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compofé d'une pierre blanchâtre, & fa bafe de charbon de terre (10). Pendant l'été, on en voit fortir continuellement des vapeurs d'une odeur très-nuifible, & qui fe fait fentir au loin: mais pendant l'hiver, il ne s'en exhale point de vapeur ni d'odeur défagréable.

C'eft fans doute à ces volcans que font dues toutes les fources chaudes du Pays. Il en fort une bouillante de la rivière d'Ofernaja, vers le milieu de fon cours ; & le long de fa rive méridionale, il y a des petits ruiffeaux d'eau chaude qui s'y jettent.

On trouve, dans la colline fituée fur la rive orientale de la Paudja, des fources chaudes, qui ne font éloignées des précédentes que de quatre werftes un quart. Le roc dont cette rive & peut-être toute la colline font formées, est rond & fort dur à l'extérieur, mais fi mou en dedans, qu'on peut le réduire en poudre dans les mains comme de fargile. Ainfi, il y a tout lieu de croire que cette glaife qui fort des fources n'eft autre chofe qu'une pierre amollie par l'humidité & la chaleur; elle eft d'un goût acide, gluante & pâteufe; lorsqu'on la rompt ou qu'on en détache quelques morceaux, on y apperçoit beaucoup d'alun en forme de mouffe blanche. Cette terre eft tachetée de bleu, de blanc, de rouge, de jaune & de noir comme le marbre, & toutes ces couleurs paroiffent beaucoup plus vives lorfque la glaife n'eft pas encore tout-à fait féchée. En général, cette glaife ou bolus de différentes couleurs fe trouve dans tous les endroits où il y a, & où il y avoit autrefois des fources chaudes (11).

(10) J'ai de la peine à croire qu'il y ait en effet des charbons de pierte dans ce rivage; le terrein blanc, qui recouvre la matière noire & la vapeur qui s'en exhale, me feroit plutôt penfer que ce rivage eft volcanique, & que ce qu'on a pris pour du charbon de pierre n'eft autre chofe que de la lave noire. Des gens qui confondent des perles avec des bubes de verre, comme on le verra ci-après, & qui fouvent n'en parlent que d'après le rapport des Habitans, peuvent fort bien confondre la lave avec du charbon de pierre. Steller n'auroit pas manqué de mettre au nombre des minéraux de Kamtfchatka le charbon de pierre, s'il y en avoit. M. Scherer, auquel j'ai communiqué mon opinion à ce fujet, dir qu'il n'y a point de charbon de pierre au Kamtfchatka. Il allègue pour preuve, que l'Académie Impériale des Sciences de Péterfbourg possède, dans fon Cabinet d'Hiftoire Naturelle, une Collection de tous les minéraux qui ont été découverts au Kamtfchatka, & qu'on n'y voit point de charbon de terre. Les Habitans de Brifgaw ont fait une fouille fur une maffe d'une lave très-noire du Kayferfthul, dans l'opinion que c'étoit du charbon de pierre. Ils m'y ont conduit; &, fur les obfervations que je leur ai faites pour les convaincre qu'ils ne trouveroient-là qu'une pierre noire, incapable de s'enflammer, ils m'ont foutenu qu'en pénétrant plus avant dans la terre, ce charbon, qui, felon eux, le trouvoit pétrifié à la fuperficie, n'auroit pas fouffert d'altération dans l'intérieur : Surdis narrabantur fabula. Ils continuèrent avec leur fouille; ils virent, mais trop tard, qu'ils auroient dû me croire.

(11) On retrouve ici tous les phénomènes de la Solfatare & des Pifciarelly. (Voyez les Lettres de Ferber, & mes Notes, pag. 254-264). Les Voyageurs Ruffes oblek

Il y a une autre fource chaude près de la rivière de Bolfchaja, à cinq werftes au-deffous de Natfchiky & à quatre-vingt-quinze werftes de l'habitation qui eft fur le fleuve de Bolfchaya. Il y en a encore un grand nombre, & principalement fur la rive méridionale du ruiffeau de Bany ou de Banyou, qui tombe dans le fleuve de Bolfchaya, vis-à-vis du Bourg d'Awatfcha; elles ne font qu'à quatorze werftes de la précédente: on peut y faire cuire des poiffons & de la viande.

