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peu confidérable, qu'ils ne laiffent aucun indice fur les points de métal qui ont éprouvé la fufion.

Il est même à remarquer que ces taches centrales, ainsi que ces zones circulaires, ne font pas conftantes dans toutes les grandes explosions électriques. Pour les avoir bien diftinctes, il faut une batterie électrique d'une grande capacité, mais chargée médiocrement. Le même M. Priestley, dans fon Mémoire fur les Anneaux qui ont toutes les couleurs du prifme, occafionnées par des explosions électriques fur des pièces de métal, Mémoire inféré dans les Tranfactions philofophiques de l'année 1768, n'obferva pas ces efpaces cylindriques vuides autour d'un point central; mais tout l'efpace fut divifé en une quantité d'anneaux colorés concentriques. Une feconde remarque à faire, eft que quand la pointe qui conduit l'explofion touche à la fuperficie métallique ou en eft fixée trop près, les couleurs paroiffent bien à la première explosion, mais elles fe dilatent irrégulièrement, & ne forment point des anneaux diftincts. Pour les obtenir ainfi, il faut une certaine distance entre le conducteur & la furface métallique, jointe à un grand nombre de fortes explosions. Il raconte enfin de quelle manière M. Canton obtint toutes les couleurs de chaque métal, en en mettant en fusion au moyen de fortes explosions de petites étendues fur la fuperficie de pièces de verre.

En retenant bien de fi lumineufes expériences, & en examinant les conféquences avec impartialité, il me femble que ni les cercles colorés, ni les taches, ni les zones interpolées, ne peuvent nous engager à établir T'hypothèse de l'effufion de la matière électrique, dans les grandes explofions, fous la forme de larges cylindres creux, femblables ou à ces zones ou à ces cercles colorés. Si on vouloit déduire la figure de la matière éleЯrique en explosion de la forme des zones & des cercles; comme il arrive qu'ils font tantôt plus étroits, quand la pointe du conducteur eft plus près des furfaces métalliques, tantôt plus grands, quand, à charge égale, le conducteur en eft plus éloigné, il en résulteroit néceffairement que telle figure, de matière électrique, occafionnée par une pointe ou par le fegment le plus étroit de cette pointe, feroit conique & nullement cylindrique.

Secondement, il me paroît que, dans l'explosion de la matière électrique, il ne fe trouve aucune cavité ni conique ni cylindrique; d'abord puifqu'il eft de fait que ces taches & ces zones font formées par des points métalliques fondus, féparés & diftincts: ce qui démontre naturellement que cette matière explofante n'eft pas divifée en cylindres creux, mais en autant de filets plus denfes & plus actifs, en raifon du plus grand nombre de points de métal qui ont éprouvé la fufion. Ce n'eft pas fans raison que je préfere le nom de filets à celui de cylindres folides, parce que de cylindre donneroit gratuitement, & contre l'expérience, l'idée d'une direction droite & conftante dans chacun de ces filets; direction qui ne

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peut avoir lieu, puifque ces filets font plutôt mis en mouvement par une action mutuelle entr'eux, que par une force vibratile précaire & inconnue. J'avertis, pour plus de clarté, que fous le nom de filets ou de filons, on doit écarter l'idée d'uniformité & même de continuité.

Il eft vrai que ces filons font ici, diftribués en cercles & en zones circulaires mais cela n'arrive, 1°. que quand la charge a une certaine force, 2. qu'à une certaine distance, 3°. que fous certaine figure de la pointe conductrice de l'explosion, c'est-à-dire, quand la matière expofante fe trouve raffemblée en grande quantité, & n'eft cependant pas mise en mouvement & pouffée par l'action réciproque, avec un certain degré d'effufion qui peut facilement concourir à cette diftribution circulaire. Cela ne prouve pas en fomme que, parmi la multitude de figures que peuvent affecter ces filets dans leur effervefcence, la figure circulaire peut exifter dans certaine fection au moyen d'une certaine intenfité de la charge. Mais cela ne peut jamais prouver que ces filets foient diftribués en cercles dans toute leur extenfion, ni en zones ou en cavités coniques, cylindriques ou circulaires. En effet, fi on change les diftances, les figures des pointes ou l'intensité de la charge, on n'apperçoit plus ni zones ni cercles, mais d'autres figures en ordre correfpondant à l'action réciproque de ces filets qui, par leur ténuité, n'étendent pas beaucoup au-dehors leur force relative & latérale, & reftent au contraire affez voifins.

