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ont brûlé autrefois, & qui font éteintes, & cela dans leurs fommets. Il en conclut que lorfque ces montagnes ont ceffé de brûler, & que le feu a gagné la profondeur, les eaux fe font fait jour & ont rempli les efpaces vuides (20). Nouvelle preuve de fon fyftême; il penfe qu'à la fuite des temps les autres montagnes s'enflammeront encore ( 21 ). On l'a affuré que les tremblemens de terre font bien plus fenfibles aux environs des montagnes enflammées, & bien moindres dans le voifinage de celles qui ne brûlent point encore ou qui font déjà éteintes (22). Les Habitans du Pays craignent toutes les hautes montagnes, & bien plus celles qui fument & qui brûlent, ainfi que les fources chaudes; ils prétendent que les volcans font habités par des Génies, qui y cuifent des baleines, & ils allè guent pour preuve la quantité d'offemens de baleines que l'on trouve fur tous les volcans (23).

Steller obferve, dans le chapitre du climat de Kamtschatka, qu'on n'y entend que peu de tonnerre, &, dans le lointain, comme un bruit fouterrein. La lueur des éclairs eft extrêmement foible, felon Krafchenninikoff, Il n'y a pas d'exemple que quelqu'un y ait été frappé du tonnerre (24). Il y règne des vents de tourmente affreux qui viennent de l'eft. Steller a remarqué que l'air s'épaiffiffoit & s'ebfcurciffoit alors. Il regrette de n'avoir pas pu examiner, faute de thermomètre, fi l'eau de la mer ne devenoit pas plus chaude dans ce temps-là. Il fait néanmoins la réflexion que ces

(20) Ceux qui ont placé les lacs dans des cratères trouveront ici un nouvel appui de leur opinion. Elle paroît d'abord oppofée aux principes que M. Defmarets a établis dans fes époques des volcans. Mais comme on ne connoit encore cet Ouvrage que par l'analyfe que nous en a donné M. l'Abbé Rozier dans le Cahier de Février, & que les principes de M. Defmarets n'y font pas fuffifamment développés fur cet objet, je ne faurois déterminer jusqu'à quel point il eft en contradiction avec l'opinion dont il s'agit.

(21) Cette idée provient de ce que Steller croyoit que la formation extérieure de la montagne étoit une des caufes des éruptions. (Voyez Note 5). Au refte, les volcans déjà éteints peuvent recommencer à brûler.

(22) Les tremblemens de terre étant occafionnés par les éruptions, il est tout natutel qu'ils ne fe faffent fentir avec force qu'aux environs des montagnes encore enflammées, & on ne reffent vraisemblablement, près des volcans éteints, que les effets de tremblemens de terre auxquels ceux qui font encore enflammés donnent lieu.

(23) Ces offemens de baleines, trouvés fur les volcans de Kamtfchatka, prouvent encore en faveur de l'opinion de ceux qui attribuent les éruptions volcaniques & les eaux que rejettent fouvent les volcans, aux eaux de la mer qui s'introduisent dans leurs entrailles. Voyez la Note 6).

(24) N'y auroit-il effectivement point de tonnerre au Kamtfchatka, & les tonnerres fourds & lointains qu'on entend ne proviendroient-ils que du bruit fouterrein qui précède ordinairement les éruptions, & qui fe fait encore entendre pendant les incendies des volcans mêmes? Les éclairs volcaniques contribueroient-ils à empêcher le tonnerre? influeroient-ils fur l'état électrique de l'atmosphère Steller ne parle point de

vents de tempête venant du Levant, & que les contrées de Lopatka & de Kamtschatka, où font les volcans & les fources chaudes, éprouvant les plus terribles de ces ouragans, il eft croyable que ce n'eft pas feulement la fituation auprès de la mer & le peu de largeur de la terre-ferme, mais bien plutôt les vapeurs & les feux fouterreins qui font caufe de la violence de ces tempêtes.

Steller remarque encore que dans tout le Pays de Kamtfchatka, on ne connoit point & on n'a aucune trace de fource falée, quoiqu'on feroit en droit de préfumer qu'il y en a, à caufe du peu de largeur de la terreferme, de fes communications fouterreines avec la mer (25), du grand nombre de montagnes pierreufes & des fources qui en fortent. C'eft un malheur pour le Pays; car ce n'eft qu'à grands frais qu'on s'y procure du fel, en faifant évaporer les eaux de la mer.