Ces fources s'élèvent en bouillonnant à la hauteur de deux aunes. Aux environs de la rivière de Kamtfchatka, il y a des diftricts entiers de montagnes encore fumantes, de ruiffeaux & de fources chaudes. Ces dernières fources different des précédentes, en ce qu'il nage du pétrole ou du naphte à la furface de leurs eaux. On trouve ces fources entre les montagnes de Kronosky & de Schipuni, près de la fource de la rivière de Schemetsch, qui tombe dans l'Océan oriental.

A quatre werftes de cette rivière eft celle de Kakan, à deux werftes de laquelle eft un ruiffeau d'eau bouillante. En remontant ce ruiffeau jufqu'à fa fource, & en paffant tout droit au travers d'une montagne, on arrive à une plaine peu diftante de fon fommet du côté de l'Orient, qui eft couverte, en quelques endroits, de cailloux ronds & grisâtres ; il n'y croît aucune plante; une vapeur chaude, épaiffe & enflammée s'en élève en plufieurs endroits avec beaucoup d'impétuofité & un bruit femblable à celui de l'eau qui bout fur le feu. Il en eft de même des dernières fources qui coulent dans la rivière de Chemetfch. Du côté de fa rive gauche, auprès d'une montagne, vers le couchant, dans un vallon profond, les eaux fortent à gros bouillons & avec tant de bruit, qu'il n'eft pas possible de s'entendre lors même qu'on parle très haut. Elles y produisent une vapeur très- épaiffe. Le rocher y eft crevaffé & fendu; on y trouve des argiles de différentes couleurs, de l'alun & du foufre (12).

Toutes les fources chaudes de Kamtfchatka ont une odeur d'œufs couvés plus forte que celle des plus riches fources falées; leur goût eft aigrelet & aftringent: leur chaleur eft de 20 jufqu'à 110 degrés du thermomètre de Delifle.

fervèrent déjà, en 1738, le phénomène de la converfion de la pierre, que M. Hamilton a depuis obfervé le premier aux Pifciarelly, & dont le fieur Ferber a fi bien expliqué le mécanifme chymique.

(12) C'est à la surface des eaux de ces dernières fources qu'il doit y avoir, felon Krafchenninikoff, une matière noire pareille à l'encre de la Chine, qui ne fe détache qu'avec peine des mains iorfqu'elles en font enduites. De-là vient que Steller dit qu'il y furnage de l'huile de pétrole. Mais l'Auteur de la Traduction publiée par l'Abbé Chappe, & peut-être Krafchenninikoff lui-même, ne connoiffoit pas cette matière, puifque c'eft au beurre foffile qu'ils ont donné le nom d'huile de pétrole, comme on le verra dans la fuite de ces observations.

Au nord & au couchant du Kamtfchatka, on ne trouve plus de pareille fource, quoiqu'on rencontre du foufre, de la pyrite & de la terre ferrugineufe, des pierres alumineufes & vitrioliques jufqu'aux environs d'Olutora (13): néanmoins les montagnes fumantes & brûlantes s'ẻ. tendent jufqu'à cent milles au-delà, c'est-à-dire, jufqu'à la baie d'Olutora. C'eft dans ce dernier canton, du côté du nord, où on trouve le long du rivage beaucoup de volcans les uns à la fuite des autres : quelques uns d'entr'eux vomiffent quelquefois des flammes qui allument la fumée des montagnes voifines; le feu gagne fucceffivement de l'une à l'autre, & il s'établit en l'air une traînée de feu qui enflamme à la fois toutes ces montagnes; elles ceffent au refte promptement de brûler, & s'écroulent en partie : on trouve alors parmi les pierres quantité de boules dont il y en a qui pèfent plus de quarante livres. Quand on parvient, après bien des efforts, à les caffer, elles brillent intérieurement comme le fer dans fa fracture. Sans doute ces pierres font de la même nature que les boules de Mansfeld, dont on extrait du vitriol, du foufre, &c. On en trouve auffi de plus petites à Seekante & à Oranienbaum. Cette inflammation dans l'air, cette calcination prompte & l'éboulement qui furvient dans ces montagnes d'Olutor, font des phénomènes qui n'ont pas lieu dans celles du Kamtfchatka, & qui font penfer à M. Steller que les montagnes d'Olutor renferment, outre les autres minéraux, beaucoup de poix minérale par la graiffe huileufe de laquelle la flamme eft affez longtemps entretenue dans l'air pour être tranfportée d'un endroit à l'autre (14). Il eft d'autant plus perfuadé de la vérité de ce fentiment, qu'on y trouve beaucoup de foufre vierge.