Mais cette manière d'examiner la figure & la forme de la matière électrique en explofion nous induira toujours, felon moi, à des illufions manifeftes, tant que nous confidérerons les figures imprimées fur les furfaces par les explosions comme les fections d'un torrent entier & uniforme. Nous n'avons aucune raifon de croire l'explosion semblable à ellemême dans chaque partie de fa longueur. Les figures, bien imprimées fur les corps expofés à quelque explofion que ce foit, indiquent la forme individuelle & la pofition de la matière explofante, dans la feule fection où la furface a été frappée, & non les figures des fections antécédentes & fubféquentes. En effet, comment pourroit-on imaginer de l'uniformité dans une agitation inteftine, qui a les plus vifs caractères d'une violente effervefcence, dans une collifion continue, & d'une extinction de force? comment l'imaginer jamais dans ces genres de fluides, qui tantôt s'allument & s'enflamment contre les obftacles qu'ils rencontrent ou dans des conducteurs trop étroits; & tantôt fe raffemblent & s'uniffent, fans bruit, dans des conducteurs capables de les contenir ?

Il me femble à propos de remarquer ici la différence de la force de la matière électrique ou fulminante, quand une feule de fes espèces, fimplement excitée, eft raffemblée au moyen des ifolemens, & celui des deux efpèces, quand elles font dans leur inftant de réunion, & qu'elles font explosion. C'est un principe élémentaire très-connu', qu'il ne peut le faire d'explofion fans le mouvement d'une des deux efpèces d'électricité, ifoléc

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& raffemblée dans fon acte de réunion à une électricité oppofée, de quelque manière qu'elle foit raffemblée ou ifolée, ou amplement répandue dans un grand fyftême de conducteurs, ou dans tout le globe terraqué. Ceft dans ce fens que, fur le principe de l'Article IV de mes Effais de Phyfique, j'ai amplement démontré que chaque étincelle & enfin chaque fouffle électrique eft une vraie explosion; que fi elle ne confifte pas dans les degrés & dans le refte, la diftinction entre l'électricité d'étincelle & celle d'explofion devient vaine & inutile, de même que la différence des degrés entre l'une & l'autre explosions. Depuis le plus léger fouffle jufqu'à l'explosion la plus bruyante, tout fe fait par une des deux espèces d'électricité dans fon acte de réunion avec fon oppofée. Cependant, dans le premier état de chaque espèce d'électricité ifolée, il paroît manifefte, à la première vue, que fa figure eft la même que celle des conducteurs ifolés qui la touchent; c'eft ce qui rend les définitions fi difficiles, tant il nous refte encore d'incertitude & d'obfcurité. Sait - on jufqu'à quel point elle s'enfonce dans la maffe même des conducteurs? fait-on comment elle s'y difpofe extérieurement? Qui fait fi tous les pores en font remplis, ou fi les points vuides font occupés par l'une ou par l'autre espèce d'électricité? Il faudroit répondre à ces questions & à d'autres femblables, avant de définir ou la figure en maffe ou celle des compofans de l'électricité confidérée dans le premier fens, c'est-à dire, dans un état de féparation.

Or fi la figure de l'électricité en masse, ou des premiers compofans de l'électricité divifée, nous eft inconnue même dans fon état de repos & de ftagnation, fi l'efpoir de pouvoir la découvrir nous eft interdit, comment prétendrions - nous la définir quand les électricités font dans leur mouvement le plus rapide & dans leur plus violente agitation? Il fe préfente ici une heureuse apparence de pouvoir décider & de donner une exacte définition. Tout le monde ne fait-il pas que la foudre ferpente ? ne connoîton pas la figure des grandes étincelles ou des explosions électriques? ne connoît-on pas dans les petites les caractères diftincts des aigrettes & des petites étoiles? Vaines illufions! il n'y a rien de plus trompeur & de plus incertain que la figure des corps lumineux, encore plus celle des corps enflammés; incertitude qui augmente quand ils font dans un mouvement rapide. Je ne doute point que la lumière & la flamme éparfe çà & là par les étincelles électriques ne foit un effet d'une combuftion tantôt douce & tranquille, tantôt impétueufe & rapide, provenant du mêlange & de l'effervefcence des particules compofantes des deux électricités oppofées, qui tendent à fe réunir & à fe faturer l'une & l'autre. Je ne doute point que la principale caufe de cette inflammation ne foit l'embrafement & la deftruction des autres matières combuftibles qui y font mêlées ou qui en font voilines. Je ne doute point enfin que ce ne foit à cela que doivent

leur origine, toutes les différences de formes, de vivacités & de couleurs, d'où dépend l'étincelle, même felon la diverfité des milieux plus ou moins rares, humides ou fecs, purs ou mêlés, &c. Je ne puis fuppofer un feul fluide agiffant par un fimple choc ou fecouffe comme un briquet, ou comme un éther vibré, felon l'opinion des Cartéfiens. Dans toutes ces hypothèses, il est également certain que, dans un fi grand mouvement, la figure de la flamme & de la lumière ne peut être qu'illufoire. Il est encore plus certain que la flamme & la lumière font bien différentes de l'électricité, dont on voudroit définir la figure.