Le lac de Kurilly eft remarquable, en ce qu'il eft entièrement environné de montagnes élevées, qui ne s'ouvrent que pour laiffer paffage à la rivière d'Ofernaja. Ce lac a deux milles & demi de long, & au-delà d'un mille de large vers le milieu : il ne gèle que dans les hivers extraordinaires froid (26).

pour le

Les montagnes entre lefquelles coule la rivière d'Ofernaja, qui fort de ce lac, renferment des marcaffites cuivreufes, du foufre vierge tranfparent, de la mine de foufre dans une terre crayeufe, une espèce de terre grife douce comme du tripoli (27), & enfin un véritable crayon blanc très-doux (28). Vers le milieu du cours de cette rivière font deux volcans, qui étoient encore enflaminés en 1743 (29); & vers fa fource eft une

(25) Il eft vraisemblable que les fources falées doivent généralement leur origine à des mines de fel gemme, & que ce ne font que les fources qui traverfent de pareilles mines qui fortent falées du fein des rochers ou de la terre. Le voifinage de la mer ne contribue en rien aux fources falées; il peut tout au plus y avoir quelqu'infiltration des eaux de la mer près du rivage. Les fources font le produit des météores aqueux formés par l'évaporation des eaux environnantes. Si l'évaporation des eaux de la mer n'enlève pas des quantités fenfibles de fon fel, les météores qui en proviennent ne doivent pas contenir une quantité fenfible de fel marin, & par conféquent les fources auxquelles ils donnent naiffance ne doivent pas être falées, par cela feul qu'un Pays eft environné de la mer; ainfi, quoique Kamtfchatka foit une prefqu'Ifle tres-étroite, on ne doit pas plus y préfumer la présence de fources falées, que dans tout autre Pays du Nord.

(26) On ne manquera pas de conclure de cette defcription, que ce lac eft un ancien cratère de volcans; il eft au moins vraisemblable qu'il eft environné de matières volcaniques. (Voyez ce qui a été dit ci-deffus fur l'Ifle d'Alait, & la Note 15). (27) C'est vraisemblablement la cendre volcanique grise, c'est-à-dire, une terre calcinée, pulvérulente, rejettée par un volcan.

(28) Il eft à préfumer que c'eft une terre argileuse blanche, pareille à celle qu'on trouve aux environs de beaucoup de volcans. (Voyez mes Notes fur Ferber, p. 71, 257). (29) Krafchenninikoff dit qu'il n'a point apperçu ces volcans ni la montagne aux Canots dont on va parler, en fachant de quel côté elle étoit.

montagne

montagne blanchâtre, coupée à pré & formée de pierres blanches femblables à des canots dreffés perpendiculairement & à côté les uns des autres (30).

Steller, après avoir donné une idée des montagnes du Kamtschatka, rend compte de différens minéraux du Pays dont il a connoiffance.

On a trouvé de la mine de cuivre aux environs du lac Kurilly & de Schiravaja-Guba; &, d'après le fieur Scherer, on trouve dans le fable, fur les chemins, une fi grande quantité de petits morceaux de cuivre maffif, qu'on pourroit en charger des charrettes entières : il doit en avoir remis des échantillons au Cabinet du Roi. On trouve du fable ferrugineux fur tous les rivages des rivières & des lacs (31). On a droit de préfumer qu'il y a du fer dans les montagnes où ces rivières prennent leur fource. Le foufre vierge fe trouve autour de Cambalina, à Lopatka & à la montagne de Kronotzkoi, mais en plus grande quantité; & la plupart, à la baie d'Olutor, où il fuinte tout tranfparent, comme celui de Cafan, hors d'un rocher; les morceaux n'ont pas au-deffus de la groffeur d'un pouce: on en trouve par-tout dans les cailloux près de la mer. En général, il y en a dans tous les endroits où il y avoit autrefois des sources chaudes.

Une forte de craie blanche à écrire, douce, qu'on trouve en grande quantité auprès du lac Kurilly.

Du tripoli & du crayon rouge des environs d'Awatfcha, de Natfchika &

de Kutschinitz.

Des couleurs brunes & rouges des environs de Natfchika & des fources chaudes de la petite rivière de Bajan.

