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souvenirs qui les affligent; je les payerai par ma reconnoissance et mon affection. Ne professons tous, à compter de ce jour, ne pro-fessons tous, je vous en donne l'exemple, qu'une seule opinion, qu'un seul intérêt, qu'une seule volonté, l'attachement à la constitution nouvelle, et le défir ardent de la paix, du bonheur et de la prospérité de la France...

Quand le roi eut fini ce discours la salle retentit d'applaudissemens. Bureau de Pusy comme président fit au monarque la réponse suivante :

"L'assemblée nationale voit avec la plus vive reconnoissance, mais sans étonnement, la conduite confiante et paternelle de votre majesté. Négligeant l'appareil et le faste du trône, vous avez senti, sire, que pour convaincre tous les esprits, pour entraîner tous les cœurs, il suffisoit de vous montrer dans la simplicité de vos vertus. Et lorsque votre majesté vient au milieu des représentans de la nation contracter avec eux l'engagement d'aimer, de maintenir et de défendre la constitution et les loix, je ne risquerai pas, sire,. d'affoiblir en voulant les peindre, les témoignages de la gratitude, du respect et de l'amour que la France doit au patriotisine. de son roi, mais j'en abandonné l'expression au sentiment sûr qui dans cette circons tance, saura bien lui seul inspirer les François."

Le roi se retirant fut couvert de bénédic

tions. On a depuis raisonné bien diversement sur cette séance royale; mais il est certain qu'alors l'enthousiasme fut universel, et qu'il n'y eût, du moins pendant un instant, dans l'assemblée entière, qu'un même esprit, qu'un même sentiment. Royalistes, impartiaux, orléanistes se confondirent, et manifestèrent les mêmes vues que le roi. Parmi ces derniers, le baron de Menou proposa des remercimens à Louis XVI, et tous les jacobins appuyèrent la motion. Parmi les impartiaux, le comte de Clermont-Tonnerre s'écria: "Je propose que le président se retire par devers le roi, pour l'assurer que nous sommes réellement tous ici réunis avec lui de cœur, de sentiment et d'affection." Tous les impartiaux se levèrent et acceptèrent avec transport la proposition. Enfin parmi les royalistes, le marquis de Foucault, l'un des plus ardens d'entr'eux, demanda que sur-lechamp on envoyât dans les provinces, une adresse pour que les résolutions qu'avoit manifestées le roi, fussent adoptées par tous les François comme elles l'étoient par tous les membres de l'assemblée. Il n'y eut pas un royaliste qui ne s'écriât qu'il faisoit la même motion, et qu'il signeroit l'adresse.

Goupil de Préfeln ayant ensuite demandé que chacun prêtât le serment civique, comme il l'appella, tous les membres de l'assemblée et tous les spectateurs le prêtèrent avec empressement. Ce serment fut ainsi conçu

"Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pou voir la constitution décrétée par l'assemblée nationale et acceptée par le roi."

Il n'y eut dans l'assemblée que deux exceptions: l'abbé de Montesquiou prononça ainsi son serment; " Je jure, et je promets de donner l'exemple d'éteindre toutes les divifions, s'il peut en avoir existé dans cette assemblée."

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De Leyris Desponchez, évêque de Perpignan, prononça une formule d'un autre styles Désirant, dit le prélat, comme sa majesté, que la paix renaisse; espérant que la constitution sera perfectionnée dans les législatures à venir, je jure, etc.”

Une nombreuse députation avoit accompagné le roi au château. La reine tenant par la main le dauphin, vint au-devant de cette députation, et lui adressa ces paroles :

"Je partage tous les sentimens du roi et je m'unis de cœur et d'esprit à la démarche que son amour pour son peuple vient de lui dicter. Voici mon fils: je l'entretiendrai sans cesse des vertus du meilleur des pères, et je lui apprendrai de bonne heure à respecter la liberté publique, et à maintenir les loix, dont j'espère qu'il sera le plus ferme appui."

Cette démarche de la reine acheva de porter au plus haut dégré, l'enthousiasme qu'avoit produit celle du roi; cet enthousiasme

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gagna la France entière; il n'y eut qu'un très-petit nombre de personnes qui refusèrent de prêter le serment civique, par la raison que la constitution n'étoit point encore créée, et qu'on ne pouvoit se lier par un gagement, sans en connoître d'avance toute l'étendue.

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en

La conduite que Louis XVI tint dans cette occasion, a été blâmée même par des royalistes; ce n'est point ici le lieu de faire l'apologie de ce monarque; je ne dois cependant pas omettre une observation, c'est que les royalistes en s'empressant de prêter le serment civique, approuvèrent par cet acte solemnel la démarche de Louis XVI; s'ils rétractent aujourd'hui le jugement qu'ils en portèrent alors, s'il condamnent Louis, il est évident qu'ils se condamnent euxmêmes.

Je dirai encore que dans la situation où l'on avoit mis Louis XVI, il ne pouvoit espérer de vaincre ses ennemis qu'à force de sacrifices et de condescendance. Il crut qu'en se déclarant le protecteur de la constitution qui alloit naître, il inspireroit aux législateurs un saint désir de ne créer que des loix qui allassent directement à la régénération de la patrie; il pensa qu'en se dévouant, pour ainsi dire, tout entier à l'assemblée nationale, qu'en contractant avec elle une alliance solemnelle et intime, il mettroit fin à toutes les divisions, ét ôteroit tout prétexte de persécuter ceux qui lui étoient réstés

fidèles; il se flatta enfin que la manifestation franche de ses sentimens et d'un ardent amour pour le peuple, donneroit quelque honte à ceux des députés qui s'étoient jettés dans la faction d'Orléans, et pourroit les porter à abandonner la cause d'un prince dont la déloyauté connue devoit convaincre les artisans de la nouvelle constitution, qu'il n'y avoit nul fond à faire sur sa protec

tion.

L'événement á prouvé que Louis s'étoit trompé; mais je ne pense pas que la postérité le blâme d'avoir essayé de la seule ressource à laquelle il lui fût possible de recourir. Quoi qu'il en soit, son discours à l'assemblée nationale, sembla d'abord devoir produire des effets heureux et durables. Les royalistes et les impartiaux enchaînés par son exemple et par leur serment, ne laissèrent plus échapper aucun murmure sur ce qui étoit déjà fait, et attendirent en silence les nouvelles loix qui devoient completter le code constitutionnel. Le petit nombre des membres de l'assemblée nationale, qui ne tenoit ni aux royalistes, ni aux impartiaux, ni à d'Or léans, désira comme le monarque, que tous les partis se rapprochassent, et que les con vulsions de la France eussent un terme. se fit en un mot un tel changement dans l'esprit public, que les orléanistes craignirent, plus qu'ils ne l'avoient encore fait, le retour de l'ordre et de la paix. Les heureuses dispo sitions où la démarche du roi avoit mis là

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