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lequel elles fe déchargent. De-là, quand il ne fe rencontre point de parties plus foibles ou moins réfiftantes, qui cèdent de préférence & contre lefquelles fe porte l'effort, l'effort, la rupture des bocaux fe fait dans les parties directement oppofées à celles fur lefquelles tombe la charge extérieurement conduite par le conducteur arqué.

De quelque manière enfin qu'arrive la rupture, elle eft certainement toujours un effet de la matière électrique. De la figure, de l'ordre & du nombre de ces trous qui fe forment fur les bocaux rompus, on peut, avec quelque vraisemblance, déduire la configuration de ces fluides en mouvement. Dans le nombre des bocaux rompus décrits par Priestley, il n'y a qu'un feul cas où il fe trouve un cordon de fentes circulaires autour du trou principal; & un autre où, autour d'un trou fait en forme d'étoile, fe trouve un nombre confidérable de petites fentes difpofées en rayons.

C'est ici le lieu de rapporter un fait tout récent, qui n'illuftre pas moins de femblables phénomènes, que la théorie générale dont ils dépendent. A Alexandrie, pendant l'automne de 1778, le tonnerre tomba fur la maifon de M. l'Ingénieur Cafelli, & n'y fit de dommage qu'aux vitres d'une demi- croifée, qui donnoit fur un efcalier. De ces vitres minces & d'une denfité ordinaire, moins grandes que cinq pouces, il n'y en eut pas une de rompue avec des fentes d'un côté à l'autre; mais elles furent percées d'un, deux ou trois trous, le refte du carreau demeurant intact. De chacun de ces trous, qui avoient environ deux lignes de diamètre, partoient des fentes jamais en moindre nombre que de cinq, & fouvent plus confidérables, comme autant de rayons longs de plus d'un demi - pouce, & prefqu'à diftance égale les uns des autres. Toutes les extrémités de ces rayons étoient liées aux autres fentes par une petite courbure formant une figure prefque régulière autour du principal trou. Les autres fentes femblables, plus internes, à la diftance l'une de l'autre d'une ligne ou deux tout au plus, formoient fur ces rayons autant de figures internes concentriques & femblables aux premières. Il est étonnant qu'autant de petits morceaux de verre, divifés en un auffi grand nombre de fentes qui paffoient de part en part, puffent conferver leur pofition. Quelques-uns en effet étoient déjà tombés, & les autres tomboient chaque fois qu'on fecouoit brufquement la fenêtre,

J'ai même obfervé une certaine fymmétrie de ternaires dans l'ordre de çes trous, mais je n'ai pas eu le temps de les deffiner & d'y faire des obfervations ultérieures, Je ne les ai pas jugées d'une grande utilité, puifque la direction oppofée des filons qui le traverfent ne fe diftingue pas auffi bien dans le verre que dans le métal.

Je pense que ces rayons, de même que ceux qu'a obfervés M. Priestley fur fes bocaux rompus, n'appartiennent qu'à l'action indirecte de la matière en explosion ; c'est-à-dire, qu'ils font un effet fecondaire de la vélocité & de l'impétuofité avec laquelle elle fe lance de différens points autour

d'un

d'un centre; impétuofité qui occafionne ces fentes, en agiffant fur un corps dur comme le verre (1). C'est à une femblable impétuofité que je rapporte la piquure aiguë que reffentit Priestley fur la pointe du doigt qu'il avoit, par hafard, fur la partie même par laquelle la bouteille fut tranfpercée. Dans quelque hypothèse que ce foit, ces trous centraux, entourés de fentes circulaires, démontrent certainement la plus grande activité de la matière en explosion.

Certe explofion, accompagnée de bruit & d'éclair, répandoit une vraie odeur de foufre, & a traversé un édifice entier fans y laiffer d'autres traces que les trous dans les vitres dont j'ai donné la defcription. Elle me rappelle un autre effet de la foudre que j'ai obfervé dans le Monaftère de Sainte-Catherine de Voghera. La foudre paffa par le clocher & par le flanc de l'Eglife publique, traverfa l'Eglife intérieure dans fa largeur par le moyen d'une groffe clef de fer fur laquelle eft l'orgue avec un grand encaiffement de bois placé de niveau fur le plancher. Dans tout le chemin qu'il parcourut, le tonnerre ne laiffa que de petites fentes fur la chaux détachée des murs; il ne fit aucun mai ni à la caiffe ni aux tuyaux de l'orgue qu'il traverfa de haut en bas : mais dans le voisinage du plancher, il fit éprouver une fufion parfaite feulement à quatre des petits fils d'archal qui uniffent les regiftres de l'orgue, quoiqu'ils foient en grand nombre.

