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PREMIÈRE PARTIE.

De la Diftillation des Eaux-de-vie & de toute autre Liqueur.

19. ON a vu, dans les réflexions préliminaires qu'on vient de donner fur la diftillation en général, quels font les défauts du ferpentin, & comment la petiteffe du tuyau dont il eft formé, met obstacle à l'introduction des vapeurs. On y a fubftitué en conféquence un large tuyau quarré de métal, de huit à dix pouces fur chaque face, & de dix ou douze pieds de longueur, qui fert à la fois de chapiteau & de ferpentin. Ce tuyau, auquel on donnera ici le nom de tuyau diftillatoire, eft dans une fituation horizontale, & la vapeur y monte par une autre portion de tuyau quarrée, qui s' i s'ajuste, d'une part, avec lui, & de l'autre avec la chaudière.

20. Trois raifons principales ont engagé à employer plutôt la forme quarrée que la ronde: la première, eft que ce tuyau ne pouvant, à caufe de fa grandeur, être formé que de feuilles de métal foudées ensemble l'exécution de la forme quarrée fera beaucoup plus facile, beaucoup moins difpendieufe & beaucoup plus folide; la feconde, eft qu'on pourra même l'exécuter en fer-blanc, fi on le juge à propos, ce qui en diminuera beaucoup le prix; enfin la troifième, qui eft la plus effentielle, eft que la figure quarrée, à volume égal, préfente plus de furface que la ronde: elle eft donc, par cela feul, préférable, d'après les principes qui ont été établis plus haut.

nuire

21. Au lieu d'employer une grande maffe d'eau pour refroidir continuellement la furface extérieure du tuyau diftillatoire, on a préféré d'employer au contraire une petite quantité d'eau, mais qui fe renouvelle trèsfouvent. L'eau fort, par ce moyen, auffi-tôt qu'elle eft échauffée, c'està-dire, dès l'instant où, comme on l'a déjà dit, elle ne peut plus que au fuccès de l'opération. Pour remplir cet objet, on a distribué l'eau réfrigérante en une couche de fix ou fept lignes d'épaiffeur qu'on a appliquée tout autour du tuyau diftillatoire: & on l'y a maintenue, par le moyen d'une feconde enveloppe quarrée, également de métal, qui environne de toutes parts le tuyau diftillatoire à fix ou fept lignes de diftance.

22. La feule infpection de la Planche première rendra ce mécanisme fenfible. La figure première représente l'atelier d'un Fabricant d'eau-de-vie, garni de deux fourneaux & de deux appareils diftillatoires de différentes grandeurs, conftruits d'après les principes expofés dans ce Mémoire. On le contentera d'en donner ici une defcription très-abrégée, dans la crainte de compliquer, par trop de détails, ce qui eft fimple en foi. Ceux qui defireront une defcription plus étendue, trouveront de quoi fe fatisfaire dans l'explication des figures: on n'y a négligé aucun des détails propres à mettre

les Lecteurs à portée de faire exécuter cette machine fous leurs yeux, embarras ni difficulté.

yeux, fans 23. L'atelier, représenté par la figure 1ere, planche 1ere eft compofé de deux chambres: la première, qui eft la plus petite, & qui fe préfente à gauche de la planche, contient les fourneaux ; la feconde, qui eft à droite, contient l'appareil diftillatoire proprement dit, & les baffiots KK, dans lefquels toute l'eau-de-vie eft reçue à mesure qu'elle fort du tuyau diftillatoire.

24. Ces deux chambres font féparées par un mur HHH, qu'on a repréfenté ici brifé pour laiffer voir tous les détails qui font néceffaires pour l'intelligence de la machine.

25. C'est à travers ce mur que paffe le gros tuyau qp, qui conduit la vapeur de la chaudière au réfrigérant : & c'est dans son épaiffeur que font pla

cées les cheminées des fourneaux.

26. La précaution de féparer par un gros mur le fourneau, de l'endroit où s'écoule l'eau-de-vie à mefure qu'elle fe diftille, eft très - importante dans les appareils diftillatoires ordinaires pour prévenir l'inflammation de l'eau-de-vie; accident qui n'arrive pas trop rarement dans les travaux en grand. Quoique cette précaution ne foit pas auffi effentielle dans la machine que l'on décrit ici, parce que l'eau-de-vie coule à une trèsgrande diftance du fourneau, on n'a pas cru cependant devoir la négliger; & on laiffe à la prudence des Conftructeurs d'en faire usage

ou non.

27. A A' repréfente les deux fourneaux, garnis chacun de leur chaudière. Celle qui appartient au fourneau A n'a que deux pieds de diamètre; celle qui appartient au fourneau A' a deux pieds & demi: mais ces dimenfions peuvent varier à volonté, fuivant la quantité de vin ou d'autre liqueur qu'on fe propose de mettre à la fois en diftillation, pourvu toutefois qu'on ait foin de faire les changemens relatifs dans les autres dimensions de la machine.

