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matin vers midi ; je souhaite y être sans cérémonie. Signé Louis.”

Vers le midi l'assemblée envoya trente de ses membres pour aller recevoir le roi; il parut suivi de ses ministres. A peine on eut fait entendre ces paroles, voici le roi, que tous les membres de l'assemblée, ainsi que toutes les personnes des galeries se découvrirent et se tinrent debout. Louis prit la place du président qui se tint à sa droite. Le monarque avoit un fauteuil, et le président une chaise. Tous les ministres se placèrent derrière le fauteuil. Louis XVI se tint debout et découvert ; à son exemple tous les membres de l'assemblée et tous les spectateurs qui remplissoient les tribunes, restèrent debout et découverts.

Ce fut dans cette attitude que Louis XVI après s'être légèrement incliné vers l'assemblée, prononça un discours que de vifs et sincéres applaudissemens interrompirent bien souvent. Il le commença ainsi :

vous.

"Messieurs, la gravité des circonstances où se trouve la France, m'attire au milieu de Le relâchement progressif de tous les liens de l'ordre et de la subordination, la suspension ou l'inactivité de la justice, les mécontentemens qui naissent des privations particulières, les oppofitions, les haines malheureuses qui sont la suite inévitable des longues dissentions, la situation critique des finances et les incertitudes sur la fortune publique, enfin l'agitation générale des es

prits, tout semble se réunir pour entretenir Î'inquiétude des véritables amis de la prospérité et du bonheur du royaume."

La gravité de ce début, l'incertitude où l'on étoit des résolutions qui alloient être annoncées, tout contribua à entretenir le plus profond silence. Chacun étoit immobile; tous les yeux étoient collés sur le monarque; on craignoit de perdre une seule de ses paroles. Après avoir exposé tout ce qu'il avoit fait personnellement depuis qu'il étoit sur le trône pour le bonheur des François, il adressa à leurs représentans, ces touchantes invitations:

"Continuez vos travaux sans autre passion que celle du bien: fixez toujours votre première attention sur le sort du peuple et sur la liberté publique; mais occupez-vous aussi d'adoucir, de calmer toutes les défiances, et mettez fin le plutôt possible, aux différentes inquiétudes qui éloignent de la France un si grand nombre de ses citoyens, et dont l'effet contraste avec les loix de sûreté et de liberté que vous voulez établir. La prospérité ne reviendra qu'avec le contentement général.... Il faut qu'un nouvel ordre de choses s'établisse avec calme et avec tranquillité, ou que le royaume soit exposé à toutes les calamités de l'anarchie..... Nous appercevons partout des espérances; soyons impatiens de voir aussi par-tout le bonheur.

"Par quelle fatalité, s'écrioit plus loin le monarque, lorsque le calme commençoit à

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renaître, de nouvelles inquiétudes se sontelles répandues dans les provinces ! Par quelle fatalité s'y livre-t-on à de nouveaux excès!... Vous qui pouvez influer par tant de moyens sur la confiance publique, éclairez sur ses véritables intérêts le peuple qu'on égare, ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on m'assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. Ah! s'il savoit à quel point je suis malheureux à la nouvelle d'un attentat contre les fortunes, ou d'un acte de violence contre les personnes, peut-être il m'épargneroit cette douloureuse

amertume!"

Louis XVI avoit un bel organe, la voix sonore et flexible; il prononça ces dernières phrases avec un tel charme, une telle sensibilité que des larmes coulèrent de tous les yeux. Ces paroles sur-tout, ces ravissantes paroles; ce bon peuple qui m'est si cher, et dont on m'assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines, entrèrent dans tous les cœurs, se gravèrent dans toutes es mémoires. J'ai été témoin que pendant plus d'un mois, presque toutes les bouches répétoient ces paroles avec attendrissement; on ne pouvoit rencontrer personne, on ne pouvoit entrer dans un cercle, dans une assemblée publique, qu'on ne les entendît réciter; si les yeux se portoient sur un journal, sur une brochure, on les y rencontroit, on trouvoit que jamais Henri IV, que jamais Titus, Trajan n'avoient rien dit

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de plus aimable, ni qui fût plus digne de la reconnoissance de l'univers. Je me rappelle encore que le respect que l'on porta à ce peu de mots, avoit quelque chose de religieux, er que dans presque toutes les provinces, on proposa d'ériger une colonne où ils seroient gravés en lettres d'or. C'eft ainsi que le peuple quand de perfides agitateurs ne l'égarent point, est toujours juste, sensible et reconnoissant. Grande leçon pour ceux qui gouvernent. Ce n'est jamais de lui même que le peuple remue; c'eft une masse qui resteroit éternellement en repos, si une force extérieure ne lui imprimoit le mouvement; mais quand une fois elle l'a reçu, elle se meut d'une manière tout ensemble et si rapide et si bizarre, qu'il ne semble plus possible de lui rendre sa première immobilité. Toute la vigilance du gouvernement doit donc se porter sur ceux qui sans en avoir reçu de lui la mission, cherchent à soulever cette masse. S'il doit être bon et indulgent pour la multitude, il ne sauroit être trop sévère pour les imposteurs qui la trompent.

Je reviens au discours de Louis XVI. Ce prince s'exprima ainsi sur les nouvelles déterminations qu'il auroit prises pour assurer autant qu'il seroit en lui, le retour et l'affermissement de la tranquillité:

Je crois le moment arrivé, où il importe à l'intérêt de l'état, que je m'associe d'une manière encore plus expresse et plus manifeste à l'exécution et à la réussite de tout ce

que vous avez concerté pour l'avantage de la France.... Que par-tout on sache que le monarque et les représentans de la nation sont unis d'un même intérêt et d'un même vou, afin que cette opinion, cette ferme croyance répandent dans les provinces, un esprit de paix et de bonne volonté.. Je

défendrai donc, je maintiendrai la liberté constitutionnelle, dont le vœu général d'accord avec le mien a consacré les principes.. Je ferai davantage; et de concert avec la reine, qui partage tous mes sentimens, je préparerai de bonne heure l'esprit et le cœur de mon fils au nouvel ordre de choses que les circonstances ont amené. Je l'habituerai dès ses premiers ans à être heureux du bonheur des François, et à reconnoître toujours, malgré le langage des flatteurs, qu'une sage constitution le préservera des dangers de l'inexpérience, et qu'une juste liberté ajoute un nouveau prix aux sentimens d'amour et de fidélité, dont la nation depuis tant de siècles, donne à ses rois des preuves si touchantes. . . . . Puisse cette journée où votre mona que vient s'unir à vous de la manière la plus franche et la plus intime, être une époque mémorable dane l'histoire de cet empire! Elle le sera, je l'espère, si mes vœux ardens, si mes instantes exhortations peuvent être un signal de paix et de rapprochement entre vous. Que ceux qui s'éloigneroient encore d'un esprit de concorde, devenu, si nécessaire, me fassent le sacrifice de tous les

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