Un autre coup de tonnerre paffa également par le clocher de la Confraternité de Saint - Innocent à Pavie, gagna par un canal de fer la Sacriftie, où il traverfa verticalement trois étages des chambres fupérieures, dans le plancher defquelles il fit de petits trous auprès du mur, avec des traces de funiée auffi confidérables, que dans ceux qu'il fit au bord des autres matières combustibles qu'il rencontra dans fa direction: mais il ne mit le feu qu'à une vieille tablette à livres, qui étoit de niveau avec la Sacriftic.

Dans la voie de ces deux coups de tonnerre, il y avoit bien des fils de métal capables de leur fervir de conducteurs: mais ils n'étoient ni unis ni allez voifins les uns des autres pour former un conducteur continu, tellement que les torrens de matière fulminante ont été conduits par des fils non métalliques avec une facilité prefqu'égale.

(1) Ce n'eft pas la force du coup qui fait de semblables ruptures, mais une certaine manière de vibration par laquelle les petites parties compofantes fe trouvent déplacées de leurs premières limites de cohéfion; c'eft une femblable vibration occafionnée dans le verre par une décharge imprévue, ou par le rapide paffage de l'électricité, que j'appelle fon action indirecte. Une espèce d'électricité attirant fon oppofée à travers de l'épaiffeur de la lame de verre, en tend & en comprime les particules compofantes; enfuite, en partant rapidement, elle les abandonne. Ces parties, pour le remettre dans leur état naturel, éprouvent une fecouffe comme fi elles avoient été heurtées avec impé tuofité; par ce moyen, e les le féparent & laiffent ainsi une rupture ou de petites féparations autour du centre de cette vibration.

Je conclus d'abord de ces trois obfervations, que les efpaces non métalliques qu'on appelle ordinairement interpolés & inaptes à conduire la matière fulminante, ne le font pas toujours pour la foudre, qui peut en outre fondre & allumer quelques points du fentier qu'elle parcourt, fans être obligée d'y laiffer un figne permanent de fon paffage.

De cette connoiffance déduite d'après des faits bien avérés, je pafferai à d'autres obfervations qui femblent analogues à la girouette de Crémone. Nous avons à Pavie, fur le frontifpice de l'Eglife du Monaftère de Sainte-Claire, cinq groffes fphères creufes de cuivre; trois d'entr'elles font percées de plufieurs trous, qui femblent en direction oppofée, & n'ont au reste aucuns veftiges de foudre.

Le Chevalier Landriani, Profeffeur à Milan, m'écrit de cette Ville qu'on apperçoit, avec le télescope, plufieurs trous qui femblent en direction oppofée fur les girouettes des clochers de S. Antoine & de S. Jean, ainsi que fur quelques autres.

Je ne dirai point que ces trous foient un effet de la foudre, parce qu'avant de donner une affertion, il faut vérifier & obferver avec foin. Je dirai bien que chaque fois qu'on en obfervera de vraiment femblables à ceux dont j'ai donné la defcription, on pourra bien croire qu'ils ont été faits par la foudre, fans être étonné de ne point voir en ruine les pyramides qui foutiennent les fphères des clochers fur lefquelles font placées les girouettes, fur-tout depuis que plufieurs faits nous démontrent affez clairement comment la foudre peut & a coutume de faire de très-grands effets dans un feul point, fans en faire de fenfibles dans tous les autres points de fa route.

Il n'eft pas facile de définir comment cela fuccède. Si nous voulons d'abord raifonner par analogie, d'après les grandes explosions artificielles, la foudre peut agir de la même manière; 1. parce que, dans le courant de fon fentier, elle eft trop divifée & en quelque façon raréfiée, & qu'elle fe condenfe feulement dans le point où fon action eft plus confidérable, comme l'indiquent les expériences de Priestley & les miennes ; 2. parce que, foit à la furface, foit dans la folidité des murs des édifices frappés par la foudre, il fe trouve des matières propres à la conduire fans danger, de même que les conducteurs de métal, quoiqu'elles n'aient point été affez diftinctement obfervées jufqu'à préfent; 3°. enfin, parce que la foudre, quoique la même dans tous les points de fon fentier, n'a pas une égale activité à l'égard de la force conductrice ou à l'interpolation des fils conducteurs, d'où réfultent évidemment des effets ou moindres ou plus confidérables.

Cette troisième raifon, qui, plus que toute autre, touche la forme intrinsèque de l'action de l'électricité & de la foudre, ne doit pas fe prendre pour une fimple poffibilité, mais pour une conjecture probable; c'eft plutôt un fait qui réfulte de mes expériences, dans lesquelles, pour

imiter la foudre, je fais paffer' une forte charge électrique au travers d'une fuite de petites machines unies, avec autant de fils de laiton interpolés dans le centre de chaque petite machine à distance égale ou inégale à ma volonté. J'ai conftamment obfervé que, toutes choses égales d'ailleurs, les effets d'une même décharge font plus grands dans les petites machines les plus voifines de la furface chargée, & qu'ils vont en diminuant & même en s'évanouiffant, en raifon de l'augmentation du nombre des interpolations, en nommant la première celle qui communique à la surface chargée de la batterie électrique par le premier fil de laiton.