28. On décrira particulièrement ici la machine diftillatoire qui appartient au fourneau A, parce qu'elle fe préfente sur le devant de la planche, & que les détails en font plus fenfibles.

29. PO eft le grand tuyau quarré, de feuilles de cuivre étamées, ou de feuilles de fer-blanc, dont il a été question plus haut. Il contient intérieurement un second tuyau, également quarré, qu'on a nommé ci-dessus tuyau diftillatoire, lequel eft proportionné de manière qu'il laiffe entre fes parois & celles du tuyau extérieur, un efpace vuide d'un demi-pouce, dans lequel circule l'eau réfrigérante; ce double tuyau eft foutenu fur des pieds de bois GGGG.

30. L'eau qui fe répand ainfi dans l'efpace réfrigérant, eft tirée d'un réfervoir E de bois, doublé de plomb,qu'on remplit au moyen d'une pompe :

& elle y eft conduite par un tuyau de cuir hh', qui communique avec la partie la plus baffle de l'efpace réfrigérant. Il feroit encore mieux de fe fervir d'un cours d'eau continu, dérivé d'un ruisseau voifin, fi les circonftances le permettoient.

31. Lorfque l'eau a circulé dans l'espace réfrigérant, & qu'elle a produit fon effet, elle reffort par un tuyau gg", qui la conduit hors de la maison. Ce tuyau eft ajusté à la partie la plus haute du réfrigérant, afin que ce foit toujours l'eau la plus légère & par conféquent la plus chaude qui s'y porté de préférence.

32. L'eau-de-vie, réduite en vapeur dans la chaudière, eft conduite dans le tuyau diftillatoire intérieur, par le gros tuyau quarré qp; elle est condensée par le contact des parois du tuyau PŎ, qui font continuellement rafraîchies; enfin, elle fe raffemble & coule par le tuyau ƒ dans le baffiot K. Cet écoulement eft favorisé par une pente de trois pouces par toife, que le tuyau

diftillatoire a de ce côté.

33. Les figures 3 & 4 rendent ces détails plus fenfibles : la première représente une fection verticale du fourneau, de la chaudière, & du commencement du diftillatoire. R" R" repréfentent l'ouverture circulaire, par laquelle on introduit la liqueur à distiller dans la chaudière. Cette ouverture, ainfi que le couvercle X, eft garnie d'un double rebord, dont l'usage est expofé dans l'explication de la fig. 18, no. 181.

R"R" repréfentent l'ouverture par laquelle la chaudière communique avec le réfrigérant r, & le gros tuyau quarré qui conduit la vapeur dans ce tuyau diftillatoire ou réfrigérant r. xy, xy, repréfentent l'intervalle dans lequel fe répand l'eau froide.

34. La figure 4 représente l'extrémité du même tuyau diftillatoire; il eft rompu de manière à laiffer voir l'intérieur O du tuyau dans lequel fe condenfe la vapeur, l'enveloppe bb de ce tuyau intérieur, & celle pp du tuyau extérieur. On y voit également le tuyau de cuir h' h", qui conduit l'eau du réfervoir à l'efpace réfrigérant xy', xy; le tuyau f, qui conduit l'eau de-vie de l'intérieur du tuyau diftillatoire dans l'entonnoir m, & dans le baffiot ou efpèce de baquet K, fig. 5; enfin le tuyau de décharge i, qui fert à vuider entièrement l'eau dans l'efpace réfrigérant, quand la machine ne travaille plus.

35. Le fecond tuyau diftillatoire P'O', fig. 1ere, devant avoir jusqu'à vingt ou vingt-cinq pieds de longueur, fuivant la grandeur de la chaudière; il feroit fouvent embarraffant de le conftruire en une feule ligne droite, & il faudroit donner trop de longueur à l'atelier. On peut lever cette difficulté, en faifant revenir ce tuyau en retour d'équerre, comme on le voit dans la machine distillatoire A'P'P'O'O'.

36. Quoique les deux machines diftillatoires de la fig. 1ere foient repréfentées appuyées fur des pièces de bois, on peut également les appliquer contre une muraille, les y attacher par des liens de fer, ou les fufpendre

à des potences. Ces différentes difpofitions dépendent du local, & font indifférentes en elles-mêmes. Il ne faut pas oublier feulement que ce tuyau doit avoir une pente d'environ trois pouces par toife de P en O, pour

l'écou

lement de l'eau-de-vie. .:37. Pour ce qui regarde le développement complet des principes dont on a parlé ci-deffus, appliqué à l'Art de la diftillation, le Lecteur ne pourra pas manquer d'en être fatisfait, en lifant avec un peu d'attention l'explication des figures contenues daus la planche 1ere, au n°. 74 & suivans.

