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étrange apologie. Il finissoit par réclamer: l'inviolabilité dont jouissoient, les députés à la convention. Sa lettre fut lue, et non-seulement on repoussa ses observations et sa réclamation par l'ordre du jour, mais on décréta encore qu'il seroit transféré ainsi que tous les Bourbons, à Marseille.

Le jeune comte de Beaujolois, troisième fils de d'Orléans, fut également traduit à la Maîrie. Cet enfant âgé à peine de treize ans, montra une fermeté qui eût dû faire rougir son père; mais la conscience du fils étoit pure, et celle du père étoit déchirée par les remords. Voici, m'a-t-on assuré, l'interrogatoire qui s'établit entre le jeune Beaujolois et un des commissaires de la municipalité..

"Etes-vous aristocrate? Oui.—Avezvous connoissance des projets de votre père? -Non.-Avez-vous eu des communications avec madame de Sillery?-Fi donc !".

Tant de fermeté dans un âge aussi tendre est un vrai prodige. Puisse-t-il cet aimable enfant ne jamais oublier que ce n'est qu'en acquérant des talens solides, qu'en ornant son ame de toutes les vertus qu'il regagnera ce que lui a fait perdre la honte de sa naissance! Son mérite personnel ne servira qu'à le rendre plus digne de l'amour et de l'estime des hommes. C'étoit le ciel même qui dans cette occasion avoit mis sa sagesse dans sa bouche. Qu'il n'oublie jamais ce bienfait! Que ses mœurs soient toujours pures. Qu'il

soit toujours fidèle à la religion de Louis IX et de Henri IV, et il n'aura jamais à craindre d'être délaissé par cet Etre-Suprême qui n'est que bonté !

S'il résiste au superbe, et punit l'homicide,
Il est le défenseur de l'orphelin timide.

Quant au duc de Montpensier, il étoit à cette époque dans l'armée de Biron, et ce Biron le compagnon de toutes les débauches, le complice de tous les crimes de d'Orléans, le plus ancien et en apparence le plus fidèle ami du prince, arrêta lui-même le duc de Montpensier et l'envoya gardé par une forte escorte, dans les prisons de Marseille. Cette lâche et monstrueuse perfidie afflige, mais elle ne doit pas étonner. L'amitié fondée sur le crime, n'est elle-même qu'un crime, et rien de bon ne peut sortir d'une source aussi impure.

Le jeune comte de Beaujolois entra dans la prison de l'Abbaye sur les onze heures du matin. Il contempla d'un œil sec et tranquille ce séjour de douleur. Dans tout autre pays, dans tout autre siècle, sa candeur, la foiblesse de son âge eussent attendri tous les cœurs, et c'étoit un crime absolument nouveau de voir un enfant de treize ans contre lequel on n'articuloit pas le plus léger reproche, de voir l'innocence dans un cachot; mais dans ce siècle de philosophie, les choses les

plus sacrées ont-elles été respectées? Ce qu'on s'étoit permis au Temple envers les enfans de Louis rendoit tout possible.

D'Orléans entra dans la même prison de l'Abbaye à huit heures du soir; il y trouva cet immoral Laclos, qui plus qu'un autre avoit contribué à l'entraîner à tous les désordres. Le prince en se voyant sous la puissance des geoliers, versa un torrent de larmes, et donna tous les signes du découragement et de la frayeur. Le courage ne peut pas s'allier avec une conscience impure. Son écrou n'énonça aucune cause de détention, Il fut constitué prisonnier le 7 avril, c'està-dire, moins de trois mois après la mort de Louis XVI. Il faudroit être bien aveugle pour ne pas voir qn'un aussi étonnant changement dans un aussi court espace de tems, étoit l'ouvrage même de la providence. Je reviens souvent sur ces sortes de réflexions :qui tendent à élever nos regards et nos cœurs vers l'arbitre suprême de nos destinées; on doit me le pardonner parce que je suis plein de la vérité que le pouvoir de cette providence ne s'est jamais mieux manifesté que dans le cours de notre révolution.

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La duchesse de Bourbon, sœur de d'Or léans, entra dans la prison de la Force à la même heure où son neveu le duc de Montpensier entroit à l'Abbaye. La duchesse d'Orléans eut la faculté de rester à Vernon parce qu'elle étoit malade; ce fut du moins là le

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motif apparent de cette faveur; mais la vérile est que Robespierre qui commençoit seulement à essayer sa puissance, n'osa point ar racher cette vertueuse & tendre bienfaitrice à des milliers de malheureux qui déclarèrent hautemeut qu'ils lui feroient un rempart de leurs corps. On eut donc cette fois la preuve eonsolante que les bienfaits ne sont pas tou→ jours perdus.

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Ce qui prouve que l'indulgence dont on usoit envers la duchesse d'Orléans étoit forcée, c'est que le prince de Conti qu'une maladie douloureuse retenoit au lit, fut im→ pitoyablement jetté dans les prisons de l'Abbaye. Le prince de Conti dont la conscience, comme je l'ai dit ailleurs, étoit dans son coffre fort, ne jouissoit d'aucune considération, et on pouvoit tout se permettre à son égard.

Le 11 avril, tous ces illustres prisonniers gagnèrent la route de Marseille; le voyage se fit lentement, mais il fut pénible pour le seul, prince de Conti qui souffroit beaucoup car d'ailleurs on eut pour les captifs tous les égards que comportoit leur situation; on ne savoit trop d'ailleurs quel étoit le sort qu'on leur destinoit, et de-là venoient sans doute les bons procédés des conducteurs.

Les parisiens se livrèrent à la joie en voyant s'éloigner de leur ville le prince qui l'avoit si long-tems remplie de troubles, de calamités, de forfaits. Ils reprirent leur an

cienne gaité, et lui firent leurs adieux en ces

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Les jacobins cependant ne savoient trop que penser de la détention du prince. Robespierre seul en avoit le secret, et profondément dissimulé, il ne le disoit à personne. Desfieux qui présidoit la caverne des jacobins, témoigna qu'il ne concevoit rien à la rigueur dont on usoit envers d'Orléans, car en vérité, ajouta-t-il, je crois qu'il n'existe contre lui aucune preuve. Pour moi, dit Marat, j'ignore si d'Orléans est criminel de lese nation; mais ce que je sais fort bien, & ce que je persiste à dire, c'est que Buzot est son homme d'affaires.

Quelques jours après la translation des prisonniers, Robespierre qui commençoit par s'emparer de nos propriétés, pour avoir ensuite notre vie, fit séquestrer tous les biens de la maison de d'Orléans, et un décret ordonna que ce prince et Montpensier son second fils, seroient traduits devant le tribunal criminel du département des Bouches-du

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