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au lieu que la Nature eft grande, lumineufe & décidée dans fes productions.

Ce que font les Phyficiens dans les phénomènes artificiels, avec des fils de métal pour conduire où il leur plaît la charge d'une batterie électrique, ou celle d'un carreau magique, la Nature le fait femblablement, au moyen des amples vapeurs & des nuages répandus dans le vafte espace réfiftant de l'atmosphère, comme il eft manifefté par les plus exactes obfervations fur les tempêtes. Quand un de ces nuages, venant d'un Pays quelconque, & chargé d'une efpèce d'électricité, rencontre à des diftances convenables un autre nuage chargé d'une électricité contraire, ou s'il fe trouve près de quelqu'édifice élevé ou de quelque plan qui communique par des voies humides & fouterreines avec quelque lieu rempli d'une électricité contraire, la matière fulminante éclate alors dans tout l'efpace occupé par ces branches nébuleufes, & principalement à l'extrémité de l'explosion. Ces effets font autant fupérieurs à ceux que nous imitons artificiellement, que les grandes opérations de la Nature le font à la débilité des forces humaines. Il fe paffera peut-être plufieurs fiècles avant qu'il se rencontre un cas semblable à celui de la girouette qui fait l'objet de ce Mémoire. Il eft poffible (ce qui cependant eft fort rare) qu'une auffi grande quantité de matière fulminante s'épuife fur une grande Ville remplie de clochers & de girouettes; il eft poffible encore que cela fe fuccède plufieurs fois, fans que jamais une autre girouette fe trouve placée auffi avantageufement, fituée dans les limites de l'explosion.

Examinons donc attentivement, & en détail, les coups de tonnerre dont a été frappée cette girouette. Ils font au nombre de dix-huit, dont neuf font renflés & proéminens fur la furface deffinée de la girouette, que j'appellerai, pour abréger, fon endroit ; & les neuf autres, excavés & abaiffés fur la furface oppofée, que j'appellerai fon envers. Les premiers font marqués par les chiffres arabes 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9, & les feconds par par les chiffres romains I. II. III. IV. V. VI. VII. VIII. IX.

Le renflement & l'abaiffement refpectif de ces dix-huit trous n'eft point en direction verticale au plan de la girouette, mais à un plan incliné fous le côté D. Tous ces filets de matière fulminante, ont frappé obliquement la girouette dans une direction diamétralement oppofée entr'eux. En confrontant exactement fur l'original les proéminences & les dépreffions contraires, ainsi que la projection des découpures, on fe fait l'idée d'un mouvement fpiral & de tourbillon, qui indique affez bien l'effervefcence & la violente & mutuelle action latérale de ces filons entr'eux, dont nous parlerons dans la troisième Partie de ce Mémoire.

Le renflement des neuf premiers coups n'a pas moins de cinq lignes, & s'élève quelquefois jufqu'à neuf fur l'endroit de la girouette. Chacun d'eux a conftamment la figure d'un cône tronqué plus ou moins ouvert. La profondeur des neuf coups oppofés fur le revers de la girouette n'eft

pas moindre: ils ont également la forme conique. Les plus remarquables entre les premiers font 1. 2.4 & 9.: & entre les feconds IV. V. VIII. IX., les moindres font le 7.& le VI.

Tous les bords de ces trous font plus ou moins hachés & découpés. Un feul fe retourne durement & en ligne droite; mais tous les autres ont une légère courbure en forme de volute. Quelques-uns fe partagent en deux branches en forme d'éventail, comme on peut le voir fur le revers des numéros II. III. VII. VIII. IX, que j'ai eu foin de faire graver fur la partie AB de la girouette, qui n'a point été attaquée par la foudre.

Quelqu'amincie & dilatée que foit la courbure de chaque coup, fi on en ramenoit les bords, en les raplatiffant fur l'ouverture, ils ne fuffiroient pas pour rétablic le plan entier de la lame; mais il manqueroit plus ou moins de métal vers le centre de chaque trou: ce qui démontre évidemment que chaque filon de foudre eft plus actif dans fon centre, & fucceffivement moins du centre à la circonférence. Le métal, mis en fufion & diffipé dans le centre des trous, ayant été brûlé & amolli plus ou moins parfaitement, felon fa plus grande distance du centre, il en réfulte le tortil1. ment des découpures, une plus grande dilatation & expanfion des lèvres de chaque trou.

Mais cette progreffion de fufion au centre de chaque trou eft dans les parties les plus voilines du centre, & la diminution graduelle de l'amolliffement fe reconnoît à l'oeil fur le contour de toutes les découpures. Loin de trouver le grain crud du métal dans aucun point de ces contours, il eft au contraire atténué, amolli, doux & prefqu'évaporé à la fuperficie, qui a été proche de la fufion.

