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partisans pourroient donner à son éloignement. Cet auteur s'exprima ainsi :

Il est très-extraordinaire que le duc d'Orléans ait choisi le moment présent pour revenir en Angleterre, Dans les commencemens des troubles en France, il parut être un des plus zélés partisans du peuple, et fut réputé pour avoir été un des principaux ressorts qui l'excitoient à faire de glorieux efforts en faveur de la liberté. Il eût été du devoir d'un vrai patriote, d'avoir travaillé à appaiser l'ardeur qu'il avoit si puissamment excitée, et d'avoir employé sa sagesse, son expérience et son autorité pour le complément d'une constitution qui doit tendre à établir les droits du peuple, et à assurer irrévocablement sa puissance.

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En s'éloignant de France dans un temps où ses services politiques lui seront le plus nécessaires, il est à craindre que le duc d'Or léans ne donne lieu aux soupçons, et aux inculpations les plus envénimées de l'envie et de la malignité. L'avenir seul pourra répondre que sa conduite n'a pas été fondée sur des principes qui ne lui donneroient des droits ni à l'affection du roi, ni à la reconnoissance du peuple."

D'Orléans auroit dû, ce me semble, se faire un point d'honneur de persuader au public, qu'il étoit en effet chargé auprès de la cour d'Angleterre, d'une mission honorable et importante. Ce souci n'entra point dans

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son ame; il ne parut à son ordinaire, occupé que de jeu, de bonne chère, de débauche, de courses de chevaux, et de tous ces vains amusemens dont la continuité et le bruit l'empêchoient d'écouter la voix de sa conscience. Sa première visite fut au Prince de Galles qu'il vit à Carleton-house; il ne fut question là que de plaisirs. Le prince lui rendit sa visite; mais insensiblement cette liaison se refroidit, et se rompit pour ne se plus renouer.

Il fallut aussi que d'Orléans pour sauver les apparences, et remplir l'objet de sa prétendue mission, fut admis à l'audience du roi de la Grande-Bretagne; notre ambassadeur à Londres le présenta au monarque. Ce qui se passa dans cette entrevue, convainquit tout le monde que de part et d'autre, on jouoit une comédie. On m'a assuré que George III non-seulement n'avoit point adressé la parole au prince, mais n'avoit pas même daigné jetter les yeux sur lui. L'accueil que d'Orléans reçut de la reine d'Angleterre, ne fut pas plus flatteur. Cha que fois qu'il se montra à la cour, aussi longtems que dura son séjour à Londres, il reçut du roi et de son auguste compagne, toutes ces marques de mépris qui pour être voilées par de justes ménagemens de politique, n'en sont pas moins très-intelligibles.

Le jugement d'un roi et d'une reine qui sur un des premiers trônes de l'Europe, ont constamment travaillé de concert à assurer l'empire des bonnes mœurs et la félicité de

leurs

leurs sujets, par l'exemple et l'exercice des plus belles et des plus aimables vertus, suffiroit seul pour déterminer l'opinion que la postérité doit se faire du rôle que d'Orléans joué parmi nous. Ce jugement servit de règle à la conduite que tinrent envers ce prince, les hommes des meilleures maisons d'Angleterre, et ceux même d'entre les plébéiens qui s'étoient fait de justes notions sur les véritables vues des moteurs de nos troubles. D'Orléans ne conserva de liaisons qu'avec quelques gentilshommes du parti de l'opposition. La majeure partie du peuple Anglois le voyoit non-seulement avec mépris, mais encore avec horreur, et l'accusoit hautement d'avoir été l'instigateur des attentats des 5 et 6 octobre. Chaque fois qu'il paroissoit à un spectacle ou à une fête publique, les spectateurs l'obligeoient de proférer le cri de bénédiction que le peuple anglois prononce sur son roi: God save the King! Un tel cri étoit évidemment un reproche fait à ce prince d'avoir mis en péril les jours de son

roi.

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Ces témoignages peu équivoques de l'horreur qu'il inspiroit, l'obligèrent enfin à renoncer à tous les plaisirs qu'il lui auroit fallu partager avec le public. Resté seul avec ses gens et quelques Anglois ou séduits, ou ses complices, ou intéressés à le pousser à sa ruine pour jouir de celle de la France, forcé de se dérober pour ainsi dire, à la vue du peuple, il finit par trouver le séjour de l'AnC

Tome III.

gleterre insupportable, et jura s'il parvenoit à la quitter, de ne plus paroître chez une nation qui commençoit à son égard le juge. ment que prononceroient contre lui Dieu et la postérité.

Ainsi l'impatience de d'Orléans à revenir en France, étoit égale à celle qu'avoient tous les conjurés de l'y revoir pour ne plus le perdre. Ils craignoient toujours les conquêtes que le roi et la reine pouvoient faire parmi les Parisiens et leurs autres sujets. Ils pensoient que rien n'étoit plus propre que la présence du prince à empêcher que les François ne se rapprochassent de la famille royale; ils estimoient qu'étant sur les lieux, il jugeroit mieux des moyens qui pouvoient procurer cette harmonie, et auroit plus d'intérêt et d'ardeur à réunir tous ses efforts pour la rendre impossible.

Une autre considération les portoit à hâter le retour du prince. Comme c'étoit pour lui que la faction excitoit journellement des désordres, il importoit qu'il fût présent au moment où il lui en faudroit recueillir le fruit. Les insurrections il est vrai, depuis qu'on n'avoit plus les subsistances, n'étoient que partielles, mais il n'en pouvoit pas moins sortir d'une de ces séditions un événement qui perdroit le roi avec sa famille, et obligeroit de montrer à l'instant même au peuple, le prince qui devoit commencer une nouvelle dynastie.

Louis XVI de son côté, voyant que l'ab

sence du prince n'apportoit aucune tranquillité, se persuada que l'agitation de la capitale et des provinces ne venoit que de l'opinion où l'on étoit, qu'il n'avoit aucune estime pour les membres de l'assemblée nationale, et qu'il nourrissoit au fond du cœur, une forte aversion pour le nouvel ordre de choses qu'ils préparoient. Plein de cette idée, il se détermina à une démarche qui rappela ces autres tems de trouble où Henri III fut obligé de se déclarer le chef de ces mêmes ligueurs qui vouloient lui arracher la couronne pour la transporter sur la tête d'un prince d'une autre maison.

Louis XVI ne se déclara pas précisément le chef des orléanistes, mais il vint se jetter avec une entière confiance dans les bras de ceux des membres de l'assemblée nationale, qui tenoient le parti de d'Orléans. 11 crut par cet abandon convaincre les plus incrédules de la pureté de ses intentions, et se flatta que par les paroles de paix qu'il alloit adresser à l'assemblée nationale, il en déta.cheroit tous les membres de la faction du prince.

11 paroît que personne dans l'assemblée n'eut connoisance de la détermination du roi. Au milieu d'une délibération, Bureau de Pusy qui la présidoit, reçut le billet suivant qu'il lut sur-le-champ à haute voix :.

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Je préviens M. le président de l'assemblée nationale que je compte m'y rendre ce'

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