Outre ces volcans de la terre - ferme, il y en a encore dans plufieurs Ifles.

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L'Ile d'Alait eft une Ifle déferte, qui n'eft compofée que d'une feule & haute montagne qui fume. Les Habitans du Kamtschatka prétendent que cette Ifle doit fon origine à une haute montagne qui occupoit le terrein du lac de Kouril; que les montagnes voifines auxquelles elle ôtoit la lumière la forcèrent de s'éloigner; qu'elle forma alors cette Ifle, & que le rocher, de forme conique, qu'on voit encore au milieu du lac Kouril, est le cœur de cette montagne (15).

(13) Les détails qui fuivent n'exiftent pas dans l'Ouvrage de Krafchenninikoff. (14) Les Phyficiens, auxquels nous devons la découverte de l'air inflammable liront fans doute avec plaifir ce fait. Il eft d'autant moins fufpect, que l'Auteur qui le rapporte eft mort en 146, bien avant qu'il fût question de l'air inflammable. C'est en effet un des phénomènes les plus curieux que nous connoiffions; & nous n'avons plus befoin aujourd'hui d'avoir recours aux parties graffes & huileufes de la poix minérale pour l'expliquer.

(15) On peut encore induire de cette tradition, que le lac Kouril occupe la place d'un ancien volcan écroulé, & que l'Ile d'Alait s'eft élevée tout d'un coup du fein de la mer par une éruption.

L'Ifle de Burumichy ou Poumouschy, la feconde Isle des Kouriles, eft également volcanique.

On obferve dans l'Ifle d'Ariakhkoupa, felon Muller, Vjachkupa, qui eft la quatrième des Ifles Kouriles, une haute montagne qu'on apperçoit, dans un temps ferein, de l'embouchure de la rivière de Bolfchaya. Muller compte l'Ile d'Araumahutan pour la quatrième des Kouriles; il dit qu'elle renferme auffi un volcan. Les divers Auteurs qui ont parlé des Ifles Kouriles, different dans la manière de les compter.

La dix-huitième de ces Ifles, appellée Tchipuny, & qui eft totalement déferte, renferme auffi une mentagne très élevée, & les Habitans des Ifles voisines difent avoir entendu tirer du canon dans cette Ifle (16). C'est fans doute cette Ifle que Muller nomme Tchipuny, qu'il dit être remarquable par une haute montagne qu'elle renferme.

La defcription des rochers de l'Ile de Bering, qui eft voifine du Kamtfchatka, peut auffi faire foupçonner que l'origine de cette Ifle eft volcanique.

L'une des montagnes de l'Ile de Canas, qui fait partie de l'Archipel du Nord, eft nommée Horcla- ai Sopka: fon fommet brûle. Les Habitans de l'Ifle en tirent, en été, du foufre; ils font bouillir leur nourriture & leurs poiffons dans les fources chaudes, qui font fort abondantes aux pieds de cette montagne.

L'Ile de Tchepchina, qui eft à quarante werftes de la précédente, n'a aucune rivière ni torrent d'eau froide; mais elle renferme dans fes basfonds des fources chaudes: fes rochers font remplis de fentes; if y en a un qui s'élève au-deffus des autres qu'on nomme le Rocher-blanc.

La côte de l'Ile de Tahalan eft fi rocailleufe, qu'on ne peut prefque point y débarquer.

Il y a beaucoup de rochers dans l'Ifle d'Amlay. Dans l'Ifle de Kootjak, on voit une chaîne de montagnes avec des fommets très élevés, épars çà & là. Du côté du Nord, eft un lac qui femble avoir fix werftes de long & une de large. Nous ne connoiffons pas, jufqu'aujourd'hui, de Pays qui réuniffe autant de volcans & de fources chaudes (17).