Il y a des montagnes entières formées de glacies marie dans quelquesunes des Isles nouvellement découvertes dans l'Archipel du Nord. Le fieur Scherer en a remis un échantillon au Cabinet du Roi.

Un mauvais ocre jaune, pierreux, qu'on trouve en quelques endroits. Il y a, par-ci, par-là, dans les rochers, de petits morceaux de crystaux couleur d'améthyste.

dans

(30) Voici une forte de cryftallisation; elle n'eft point calcaire, car on verra, la fuite de ces obfervations, qu'on n'a point encore trouvé de pierre à chaux dans le Pays de Kamtfchatka. Ne pourroit - on pas penfer que c'eft du bafalte qui a été décomposé (en confervant fa forme régulière) comme les laves de Pifciarelly, de la Solfatare, &c., ou qu'il n'eft revêtu d'une croûte blanche qu'extérieurement ?

(3) C'est sûrement le même fable qu'on trouve aux environs de tous les volcans,' c'eft-à-dire, de la lave noire en pouffière. On lit, dans la Traduction de Krafchenninikoff, imprimée à Lyon, qu'on trouve une mine de fer fablonneufe fur les bords de plufieurs lacs & de plufieurs rivières, ce qui eft fautif: mais c'eft la conclufion que Steller en a tirée, & que Krafchenninikoff a répétée d'après lui, qui a induit le Traducteur en erreur ; car ce fable noir, ferrugineux doit naturellement, dans un Pays de volcans, ne provenir que des laves brifées & réduites en pouffière.

Aux environs de Charin-fouka eft un flux d'un verd foncé, en très-gros morceaux, dont les Habitans font des flèches: ils en faifoient anciennement des couteaux.

Les Ruffes tirent des minières de cuivre de Catharinenbourg, des flux en forme de bélemnites, qu'ils prennent pour des topazes. Steller a tiré d'une roche de Charin-fouka un flux de la même forme.

L'on trouve auffi une forte de pierre très-légère, blanche comme une terre bolaire, dont les Habitans font des lampes & des mortiers pour broyer le tabac.

Tous les environs de la mer font jonchés d'une espèce de pierre unicolore, trouée comme une éponge, très-dure, fans odeur, qui tombe en morceaux au feu, & y devient ronge & légère.

Le fommet des montagnes eft couvert d'une forte de pierre trèslégère, qu'on pourroit appeller pierres-ponces rouges, fi elles étoient plus poreufes.

On trouve des pierres tranfparentes très-dures le long des rivières, dans les montagnes; les Habitans s'en fervent en guife de pierre-à-fufil. Il y en a de blanches, demi-transparentes, que les Ruffes nomment fardonick (32). Il y en a d'autres tout-à-fait transparentes, de la couleur d'ambre jaune (33), que Steller prend pour des hyacinthes, comme on en trouve dans toutes les rivières de la Sibérie depuis Tomks.

On n'y a point encore apperçu des pierres à chaux.

Au refte, les montagnes de Kamtschatka font très-ferrées & bien meins crevaffées que celles de Sibérie; mais là où elles le font, on trouve abondamment le cammena mafla de Sibérie, dont Steller prétend avoir parlé dans fes Obfervations minéralogiques (34).

(32) Ces pierres blanches, demi-transparentes & laiteuses; font vraisemblablement des

calcédoines.

(33) Il eft dit, dans les Obfervations géographiques de Muller, que le fleuve Tigil rejette de l'ambre jaune. Ce prétendu ambre jaune n'eft vraisemblablement autre chose que la pierre transparente dont Steller parle.

(34) Steller eft l'Auteur d'une dizaine d'Ouvrages dont les titres font rapportés dans l'hiftoire de fa vie, qui précède la defcription de Kamtfchatka; mais, par fa mort, on les a perdus, & il n'en refte que la defcription, d'où j'ai tiré mes extraits. Vraisemblablement les Obfervations minéralogiques dont il fait mention ici, ont subi le même fort que le refte de fes Ouvrages. Mais le minéral dont il parle eft décrit par Pallas fous le nom de Kamenoja Mafo, en Allemand Stein Butter, c'est - à - dire, beurre foffile. Ce n'eft autre chofe qu'un acide vitriolique, chargé de quelques parties ferrugineufes & de beaucoup de matières terreufes & graffes. Gmelin le décrit également dans le III Volume de fon Voyage en Sibérie, pag. 460 & 476. On en tire d'un fchifte alumineux fort dur & brun à Virtischtau, sur la rive droite de l'Ai; il fuinte des fentes des rochers & des grottes formées de ces chiftes, fous la forme d'une matière graffe d'un blanc jaunâtre, qui fe durcit un peu en la faifant fécher. Lorsqu'on examine avec attention les endroits les plus propres de ces grottes, on le découvre fous la forme

La tendre terre bolaire blanche, qui a le goût de crême (35), & qu'on mange, fe trouve en différens endroits du rivage de la mer de Pengina, du lac Kurilly & aux environs d'Olutor.

