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presque-totalité du peuple, les allarma sé

rieusement.

D'Orléans instruit de ce qui se passoit en France, craignit de son côté que son parti ne fût entièrement ruiné, s'il ne revenoit se mettre à la tête des conjurés. L'ennui qu'il essuyoit à Londres, et les dégoûts qu'il y éprouvoit, achevèrent de le déterminer à ne tenir aucun compte des ordres qui l'y retenoient. Ses partisans, en attendant qu'il effectuât sa résolution qui fut d'abord tenue fort secrette, firent tout ce qui dépendoit d'eux, pour lui préparer les voies, Ils ne ces sèrent de répandre des soupçons sur la sincérité des vues que le roi avoit manifestées; leurs journalistes insinuèrent que sa confiance aux travaux de l'assemblée n'étoit qu'apparente, et n'avoit d'autre objet que d'endormir la vigilance des patriotes, et de détourner leur attention des mesures qui se prenoient dans l'intérieur du château pour la ruine de cette même constitution qu'on avoit juré de défendre.

La manière dont on prétendit prouver qu'il n'y avoit nulle sincérité dans les promesses du roi, est si bizarre que je dois la rappor ter, pour donner une idée des folies qui se sont débitées et qu'on a crues dans ces der niers tems. Les écrivains orléanistes firent remarquer que le soir même du jour où Louis XVI avoit juré de protéger la cons titution, il avoit reçu assis et couvert, la députation qui étoit venue lui porter les

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remercimens de l'assemblée. Le fait étoit vrai, mais il s'ensuivoit simplement que Louis XVI avoit cru de sa dignité de recevoir et d'entendre dans cette attitude, quelques membres de l'assemblée, et nullement qu'il n'eût point dans le coeur les promesses, que sa bouche avoit proférées.

La faction certaine du retour de son chef, redoubla également d'activité pour opérer l'entière défection des troupes, et elle n'eut dans ce genre d'intrigues que trop de succès. Les jacobins eurent de plus recours à un de ces moyens qu'ils appelloient une grande mesure. Ils arrêtèrent que l'assemblée nationale rendroit un décret qui ordonneroit à l'armée de ligne et à toutes les gardes nationales du royaume, d'envoyer à Paris un certain nombre de députés qui en leur propre nom, et au nom de leurs corps, prêteroient dans le Champ-de-Mars, le serment civique. Le jour de cette cérémonie fut fixé au 14 juillet. C'étoit à pareil jour que l'année précédente, les murs de la Bastille s'étoient écroulés, et que sa garnison avoit été égorgée.

L'assemblée nationale qui n'avoit d'autre volonté que celle du club des Jacobins, rendit le décret qu'on lui demanda. Les factieux le regardèrent comme le gage assuré de l'élévation de d'Orléans au trône. Ils se promirent de faire mouvoir de tels ressorts, que les députés sur lesquels le choix tomberoit, seroient ou déjà dévoués à d'Orléans, ou du

moins disposés à se livrer entièrement à lui. De cette manière le prince se seroit trouvé sans effort à la tête d'une nombreuse armée qu'on croyoit bien devoir le proclamer roi, et contre laquelle l'imprévoyant la Fayette n'oseroit rien tenter.

Ce fut lorsqu'on eut obtenu ce décret qui donnoit à la faction les plus hautes espérances, qu'on décida irrévocablement que le prince reviendroit en France, et que luimême ne fit plus mystère de son retour.

· Fin du Livre treizième.

HISTOIRE

DE LA

CONJURATION

- DE

LOUIS-PHILIPPE-JOSEPH D'ORLÉANS, SURNOMMÉ ÉGALITÉ.

LIVRE QUATORZE.

Efforts de la Fayette pour retenir d'Orléans en Angleterre. Le prince publie une apologie. Il écrit à l'assemblée nationale. Il est rappellé par son parti: il prête son serment civique. Tentatives. inutiles de la faction pour séduire les fédérés. Menées de d'Orléans pour core. rompre les juges du Châtelet. Ce tribunal estime qu'il y a lieu à le décréter de prise-de-corps. Histoire de cette procédure et de ses fuites.

L'ÉTONNEMENT de la Fayette fut grand lorsqu'il sut que d'Orléans avoit pris la résolution de revenir en France. Le général qui Tome III.

D

ne voyoit les dangers que quand ils étoient présens, n'avoit rien su des menées qui s'étoient faites à cet égard. Il ne connut la détermination des conjurés que lorsqu'elle fut publique. Il essaya de s'opposer au retour du prince; son honneur y étoit intéressé; il avoit fait serment chez le duc de Coigny, chez le comte de Montmorin, et en présence du roi lui-même, de ne jamais habiter la ville où se trouveroit d'Orléans, et de ne plus remettre le pied au château, si ce prince revenoit à Paris.

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La Fayette d'ailleurs enivré des flagorneries de ses courtisans et de quelques journalistes, et pensant de bonne foi être l'idole de la garde nationale, se croyoit aussi être chef de parti. Il avoit son genre d'ambition; il imaginoit que l'assemblée nationale pour assurer l'affermissement de ses travaux, lui déféreroit, sinon le nom, du moins la puissance de protecteur de France. I se flattoit que cette royauté dureroit jusqu'à ce que les peuples fussent accoutumés à l'empire des nouvelles loix. De-là vient qu'il s'étudioit principalement à augmenter son crédit dans la garde nationale, à caresser les députés qui avoient la confiance du peuple, et à convaincre le public qu'il étoit d'une absolue nécessité de laisser subsister pendant quelques années une puissance extraor dinaire qui contraignît et le roi et la nation de se soumettre aux nouveautés constitutionnelles.

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