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à la ratification du peuple. Par cette décision, le peuple se trouve absous de la mort de Louis XVI.

Sur cette seconde question d'Orléans après être monté comme la première fois à la tribune, et ne sachant pas dire deux mots de mémoire; lut sur un papier son opinion ainsi conçue: je ne m'occupe que de mon devoir; je dis non. Le scélérat osoit parler de devoir; son devoir étoit tout au moins de se récuser. Ce non excita contre lui le même mouvement d'indignation qu'avoit produit le oui.

Il ne s'agissoit donc plus que de savoir quelle peine on prononceroit contre Louis, Les Brissotins votèrent les uns pour la déportation, les autres pour la détention, mais les Orléanistes par des menées que développera l'histoire de cet effrayant procès, obtinrent un majorité de cinq voix ; ainsi une foible majorité de cinq voix envoya à l'échafaud le descendant de soixante-six rois; et, comme tout devoit être épouvantablement extraordinaire dans cette affaire, son délit fut de n'avoir pas été fidèle à cette constitue tution, que ceux-là mêmes qui le jugèrent venoient de renverser.

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Quelle déplorable et terrible destinée que celle de ce monarque! Il rend à la France ses anciennes assemblées nationales; trois sont c sous son règne; la première le dépouille de son autorité; la seconde de sa liberté, et la troisième de la vie. Le cœur est oppressé, est déchiré par cette triste ré

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flexion. Que la politique du moins en tire cette leçon, que l'homme puissant qui élève à côté de lui une puissance, se donne un rival, et bientôt un ennemi. L'autorité suprême est un dépôt qui doit rester tout entier aux mains à qui la providence l'a confié.

Sur cette dernière question l'infâme d'Orléans du haut de la tribune, prononça ou plutôt lut ces effroyables paroles: Uniquement occupé de mon devoir, convaincu que tous ceux qui ont attenté ou attenteroient par la suite à la souveraineté du peuple, méritent la mort; je vote pour la MORT.

La MORT! Ce mot dans la bouche de ce monstre fit pousser un cri d'effroi même à des hommes qu'on ne croyoit plus susceptibles d'humanité; ils se levèrent brusquement, et détournant la tête, faisant avec les mains un mouvement comme pour repousser ce misérable, ils s'écrièrent: Oh! l'horreur! Oh 1. le monstre !

Prince inhabile, assassin stupide, Philippe eroyoit par cet excès de férocité se frayer un chemin au trône. Sa brutale ambition l'aveugla. Ce cri de sang que bientôt après répéta l'univers entier, et qui retentira dans la postérité la plus reculée, fut à peine sorti de sa bouche qu'il éleva entre le trône et lui une barrière insurmontable; il ébranla le ciel même qui s'apprêta à faire descendre sur sa tête un jugement épouvantable. Son rôle fut fini dans la révolution. La haine universelle' dont il s'enveloppa en votant la mort de son

roi, de son parent, de son bienfaiteur, le rendit un objet d'exécration et de mépris pour ces mêmes Maratistes dont il avoit acheté la honteuse amitié. Chacun commença à hâter par ses vœux son supplice. Dumouriez luimême étonné et comme effrayé du discrédit subit dans lequel tomboit le prince au sein de la capitale, alla se cacher aux environs de Paris, attendant avec inquiétude la dernière scène de ce drame tragique qu'avoit commencé la révolution. Le sanglant dénouement ne se fit pas long-tems attendre.

Louis interjetta appel du fatal décret, aù peuple; l'appel fut rejetté. Ainsi le peuple fut une seconde fois absous de la mort de Louis XVI; ainsi ce ne sera pas contre le peuple françois que criera le sang du descendant de Henri IV.

Louis qui n'avoit trouvé que dans les consolantes promesses de la religion, la force de supporter ses longs tourmens, demanda encore un délai de trois jours, pour me préparer, dit ce digne fils de S. Louis, à paroître en présence de Dieu. Cette triste et dernière faveur lui fut impitoyablement refusée. Il dévora tout; il but le calice jusqu'à la lie sans qu'aucune plainte sortit de sa bouche.

Si l'on veut savoir comment Louis reçut la nouvelle de sa mort à laquelle il s'attendoit depuis bien du tems, voici ce qu'a raconté à ce sujet, un homme qui ne peut pas paroître suspect; c'est cet exécrable Hébert,

surnommé le père Duchesne, qui étoit alors substitut du procureur de la Commune.

Je voulus être du nombre de ceux qui devoient être présens à la lecture de l'arrêt de mort de Louis. Il écouta avec un sang-froid rare, la lecture de ce jugement. Lorsqu'elle fut achevée, il demanda sa famille, un confesseur, enfin tout ce qui pouvoit lui être de quelque soulagement à son heure dernière. Il mit tant d'onction, de dignité, de noblesse, de grandeur dans son maintien, et dans ses paroles que je ne pus y tenir. Des pleurs de rage vinrent mouiller mes paupières. Il avoit dans ses regards et dans ses manières, quelque chose de visiblement surnaturel à l'homme. Je me retirai en voulant retenir des larmes qui couloient malgré moi, et bien résolu de finir là mon ministère. Je m'en ouvris à un de mes collégues qui n'avoit pas plus de fermeté que moi, pour le continuer, et je

lui dis avec ma franchise ordinaire: Mon ami, les prêtres membres de la convention, en votant pour la mort, quoique la sainteté de leur caractère le leur défendit, ont formé la majorité qui nous délivre du tyran. Eh bien! que ce soient aussi des prêtres constitutionnels qui le conduisent à l'échafaud. Des prêtres constitutionnels ont seuls assez de férocité pour remplir un tel emploi. Nous fimes en effet décider, mon collegue et moi, que ce seroient les deux prêtres municipaux Jacques Roux et Pierre Bernard qui condui roient Louis à la mort, et on sait qu'ils s'ac

quittèrent de cette fonction avec l'insensibi lité des bêtes féroces."

Louis conserva jusqu'au dernier moment, ce courage visiblement surnaturel à l'homme. Il marcha à la mort, et la reçut avec un tel calme, avec une telle sérénité, qu'on voyoit bien que la religion l'investissoit dans ces terribles momens, d'une force céleste, et l'enivroít déjà du bonheur promis à l'homme juste. J'atteste que voici quelles furent à l'instant de recevoir le coup fatal, ses dernières paroles: JE SOUHAITE QUE MON SANG PUISSE CIMENTER LE BONHEUR DES FRANCOIS. Ainsi son dernier cri, son dernier vœu fut pour les François. Pendant sa prison au Temple, il témoigna beaucoup d'intérêt et d'affection aux Parisiens. Il vouloit qu'on sût qu'il étoit loin de leur attribuer fes scènes qui se passoient parmi eux, et ses propres malheurs. Je sais qu'en mourant, il lui eût été doux de leur faire ses derniers adieux, et de leur donner sa dernière bénédiction. Mais un homme féroce (1) lui arracha cette consolation, en ordonnant le roulement continuel des tambours.

Le sacrifice se fit entre la statue Louis XV

(1) On croit généralement que cet homme féroce ce fut Santerre; on est dans l'erreur: Santerre ne put retenir ses larmes. Il n'est pas tems encore de dire le nom du monstre qui priva Louis de donner aux Parisiens un dernier témoignage d'intérêt.

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