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faire un allié ou un instrument. Dans la position où nous nous trouvions sur l'Adige, je ne devais songer qu'à remplir les vues du gouvernement, tout en débarrassant momentanément mon armée d'un voisinage importun.

CHAPITRE III.

Passage du Tagliamento. Affaires de Tarvis, Neumarck, Hundsmark. Préliminaires de Léoben; révolutions de Venise, de Gênes, de la Valteline. Négociations d'Udine ou de Passeriano. Guerre maritime. Bataille du cap St.Vincent. Les Anglais prennent la Trinité. Ils échouent à Ténériffe et Porto-Ricco. Insurrection des flottes anglaises. Pitt envoie Malmesbury à Lille. Intérieur de la France. Journée du 18 fructidor. Les négociations, prêtes à toucher à leur fin, sont rompues par la faute du Directoire. Bonaparte prend sur lui de signer la paix continentale contre ses instructions. Avantages du traité de CampoFormio. Bataille navale de Camperduyn. Congrès de Rastadt. Retour de Bonaparte à Paris. Préparatifs de l'expédition d'Égypte. Invasion de la Suisse et de Rome.

La brillante victoire de Rivoli, la reddition de Mantoue, l'évacuation de la Corse par les Anglais, la paix avec Naples et Rome, l'approche des puissants renforts que j'attendais, avaient enfin changé de fond en comble la face des affaires en Italie. Définitivement assuré de ce pays, j'entrepris de faire trembler l'empereur jusque dans sa capitale. Les divisions de l'armée du Rhin étant arrivées dans le courant du mois de mars, je me vis à la tête de 75 mille hommes.

Cependant je dus en laisser environ 20 mille pour garnir les places et observer le midi de la péninsule. Avec le reste de mes forces, je me portai en avant. Pour me seconder, le Directoire ordonna à Moreau de repasser le Rhin à Kehl, tandis que Hoche, après avoir réorganisé l'armée de Sambre-et-Meuse, s'avancerait de nouveau sur le Mein.

Charles

prend le

ment de

trichienne.

Le cabinet de Vienne avait eu la même idée L'archiduc que nous de porter le théâtre de la guerre en Italie; mais il ne le fit qu'après la prise de Kehl commandepar l'archiduc Charles et le désastre d'Alvinzi Farmée auà Rivoli. Ce ne fut donc qu'au milieu de janvier que ce prince, illustré par une campagne savante, partit avec 3 divisions d'élite pour traverser le Tyrol, et vint m'offrir enfin un adversaire digne de moi.

le roi de

Si les événements dont on vient de parler, Traité avec avaient rendu notre position aussi solide qu'elle Sardaigne. était auparavant précaire et hasardée, il faut observer néanmoins que tant que le roi de Sardaigne n'était pas notre allié, il pouvait, au moindre revers, devenir notre ennemi. J'avais souvent pressé le Directoire de lui offrir les plus grands avantages, pour l'amener à un traité offensif et défensif. Je pris sur moi d'en signer un le 16 février, à Bologne, avec le comte de Balbo; mais le Directoire, jaloux de ses préro

Affaires avec Venise.

gatives, ne le ratifia pas, et renvoya l'affaire au général Clarke, qui se trouvait alors à Turin. L'arrangement ne fut terminé que le 8 avril, avec le ministre Damian de Priocca, alors que l'armistice de Léoben le rendait inutile, encore ne fut-il point ratifié à Paris.

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Si l'on avait obtenu à temps un secours de 10 mille Piémontais, notre armée eût été portée 90 mille hommes par les divisions Bernadotte et Delmas; nos derrières auraient été libres et entièrement composés d'alliés, du moins jusqu'à l'Adige.

Il n'y avait que Venise dont l'esprit inquiet pouvait nous donner des craintes: la guerre ravageait ses états de terre ferme, et le peuple, excité contre nous, n'attendait qu'un signal pour se lever.

La propagande démocratique avait eu des prosélytes à Brescia et à Bergame. Les patriotes de ces villes demandaient à s'unir à la Lombardie, et la révolution y éclata au moment où j'allais pénétrer dans le Frioul. Cette révolution, excitée par l'adjudant- général Landrieux, fut plutôt l'ouvrage des commissaires du Directoire que le mien; mais elle entrait dans mes convenances, et je la laissai faire.

La raison en est fort simple: si les démocrates triomphaient, ils renforceraient mon ar

mée et le parti pour lequel nous combattions; s'ils succombaient, l'oligarchie hostile contre nous m'autorisait à fondre sur elle et à la détruire. Je tenais à ce que nous restassions maîtres de l'Italie. Si j'aimais la France, je n'oubliais pas entièrement mon origine italienne : j'avais à cœur de relever une nation si intéressante par ses anciens souvenirs; or, pour obtenir à la paix la cession du Milanais par l'Autriche, qui renoncerait déja à la Belgique, il fallait absolument avoir quelque équivalent à lui offrir pour l'un ou l'autre de ces pays. Si Venise nous fournissait de justes causes de mécontentement, elle venait s'offrir elle-même à nos coups, et servir de victime aux combinaisons de notre politique.

dans les

états de

Le joug de Venise pesait moins sur le peuple Troubles que sur l'honneur des classes notables. Il n'y a pas de domination plus absurde que celle d'une terre ferme. seule ville sur toute une nation, à moins que cette ville n'accorde aux notables du pays une part convenable au gouvernement. Dans ce cas, ce n'est plus une oligarchie odieuse, commé celle de Berne et de Venise; c'est une aristocratie comme elle exista à Rome après qu'on y eut accordé le droit de cité aux Latins: c'est, en un mot, la seule forme de république qui soit raisonnable.

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