Steller n'a point trouvé de fources qui forment des incrustations dans le Pays de Kamtfchatka ; il y a découvert des lytophites & quelques pétrifications dont il ne détermine ni la nature ni l'espèce.

On trouve abondamment des perles dans un lac qui eft au - deffus de Kamtschatka dans la contrée de Karaga (36). On en trouve de très-belles

d'aiguille fine. C'eft, felon toute apparence, de l'acide vitriolique concret natif, comme celui qui a été découvert par le Docteur Balthafar en Tolcane. Dès que le temps eft humide, cette matière fuinte avec bien plus d'abondance hors des rochers.

Il y a un fchifte argileux vitriolique fur la rivière de Tomsk, près de la Ville de ce nom, dont on extrait du vitriol impur jaune qu'on vend mal à propos à Tomsk pour du beurre foffile. C'eft à Krafnojarsk qu'on trouve le véritable beurre follile en grande abondance & à bon marché; on l'y apporte des bords du fleuve Jenifei, & de ceux du fleuve Mana, où on le trouve dans les crevaffes & cavités d'un schifte alumineux noir, à la surface duquel il eft attaché fous la forme d'une croûte épaiffe & raboteuse, Il y en a auffi en aiguille : il y eft en général très-blanc, léger; & lorfqu'on le brûle à la flamme, qui le liquéfie facilement, & qu'on le fait bouillir, il s'en élève des vapeurs vitrioliques rouges, & le réfidu eft une terre légère très-blanche & favoureuse. On trouve la même matière dans un fchifte alumineux brun fur le rivage de Chilok, près du Village de Parkina. Le Peuple fe fert de cette matière en guile de remède pour arrêter les diarrhées & dyffenteries, les pertes des femmes en couche, les fleurs blanches & autres écoulemens impurs. On le donne pour vomitif aux enfans, afin de les débarraffer des glaires qu'ils ont fur la poitrine; enfin, on s'en fert encore, en cas de néceffité, au lieu de vitriol pour teindre le cuir en noir; & l'on prétend que les Forgerons en font ufage pour faire de l'acier. Ce dernier fait auroit mérité d'être conftaté. (Voyez le Voyage de Pallas, Tom. II, pag. 88, 626, 697, & Tom. III, pag. 258).

L'Abbé Chappe a conftamment pris cette matière pour de l'huile de Pétrole. Il dit, pag. 38 de la première Partie de fon II Volume, que les femmes du Kamtschatka teignent le poil de veau marin avec de l'écorce de bouleau, de l'alun & de l'huile de pétrole, tandis que c'eft avec du Lac luna ou le beurre foffile, comme on le voit dans Steller, pag. 321, & dans la Traduction de Krafchenninikoff, imprimée à Lyon en 1767. Il dit encore, pag. 358, Tom. II, Part. II, que dans les endroits où les montagnes du Kamtfchatka s'entr'ouvrent, on apperçoit une grande quantité d'huile de pétrole de Sibérie, & il met en note, oleum petra Lac luna; & pig. 25, il dit que le cap Colderentin eft à 6 werftes de la rivière d'Ola, & qu'on y trouve de l'huile de pétrole, qu'on appelle dans ce Pays beurre de rocher. Au refte, les femmes emploient le beurre foffile, Lac lune, ou lait de lune, pour remède, comme les femmes de

Sibérie.

(35) Selon la Traduction de Krafchenninikoff, de l'Abbé Chappe, ce bol eft d'un goût aigre ; & dans la Traduction imprimée à Lyon, il eft dit qu'il eft gras & infipide, & que c'est un remède fouverain pour la dyffenterie.

(36) Krafchenninikoff penfe que ces perles pourroient bien n'être que de petites bubes d'un verd clair, semblables aux petites boules de verre qu'on donne aux enfans. Ces

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