comme celles de la première, un très-grand nombre de petites anémones femblables, en forme & en couleur, à celles qui les produifent. Il a donc falla obferver avec la plus grande attention, pendant près de dix ans, pour parvenir à cette connoiffance: heureufement il y en a d'intermé diaires. Mais combien obferverai-je encore pour découvrir la génération de la feconde espèce? A l'égard de celle de la quatrième, j'ai fous les yeux de nouvelles monftruofités: une anemone à deux bouches placées de manière à faire voir que ces deux anémones le font développées dans un même lambeau, fans que l'étranglement ait eu lieu. J'ai auffi une petite anémone de cette efpèce, adhérente à la base de fa mère par la

même cause.

La reproduction par des fections & la génération des polypes d'eaudouce n'ont rien préfenté d'auffi extraordinaire que celles-ci, qui ont lieu par des lambeaux, que l'animal, gros comme le bras de l'homme, ayant des vifcères, des inteftins, &c., s'arrache lui-même. Où en font donc maintenant ceux qui ont douté que les Savans, auxquels nous devons la belle, l'heureufe découverte des polypes d'eau-douce, & fes fuites, fuffent de bons Obfervateurs?

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

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ECHERCHES chymiques fur l'Erain, faites & publiées par l'ordre du Gouvernement; par M BAYEN, Apothicaire - Major des Camps & Armées du Roi, & M. CHARLARD, Prévôt du Collège de Pharmacie à Paris, 1781.

Il eft peu d'Ouvrages entrepris dans des voies plus fages & plus directes au bien de la Société en général. Les alarmes juftes ou injuftes que l'on

Avril, pag. 30s; Tom. VII, 1776, Avril, pag. 298; Juin, pag. 15; Tom. VIII, 1776; Octobre, pag, 305; Tom. IX, 1778, Avril, pag. 318; T. XVI, 1780, pag. 448. Voyez auffi dans les Tranfactions philofophiques de la Société Royale de Londres, plufieurs Mémoires de M. Dicquemare fur le même fujet, Volumes LXIII,

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avoit répandues dans le Public au fujet de l'ufage des uftenfiles d'étain employés dans les cuifines, doivent être totalement diffipées à la lecture du travail de ces favants Chymiftes. On a pu voir le rapport très-avantageux que les Commiffaires du Collège de Pharmacie ont fait de ces Recherches dans le mois précédent de notre Journal, pag. 451. Les détails dans lefquels ils font entrés donneront une idée jufte, & des Chymiftes qui ont entrepris cette Analyfe, & de l'exactitude avec laquelle elle eft faite.

Mais nous ne pouvons paffer fous filence l'inculpation fi peu méritée contre un Citoyen de Rouen, qui s'eft acquis à tant de titres l'eftime & la reconnoiffance de fa Patrie : elle fe trouve p. 276. Le ton de perfifflage, joint à un défaut de vérité, dépare cet Ouvrage, où le ton de la modeftie & de l'honnêteté fe fait furtout remarquer. Il eft bien étonnant què MM. Bayen & Charlard, dont les lumières & l'équité conduifent toujours la plume favante, fe foient permis une fois d'écarter l'impartialité, qui ajoute au mérite, en traitant fi mal & avec tant d'injuftice un homme eftimé par tous les Savans François & Etrangers qui l'ont pu connoître; qui, depuis plufieurs années, entretenoit des re lations intéreffantes avec MM. Macquer, Cadet, de Milly, de Grignon & autres illuftres Académiciens; qui avoit mérité l'eftime diftinguée de MM. les Ducs de la Rochefoucauld, de Liancourt, &c., &c.; qui enfin avoit un rapport direct avec M M. les Intendans du Commerce & plufieurs Miniftres, & qui eft mort quelques inftans avant de recevoir le Cordon noir, que le Roi lui envoyoit comme la jufte récompenfe de fes travaux & de fon défintéreffement.

Ce Phyficien, que l'on dit très-peu verfé dans la Chymie, qui ne faifoit que de prétendues expériences, aété cependant pleuré & regretté par tous les Concitoyens qu'il guidoit par fes lumières, & auxquels il abandonnoit généreufement fes découvertes multipliées dans l'Art de la Teinture, Ce n'eft qu'après notre mort que l'on nous juge avec impartialité; quiconque élève de juftes regrets, quand il n'eft plus, les a certainement préparés durant le cours eftimable de fa vie. Tous les jours encore les Manufacturiers de Rouen, dans tous les genres, parlent avec le plus vif intérêt & la reconnoiffance la plus fincère de M. de la Folie.

Il cultiva de bonne heure la Chymie, fur tout la partie qui pouvoit le rendre utile à fa Patrie, je veux dire la Teinture: les autres ne lui furent point étrangères. Un long travail fur les émaux lui procura des découvertes avantageufes dont les Fayanceries de Rouen ont fu profiter. La fabrication en grand de l'huile de vitriol lui doit une partie de fa perfection, La coloration des pierres factices l'occupa quelque temps, & il parvint, par le moyen du cuivre, à colorer en rubis des crystaux. Il a donné l'art de blanchir & de colorer dans les piles la pâte du papier; celui de faire, fans incommodité, le bleu de Pruffe, & d'en teindre les matières végétales; un moyen de blanchir plus parfaitement les bazins &

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