Outre les illufions optiques, le fentier ferpentant de la foudre eft communément une erreur de perfpective, puifqu'on regarde comme vertical & dans un fol plan le chemin rétréci de la foudre, tandis qu'elle fuit réellement, pendant plufieurs milles, une direction courbe, dont l'ample & large courbure eft conduite par divers plans très-différens du vertical fur l'horizon. On voit ordinairement les foudres hors de leur point de vue; c'eft pour cela qu'elles nous paroiffent ferpentantes & décrivant une ligne tortueufe. Il m'arrive fouvent, dans les vaftes plaines du Milanois, d'obferver les orages autour des chaînes de montagnes & dans toutes les pofitions. Quand le fentier de la foudre fe préfente à moi dans une jufte perspective, étendu felon fa longueur, je vois fa trace illufoire comme un long trait fans aucun ferpentement & avec une fimple courbure dans de trèsgrands efpaces.

A l'égard des aigrettes & points lumineux qui paroiffent fur les pointes des conducteurs, je ne ferai qu'une réflexion pour en rejetter l'expreffion. Selon la doctrine de Franklin, ces pointes font également à rejetter ou à foutirer le fluide électrique. Il fe peut qu'elles foient aptes à le rejetter, cela ne répugne point aux théories connues de l'Hydraulique, de la Pneumatologie, de la Pyrologie; mais que pour faciliter & accélérer l'entrée d'un fluide épars, il faille diminuer & rétrécir l'ouverture par laquelle il doit s'introduire, cela me paroît fi répugnant & fi ridicule, que, pour me fervir d'un exemple trivial, c'eft comme fi quelqu'un, pour mettre du vin dans une bouteille, au lieu de le verfer par la partie la plus large de l'entonnoir, l'introduifoit par la partie la plus étroite.

Laiffons maintenant de femblables difcuffions, & retournons aux expériences de Priestley. Voyons quels font ces cercles différemment colorés, qui rempliffent un efpace entier frappé par une grande explosion. Il eft trop manifefte que, felon la méthode de Priestley, comme felon celle de Canton, ils dépendent de l'expanfion & de la dilatation des points métalliques fondus, réduits en lames vitrefcibles de diverse groffeur, à laquelle correfpond la variété des couleurs. Donc ces cercles ne peuvent nullement déterminer la figure effective de la matière en explofion; ils indiquent feulement de moindres ou de plus grands degrés d'activité dans la vitri

fication de la fubftance métallique en lames plus ou moins épaiffes, qui correfpond aux explosions répétées.

Quelles font ces zones intactes pofées entre la tache centrale & les zones plus externes marquetées de parties métalliques en fufion? elles font accidentelles quant à leur figure, & propres feulement dans certaines circonftances de l'explosion, comme nous l'avons précédemment remarqué. Au refte, cela ne prouve point de vacuités, mais bien ou le mêlange de la matière en explosion avec les parties du milieu réfiftant, ou la faturation de la matière procédant de la pointe oppofée plus diftante; d'où réfulte moins d'activité dans la fufion du métal, & les moindres traces qui fe trouvent fur les furfaces. Voilà le dernier résultat conftant des expériences de M. Priestley & des miennes. Dans toute explofion conduite entre deux pointes oppofées égales, il y a près de chaque pointe une limite dans laquelle la fufion, fur la furface d'une lame de métal, eft plus étroite & plus profor.de: donc, à distance égale de l'une & de l'autre, il y a une limite de fufion plus étendue, mais moins profonde. C'eft de ces distances tant de l'une que de l'autre pointe, que dérive la force de mettre en fusion ou l'abfence de tout effet fenfible; d'où il résulte que furface métallique interpofée peut fe trouver dans une limite dans laquelle la force fondante de l'électricité d'une des pointes eft ou plus profonde ou plus étendue, tandis que celle de la pointe opposée eft déjà hors des limites de toute fon activité.

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Les trous qui fe rencontrent dans le verre des bocaux armés & rompus par la véhémence de la décharge, ou de l'explofion, feroient bien plus propres à nous représenter la figure de la matière explofante, puifque ce n'eft pas ici la matière qui fe dilate pour confondre les limites des filets conducteurs, ni l'action indirecte des lames colorées en fufion, qui concourt à nous faire illufion. Mais fi on réfléchit fur les phénomènes de la rupture de ces bocaux, ou feuls ou en grand nombre quand ils forment une batterie, il eft aifé de reconnoître que la rupture ne fe trouve ordinairement jamais dans la partie du bocal fur laquelle fe dirige le coup de la charge par le moyen du conducteur. Les bocaux fe rompent même fouvent fpontanément, fans qu'il s'y introduife aucune circulation externe par le moyen de l'explofion. La rupture fe fait à travers la groffeur même du verre de dedans en dehors, par la force avec laquelle les deux électricités oppofées s'attirent mutuellement. Dans ce cas, la rupture fe fait toujours dans les parties où le verre eft moins pur & moins parfait, comme moins capables de réfifter aux électricités qui font effort pour s'ouvrir un chemin à travers les parois du bocal.

De même, quand on introduit le cercle externe de l'explofion avec un conducteur arqué, les bocaux fe rompent encore par l'effort interne déterminé & accru par l'action même fur les parties contre lesquelles les électricités oppofées fe foutiennent pour prendre extérieurement l'élan avec

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