La forme & les contours du métal ne concourent pas feuls à nous montrer quel a été le degré d'amolliffement occafionné par la foudre : l'état de l'étamage & de la peinture dans toutes les parties de la girouette qui ont été frappées, eft encore un plus sûr argument. On voit -autour de tous les trous, tantôt l'étamage, tantôt la peinture, tantôt l'un & l'autre plus ou moins fondus, donnant des marques d'une étullition violente, & noircis & enfumés. Si on les obferve avec une lentille, ils paroiffent gonflés & parfemés de petites bulles occafiontées par une chaleur exceffive.

Le numéro VI eft noirci & présente des ftries orbiculaires. Sur le bord le plus externe du numéro IV, l'étamage & la peinture font entièrement évaporés, & le cuivre y paroît nud. On diftingue fur l'angle du numéro 7 deux groffes gouttes de pur cuivre fondu; dans la partie la plus interne, on remarque une longue ftrie très-blanche, recouverte d'étain fondu plus intérieurement; enfin, on apperçoit une large tache de couleur enfumée. On remarque également une noirceur confidérable à la proéminence & fur le bord du numéro 8. La partie interne aiguë de la volute dunuméro 9, eft

rabattue en arrière de plus de cinq lignes fur la partie la plus épaiffe: elle y eft fondue & foudée; ce qui ne peut fe faire qu'à un grand feu de lampe. avec un mêlange particulier de cuivre & d'étain. L'extrémité la plus mince de cette partie repliée a sûrement été fondue par la foudre, comme le prouve la foudure par laquelle elle eft unie dans fon contour. Le refte a feulement été amolli & proche de la fufion. La feule résistance de l'air & le mouvement qui lui a été imprimé, a fuffi pour le replier en ar

rière.

C'est un fpectacle curieux d'examiner avec une lentille ou avec un microscope folaire le contour de chaque coup & niême celui de la girouette. On diftingue, dans chaque partie du revers du numéro 9, deux grandes raies extraordinairement gonflées, avec des gouttelettes d'étain d'une couleur brûlée, & de larges taches de cuivre uniquement couvert de fa fcorie. Les efpaces noircis autour des numéros 7 & 8 paroiffent formés par des ondulations continues de toutes les couleurs des fcories, tantôt de celle du cuivre, tantôt de celle de l'étain, tantôt de toutes deux mêlées ensemble avec une couleur brûlée. Mais fur la partie convexe du numéro 8, on voit briller des ondes circulaires de cuivre pur, qui deviennent plus grandes en avançant vers leur fommet, parce que le métal y a été amolli & dilaté par degré. On y remarque auffi d'autres gouttes d'étain plus petites, recouvertes d'une couleur brûlée, ainfi que fur le bord de la girouette, dans l'intervalle des numéros IV. 7. 8. 9. I. & 1. Ces gouttelettes, parfois rassemblées, principalement les deux des efpaces du revers du numéro 9, pourroient faire foupçonner d'autres moindres filons de la foudre, qui concourent à rendre également raifon des autres filons plus confidérables. Mais le foupçon s'évanouit depuis que nous avons un fi grand nombre de faits diftincts & manifeftes.

Nous avons fidellement décrit jufqu'ici l'action directe de la foudre fur cette girouette. Nous avons remarqué qu'elle fe divife en dix-huit rameaux ou filons de matière fulminante, qui, proportionnellement à leur force, ont fondu, difperfé, ou amolli, ou dilaté, ou projetté le métal, felon leur direction vers la partie oppofée. Au moyen d'une chaleur exceffive, ils ont recouvert de fcories, brûlé, enfumé & parfemé de bulles l'étamage & la peinture. Il nous refte encore une obfervation importante à faire fur cette action directe, avant de confidérer la force latérale & relative de ces filóns entr'eux. C'eft fur la fingulière figure & conformation de chacun des côtés placés au milieu de deux coups voifins, qui fe rencontrent en oppofition directe, & qu'on peut, à caufe de cela, appeller le côté commun aux deux ouvertures oppofées. Tel eft le côté commun au numéro 1 & au numéro I.; celui qui eft commun au numéro 3 & au numéro IX, au numéro 5 & au numéro VI, enfin au 6& au IV. Tous ces côtés font repliés de manière qu'ils ne correfpondent entièrement ni à la direction de l'un, ni à la direction de l'autre. A la simple inspection de l'œil, on les

apperçoit clairement l'un & l'autre pouffés & entortillés conjointement & en un feul temps par les deux forces oppofées, qui ont pouffé lè métal hors des trous en oppofition directe; tellement que quand le hafard ne nous eût pas fait trouver cette, girouette, quand nous n'aurions pas, fur fon hiftoire, les renfeignemens certains dont j'ai fait mention dans la première Partie de ce Mémoire, qui nous affurent de l'unité de l'action. d'un coup de tonnerre unique, la feule obfervation de ces côtés prouve évidemment que tous les trous ont été faits en même temps par un feul coup de foudre.