38. On pourra juger de la prodigieufe quantité de l'eau-de-vie ou de toute autre liqueur, qu'on fera à même de diftiller avec peu de frais moyennant une machine de cette conftruction faite en grand, felon ces principes; en calculant d'après les effets produits par celle d'une grandeur fort au-deffous des ordinaires, dont on parlera dans la note du no. 46 ci-deffous (1).

N. B. La diftillation de l'eau-de-vie fe fait beaucoup plus aifément & en moins de temps que celle de l'eau falée dont il s'agit dans l'expérience citée dans la note du n°. 46 qu'on vient de citer.

EXPLICATION DES FIGURES.

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..

PLANCHE PREMIÈRE.

Figure première, repréfentant l'intérieur de l'Atelier d'un Fabricant d'Eau-de-vie.

74. LA figure 1ere repréfente l'intérieur de l'atelier d'un Fabricant d'eaude-vie en perfpective, garni de deux fourneaux & de deux machines diftillatoires de différentes grandeurs.

75. A A' représentent les deux fourneaux garnis chacun de fa chaudière; celle qui appartient au fourneau A, n'a que deux pieds de diamètre; celle qui appartient au fourneau A' a deux pieds & demi. Ces proportions peuvent être changées à volonté, fuivant la quantité de vin qu'on veut mettre en diftillation; pourvu toutefois qu'on ait foin de faire les changemens relatifs aux autres dimenfions de la machine.

(1) On a appris, pendant qu'on étoit occupé de l'impreffion de cet Ouvrage, que M. Argant, qui a travaillé fur la diftillation des eaux-de-vie, propofoit, au lieu de les conferver dans des futailles, d'employer de grands réfervoirs doublés de plomb & bien fermés. Il y a lieu de croire que cette méthode diminueroit les déchets & les coulages, & qu'elle auroit de grands avantages.

76. ZZ, ouvertures du foyer de chaque fourneau, par lefquelles on introduit le bois ou autres matières combustibles. Ces ouvertures doivent avoir des plaques ou portes de fer, qui les bouchent exactement ; & elles ne doivent jamais être ouvertes qu'au moment où on y introduit les combuftibles, afin d'empêcher que l'air ne puiffe frapper contre le fond de la chaudière, avant d'avoir traversé le bois ou le charbon embrafé, placé fur la grille uu, fig. 3, & de s'être ainfi fortement échauffé, comme on l'a remarqué au n°. 14.

VV, ouvertures des cendriers.

77. W W, marches ou degrés par lefquels on defcend pour le fervice du fourneau. On a jugé à propos d'établir le bas des fourneaux à quelques pieds au-deffus du niveau du terrein, pour deux raisons: 1°. afin de pouvoir agir plus commodément, foit pour emplir les chaudières, foit pour les nettoyer; 2°. pour diminuer, le plus qu'il a été poffible, la hauteur à laquelle doit être élevée l'eau qui doit couler fans ceffe du réservoir E dans le réfrigérant.

78. XX, couvercles des chaudières. Voyez-en la description au no. 181, ci-deffous.

79. yy, clefs ou regiftres au moyen defquels on peut donner plus ou moins d'ouverture aux cheminées, & régler en proportion le degré

du feu.

Pour les autres détails relatifs aux fourneaux, aux chaudières & aux cheminées, voyez l'explication des figures 3, 6 & 7 de cette même planche.

80. HHH, muraille qui fert à féparer la pièce, dans laquelle font placés les fourneaux, de celle où coule l'eau - de - vie. Cette précaution a pour objet d'éviter les imflammations & les accidens. On a représenté ici cette muraille rompue, pour laiffer voir le tuyau qp qui la traverse.

81. qp, portion ceintrée du tuyau quarré qui conduit la vapeur de la chaudière au réfrigérant.

N. B. Ce tuyau fe trouvant engagé dans la maçonnerie, fera défendu des impreffions de l'air extérieur; il ne fera par conféquent point office de réfrigérant; & les vapeurs ne s'y condenferont pas, fur-tout lorfque la mu

raille fera fuffisamment échauffée.

82. PO, P'P'O'O', deux machines distillatoires, fubftituées au ferpentin ordinaire. Chacune confifte en un tuyau quarré de métal, qui contient, dans fon intérieur, un fecond tuyau quarré de métal (n°. 19, 29 & 34). Ce mécanisme fera détaillé très-au-long lorfqu'il fera queftion d'appliquer cette même machine à la deffalaifon de l'eau de la mer. (Voyez l'explication de la planche IV, fig. 19, 20, 21 & 22). Il fuffic de remarquer, dans ce moment, que c'eft dans l'intervalle que ces deux tuyaux laiffent entr'eux, que coule continuellement l'eau froide, qui doit opérer la condensation des vapeurs. Cette eau eft conduite du réservoir E

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