Je n'ai pas éprouvé fi la longueur ou la briéveté des fils de laiton, qui fervent à unir ces petites machines, influe en quelque chofe fur la force ou l'intensité de ces effets.

Je n'ai pas non plus effayé fi, en chargeant la batterie électrique d'électricité négative, il en résulte conftamment des effets pareils à ceux qui font occafionnés par l'électricité pofitive. J'ai tout lieu de le foupçonner: mais je ne veux point donner une affertion. Je fais fort bien qu'en raifonnant, par analogie, on fait un chemin immense; au contraire, pour examiner & définir exactement un fait principal, la vie d'un Phyficien n'eft fouvent pas affez longue. Je cite pour exemple le troisième livre de l'Optique de Newton. Je voudrois que ceux qui ont de grandes batteries électriques tentaffent les expériences que j'ai indiquées; je ne doute point qu'il n'en résultât des chofes importantes pour la théorie de l'électricité. On pourroit, par ce moyen, reconnoître les effets de la foudre fur les points les plus voifins de la charge fulminante qui éclate dans les temps d'orage. La queftion tant agitée fur la direction de la foudre, doit se réduire à la recherche & à la connoiffance de ces points, qui, dans le fentier de la foudre, font plus près de la batterie fulminante naturelle. Mais il eft temps de finir mes recherches fur la figure de la matière fulminante en explosion.

Il fembleroit cependant plus raifonnable de la chercher, non dans les fentes, mais dans la difpofition & dans la figure des trous de chaque bocal rompu, qui fe trouvent fouvent diftincts au nombre de huit. Or, felon les obfervations les plus exactes, ces trous n'ont aucun ordre circulaire conftant, & démontrent conftamment au contraire plus d'activité dans le centre que dans la circonférence. J'en pourrois plaufiblement conclure que ces apparences de cavités cylindriques, dont j'ai ci-devant fait mention, ne font qu'un effet des combinaisons infiniment variées des filets dont eft réellement compofée la matière en explosion; filets qui, d'ordinaire, font divifés & répartis en différentes groffeurs & à différentes diftances, & qui, quelquefois, font en fi grand nombre & fi voifins dans leur action tant directe qu'oblique, qu'ils enveloppent la figure d'une ou de plufieurs zones circulaires. Ceci s'obferve en grand dans la girouette

& diftinctement dans les limites circulaires internes ; ce qui pourroit faci lement se réduire à un cercle un peu alongé & un peu excentrique vers la limite externe CD, 1.2. 4. VI. 7. 8.9.

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A la Lettre de M. ROMÉ DE L'ISLE, inférée dans le mois de Mai, fur les Terres fimples, & principalement fur celle qu'il défigne fous le nom de Terre absorbante.

MONSIEUR, j'ai été un peu furpris de vous voir publier, dans le Journal de Phyfique, ce que je vous ai écrit le 23 Décembre dernier, & que je n'avois écrit que pour vous. Que deviendroit la liberté, la cordialité des correfpondances particulières, s'il falloit toujours mefurer fes termes comme pour un Ouvrage deftiné à l'impreffion?

A cet article près, qui m'a paru mériter une petite obfervation, votre lettre m'a fait beaucoup de plaifir; elle m'annonce de deux chofes l'une: ou que j'ai eu l'avantage d'entamer votre croyance à la doctrine que j'ai combattue dans mon Mémoire fur les terres fimples (1), puifque vous y adoptez les réfultats de mes expériences; ou que fr votre lettre est avouée des Auteurs de cette doctrine, ils reviennent eux-mêmes fur leurs pas.

Je vais le prouver par le texte même de M. Demefte, que vous aviez fans doute perdu de vue lorfque vous avez fuppofé qu'il n'y avoit entre

(1) M. de l'Ile auroit defiré que je fiffe état des terres des métaux, comme étant auffi indécompofables que celles que j'appelle fimples; je réponds qu'elles peuvent être auffi indécompofables & pourtant plus compofées: mais ne fiffent-elles feparées que par une divifion de méthode, j'ai pu, fans doute, borner mon travail aux terres proprement dites. Je n'ai admis que cinq terres fimples; quoique je fuffe dès lors que M. Bergman en comptoit une fixième qu'il appelloit terre noble, & que M Weigel en eût fait mention dans fa Traduction des Elémens de Chymie de l'Académie de Dijon. Tom. I, note 4. Mais cette découverte d'une terre particulière dans les gemmes, ne me paroiffoit pas fuffifamment conftatée; & je viens de voir que M. Bergman avoit en effet retranché dans la nouvelle édition de fa Differtation de tubo ferruminato io, &c., ce qui le trouve à fon fujet dans l'édition de Vienne de 1779.

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