(16) Le bruit du canon que l'on croit avoir entendu dans une Inle déferte, ne permet-il pas de penfer que c'eft le fracas d'une éruption que les voifins ont pris pour celui d'une artillerie ?

(17) Il réfalte de toutes ces obfervations, que depuis les volcans du Japon & des Ifles qui l'avoifinent, il y a une fuite de volcans, en fuivant du fud au nord la côte orientale de l'Afie & les Ifles qui la devancent; que ces Ifles, la Terre de Jefo, les Ifles Koutiles, celles qui, à la hauteur de Lopatka, s'étendent vers l'eft, & enfin la plupart de celles qui font fituées dans le canal qui fépare le Kamtfchatka, & par conféquent l'Afie de l'Amérique, & que l'on a nommé Archipel du nord, doivent leur origine à des éruptions volcaniques. On n'a point encore découvert, dans tout le vafte Empire de Ruffie, d'autres volcans enflammés ou éteints que ceux du Kamt

M. Steller obferve:

1o. Qu'il n'y a que les montagnes ifolées qui ont brûlé ou qui brûlent & fument encore.

2°. Qu'elles ont toutes la même forme extérieure ; que par conféquent elles font auffi de la même nature, intérieurement. Il paroîtroit prefque, dit-il, que leur forme extérieure contribue à leur effence intérieure & à la formation des matières ardentes, & conféquemment auffi à leur inflammation (18).

3°. Que le Pays de Kamtfchatka renferme par tout des cavernes & conduits fouterreins; témoins les fréquens tremblemens de terre qu'on y reffent. Ces cavernes renferment les minéraux violens (pour me fervir de l'expreffion de Steller), qui, par leur fermentation & leur inflammation, opèrent les plus grandes révolutions fur la terre; révolutions dont on voit les traces fur les bords efcarpés, rocailleux & déchirés de cette partie de la mer qui s'étend depuis Awatfcha jufqu'à Lopatka, & qu'on nomme mer des Caftors; révolutions qui fe prouvent encore par la grande quantité des Ifles qu'il y a dans le canal qui fépare l'Amérique d'avec l'Afie, qui ne paroiffent être que des portions de terre arrachées, & qui ont l'afpect auffi déchiré & rude que les rivages de Kamtschatka. Steller imaginoit déjà que ces inflammations fouterreines étoient dues aux eaux de la mer, qui, par des conduits, communiquent avec des minéraux & les échauffent (19). Il s'attache même à prouver ce fyftême, en remarquant que la plupart des tremblemens de terre ont lieu dans les temps d'équinoxes, lorfque la mer groffit le plus, & fur- tout en automne, lorfque les eaux font le plus gonflées: auffi les Habitans du Kamtfchatka & des Ines Kouriles redoutent beaucoup les premiers jours de Mars & les derniers jours de Septembre.

Il s'eft formé, felon Steller, des lacs dans toutes les montagnes qui

fchatka. Mais il y a très-fréquemment en Sibérie, fur l'Ural & dans les montagnes de Werchoturie, de violentes explofions; il ne fort point de flammes, mais bien des matières métalliques noirâtres, dont le S' Scherer a remis des échantillons au Cabinet du Roi. Ces explofions ne feroient- elles pas des foudres qui s'élèvent de terre, comme l'Abbé Chappe les a obfervés, l'électricité ayant une fi grande énergie en Sibérie ?

(18) Steller ne favoit pas que ce font les éruptions qui forment & élèvent les montagnes volcaniques; fans quoi il n'auroit point imaginé que la forme extérieure des montagnes volcaniques contribue à leur inflammation.

(19) Je crois que ce fyftême eft adopté aujourd'hui par la plupart des Phyficiens: j'en ai parlé au long dans mes Notes aux Lettres de Ferber, p. 209. Mais ce qu'il me paroît à propos de rappeller ici, c'eft que j'ai dit, pag. 192 du même Ouvrage, favoir que les incendies des volcans font plus fréquens au printemps & en automne que dans les autres faifons. L'obfervation de Steller juftifie & explique cette affertion. Krafchenninikoff a répété, d'après Steller, prefque tous fes raifonnemens fyftématiques.

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