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monté dans la tribune des jacobins, portant pour diadême, le bonnet rouge. Là, il avoit déclaré solemnellement qu'il n'étoit point le fils du dernier duc d'Orléans; que l'opinion publique qui vouloit qu'il dût le jour à un valet d'écurie, disoit la vérité; qu'il étoit notoire que son grand père avoit constamment refusé de le reconnoître pour un membre de sa famille, pour un Bourbon, et qu'il souscrivoit à ce jugement; qu'il n'étoit pas moins notoire que sa mère n'avoit jamais respecté l'union conjugale, et qu'il avouoit avec le public, qu'il étoit le fruit d'un des adultères de cette moderne Messaline. Ainsi le malheureux consacroit avec solemnité son propre avilissement, et la prostitution de sa propre mère. Pouvoit-il descendre plus

bas?

Il avoit écrit ces honteuses et criminelles folies à la Commune de Paris, lui demandant un nom qui prouvât que ce n'étoit pas le sang de Henri IV qui couloit dans ses yeines. La commune avoit en conséquence pris l'arrêté suivant.

"Le conseil général de la commune de Paris arrête sur la demande de Louis-Philippe-Joseph, prince françois, ce qui suit :

10. Louis-Philippe-Joseph et sa postérité porteront désormais pour nom de famille, Egalité.

"2°. Le jardin connu jusqu'à présent sous le nom de Palais-Royal, s'appellera désormais jardin de la Révolution.

"30. Louis-Philippe-Joseph Egalité est autorisé à faire faire soit sur les régistres publics, soit sur les actes notariés, mention du présent arrêté.”

Dès ce moment, d'Orléans prit le burlesque nom d'Egalité et le donna à ses enfans. Le duc de Chartres s'en fit honneur parmi les soldats. Lorsqu'il eût émigré, des offciers autrichiens lui témoignant qu'ils ne concevoient pas comment il avoit eu l'ame assez basse pour échanger le nom de ses ayeux contre celui d'Egalité, il leur répondit: Je n'avois pris ce nom que pour mettre dedans les badauts de Paris. Il se trompoit, et connoissoit mal ses concitoyens. Jamais les Parisiens n'ont été mis dedans par le duc de Chartres; jamais ils ne consentiroient à la honte de le voir même revenir parmi eux; ils pensent que le misérable qui renie scs pa rens, mérite aussi d'être renié par ses concitoyens,

D'Orléans avoit pareillement ses vues en se travestissant en citoyen Egalité. Les Maratistes l'avoient prévenu que l'intention de Robespierre qui commençoit à exercer son affreuse tyrannie, étoit de faire déporter tous les Bourbons, et même de mettre leur tête à prix. D'Orléans pensoit qu'il échapperoit à cette proscription, en faisant déclarer par la Commune, qu'il ne s'appelloit point Bourbon, mais Egalité. Cette combinaison digne de lui, ne manquoit pas d'a

dresse, mais il fut encore trompé dans cet espoir.

Dès que la convention connut officiellement la défection de Dumouriez, les Brissotins se hâtèrent de prendre contre leurs adversaires, l'initiative de l'accusation d'Orléanisme. Barbaroux s'écria du haut de la tribune: "Eh bien? êtes-vous convaincus maintenant qu'il y avoit une faction d'Orléans? Que demande Dumouriez ? L'ancienne constitution. Qui placera-t-elle sur le trône? C'est d'Orléans, c'est sa famille."

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Les Maratistes récriminèrent bien contre Barbaroux et tous les Brissotins, et certes la récrimination étoit fondée; mais dans le fonds, les faits parloient trop haut pour qu'on pût se refuser aux conséquences qui sortoient contre d'Orléans, de la conduite de Dumouriez. Sillery confus, pâle de honte, monte à la tribune après l'exclamation de Barbaroux, et regardant stupidement l'image de Brutus qui étoit vis-à-vis lui, il dit pour toute apologie: Je vois Brutus. Il entendoit par-là qu'il seroit lui-même le bourreau de sou gendre Valence.

D'Orléans monte à son tour à la tribune, et copiant servilement la sanguinaire facétie de Sillery, il dit: Je vois aussi Brutus. Ce qui signifioit qu'il donneroit lui-même la mort à son fils le duc de Chartres. Eh! misérable, lui cria un député, ce ne sera pas le premier, sacrifice de famille que tu auras fait à la li

berté !

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Ainsi d'Orléans et Sillery confessèrent que Valence et le duc de Chartres étoient des traîtres et des conspirateurs. Comme ces derniers n'avoient cessé d'être en correspondance avec les deux premiers, l'aveu que faisoient d'Orléans et Sillery, se tournoit contr'eux. C'est une chose bien digne d'être recueillie par l'histoire, qu'il fût prouvé dans cette affaire, que le duc de Chartres n'avoit également cessé jusqu'à l'instant de son émigration, de correspondre avec Pétion. Ce seul fait prouve que Pétion n'étoit qu'un fourbe qui mentoit à tous les partis; son ame pétrie d'imposture, ne désiroit que l'élévation de la branche d'Orléans, tandis que sa bouche ne cessoit de répéter: La république ou la mort.!

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D'Orléans en étoit venu au point de ne pouvoir plus tromper personne. L'espèce de serment qu'il avoit prononcé en contemplant l'image de Brutus, ne rehaussa point ses affaires; sa dernière heure étoit sonnée. Brissotins, soit qu'ils parlassent sincèrement, soit qu'ils dissimulassent, échauffoient contre lui l'assemblée nationale; les Maratistes ne sembloient plus prendre à lui qu'un très-foible intérêt, et ce qui étoit pire, Robespierre se décidoit à l'abandonner.

L'abbé Raynal dans son histoire très-peu philosophique et très-impolitique des établissemens et du commerce des Européens dans les deux Indes, fait quelque part cette exclamation: Quand donc paroîtra cet ange

exterminateur qui avec son son glaive abattra toutes ces têtes qui s'élèvent au-dessus des autres? Robespierre fut parmi nous l'ange exterminateur qu'appelloit l'abbé Raynal. II avoit juré de faire égorger tous ceux qui s'élevoient au-dessus des autres, soit par leur célébrité, soit par leur naissance, soit par leur probité, soit par leurs talens, soit par leur fortune. C'étoit là toute la politique de cé scélérat, et avec une telle politique il devoit également avoir soif du sang impur de

d'Orléans.

De toutes parts aussi on commença à soulever une partie du voile sous lequel on avoit affecté de cacher les crimes du prince. Dans une des séances des jacobins, l'extrait de leur correspondance présenta l'anecdote sui

vante:

"On répand la nouvelle que le valet-dochambre de l'empereur, soupçonné d'avoir voulu empoisonner son maître et d'être l'auteur ou le complice de l'empoisonnement de Léopold, a été arrêté; que dans ses interrogatoires il a fait l'aveu des ces deux crimes, et a dit en avoir reçu le salaire du duc d'Or, léans."

Dans la tribune de la convention, le député Lahaye lut la lettre suivante qu'il dit lui avoir été adressée de Séez par un de ses amis appellé Anquelin.

"Si je ne vous ai pas fait un détail circonstancié relativement à Egalité, c'est que je ne vous ai instruit de son passage que parce

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