Symmer, avec de grandes explofions, effaya de rendre vifible la direction de la matière électrique fur de petites lames de métal renfermées dans des feuilles de papier. L'Abbé Fontana a continué, avec fuccès, ces tentatives, avec les grands appareils que j'ai décrits dans un Ouvrage moderne intitulé: Doutes & Réflexions fur la Théorie des Phénomènes électriques. L'action directe de la foudre fur ma girouette remplit les defirs de ces grands Phyficiens; mais les effets en font fi en grand & ont tant d'expreffion, qu'on eût en vain épuisé l'industrie humaine pour les obtenir de l'Art.

I I I.

De l'action latérale & relative des parties qui compofent le corps intérieur du coup de foudre.

J'ignore que perfonne ait encore confidéré la foudre dans fes parties compofantes; c'eft peut-être la première fois que l'action de la foudre fe préfente aux Phyficiens Obfervateurs dans un état de divifion & décompofée dans fes élémens, comme elle me paroît clairement l'être dans la girouette, qui fait le fujet de ce Mémoire. Les grandes découvertes fe doivent fouvent au hafard; mais le hasard eft muet & ftérile, faute d'un génie fublime qui puiffe en entendre le langage & l'expliquer. Je fuis bien loin de m'en croire capable, & je n'ai d'autre deffein que de préfenter ce grand phénomène fous fon véritable afpect au petit nombre des profonds Phyficiens qui illuftrent notre fiècle. Je ferai content fi quelqu'un d'entr'eux veut prendre la peine de donner une explication de ma girouette, telle qu'elle rende ma Differtation inutile.

Je vais récapituler tous ces trous, & les mettre en ordre en peu de lignes. Je trouve d'abord le centre de l'efpace circulaire intact dans le milieu des uns, & j'unis dans la circonférence du cercle qui en résulte les coups I. 1. IX. 3. VIII. 5. 6. II. ; fi on les divife avec le même ordre en autant de paires, les coups dans chaque paire feront alternes & dire&ement oppofés.

Il est vrai qu'en confidérant folitairement cette circonférence, les deux femblables, 5 & 6, & les deux autres oppofés & femblables entr'eux I & II,

refteroient voifins. Mais cette aberration apparente s'évanouira, & nous confirmera dans la loi conftante de l'alternative de ces coups, pourvu qu'on réfléchiffe que cette circonférence fert feulement de limites internes & non externes à tout le fyftême de la foudre, parce que les coups y font difpofés de manière à ne pas autant fe regarder entr'eux qu'avec les autres plus voifins & plus externes, qui leur correfpondent. On trouvera donc que le n°. VI. correfpond au 5., le IV. au 6., le 9. au II., comme 1. correfpond à 1. en ordre alterne; &, pour abréger fur ces aberrations apparentes, il eft à propos d'obferver ici que les deux autres voifins femblables, VII & VIII, font manifeftement alternes avec les voisins polés 4 & 3.

op

Continuons maintenant de raffembler fous des lignes tous ces trous, pour en connoître l'ordre & l'alternative conftante. Ayant pris un fommer dans le n°. 8, je conduis le côté 8, III. II. & I. & l'autre côté 8. IV. V. & VI: ces deux côtés forment deux ternaires femblables avec le fommet commun oppofé, je prends enfuite le n°. 4 pour fommet: je mène le côté 4. 5. 6. & l'autre côté 4. VII. VIII. IX., & ces deux côtés formeront deux ternaires de trous oppofés les uns aux autres.

Compofons ainfi ces quatre côtés, en combinant les parties externes de la foudre avec les limites les plus internes comprifes dans la circonférence. Avec cette circonférence & ces quatre côtés, nous avons déjà raffemblé quinze trous, qui correfpondent à ceux de la circonférence interne avec une alternative furprenante. Laiffant enfuite le côté le plus interne 4. 5. 6. il en résulte dans les trois côtés externes 8. III. II. I., 8. IV. VI., & 4. VII. VIII. IX., trois ternaires femblables entr'eux, & oppofés au ternaire 4. 5. 6. unique du côté plus interne, & femblablement oppofés aux coups des fommers 8 & 4 des trois ternaires femblables, & finalement oppofés aux autres coups 1 & 3, renfermés dans la circonférence.

Il faut encore quelque chofe pour compléter le corps intérieur de cette foudre. Il refte trois trous plus externes, tous proéminens fur l'endroit de la girouette, qui font le 2, le 7. & le 9.; chacun de ces trous est exactement alterne, avec chacun des trois ternaires oppofés, excavés fur le revers de la girouette. Voici l'ordre qu'ils obfervent. Le n°. 2 avec le côté 4. VII. VIII. IX.; le n°. 7. avec le côté 8. IV. V. VI.; & enfin le n°. 9. avec le côté 8. III. II. I.

Nous avons confidéré les combinaisons des filons qui compofent la foudre, & nous les avons exprimés & réunis par des lignes. Mais les combinaisons & les lignes n'ont de valeur, en Phyfique, que quand les unes & les autres font clairement déduites d s phénomènes naturels, & appuyées fur des chofes exiftantes dans la Nature. Un Philofophe fyftématique croiroit la troisième Partie de ce Mémoire complette, & treffailleroir de plaifir d'avoir défini la nature de la foudre avec ces lignes & ces

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