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J'annonce à ces officiers jacobins que leurs noms ont été recueillis avec soin, et qu'ils seront inscrits sur une colonne qu'on appellera> la colonne de l'infamie. Les générations qui nous succèderont, en fixant ce monument,! maudiront les noms qu'il leur présentera; elles: frémiront des forfaits qu'une telle nomenclature leur rappellera. Les François de ce temps que les assassins n'auront pas égorgés, diront à ces officiers jacobins: "C'est à vous, malheureux, à vous seuls, à nous rendre compte de nos fortunes et du sang de nos amis et de nos parens; c'est vous seuls qui nous en avez privés, en ôtant à la loi sa force, en déployant sur la patrie tous les fléaux de l'anarchie; c'est vous seuls qui restez responsables de tout le sang qui a inondé la France depuis 1789.

En attendant la vengeance de l'histoire, je dirai que ceux qui dès l'origine contribuèrent le plus aux manoeuvres de d'Orléans pour corrompre les armées, furent le comte de Mirabeau, le duc d'Aiguillon, les ducs de Biron, de Crillon, le baron Montesquiou, Barnave, Laclos, Dubois de Crancé, Valence, Dumouriez, et les trois frères Lameth. Cest derniers sont mille fois plus coupables.que tous les autres, complices de d'Orléans, parce qu'en manquant à leur devoir, ils n'ont pas seulement violé la religion du serment, ils ont encore donné le funeste exem-7 ple de compter pour rien les saints droits de la reconnoissance.

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Les malheureux n'avoient rien, ne possé doient rien qu'ils ne le tinssent de la libéralité du roi et de la reine. Nés dans un état complet d'indigence, ils leur devoient leur fortune, leur place, l'aisance de leurs parens; ils leur devoient tout, abfolument tout, jusqu'aux vêtemens qui les couvroient. On a peine à concevoir comment de tels monstres d'ingratitude ne fe font pas horreur à euxmêmes.

Des femmes aussi se mêlèrent de cette œuvre infernale. Ainsi dès les premiers jours de la révolution, on vit la duchesse d'Aiguillon et la baronne de Staël fille de Necker, courir les casernes des Gardes-Françoises, et de leurs propres mains abreuver ces soldats d'eau-de-vie. Voilà encore ce qui persuade à la génération actuelle qu'au moins à cette époque Necker étoit dévoué à la faction d'Orléans, car s'il n'eût pas été orléaniste, eût-il enduré que fa propre fille se travestît avec cette impudence en vivandière pour servir le prince. Dans la suite, on vit la marquise de Sillery traînant avec elle la jeune fille du duc d'Orléans, parcourir les diverses garnifons, haranguer les foldats, prendre avec eux les manières d'une prostituée, et leur diftribuer l'or de Philippe.

Ces diverses insurrections firent répandre par-tout le sang; il coula par torrens à Nancy. D'Orléans fidèle à son systême d'impofture, qui consistoit à rejetter fur le roi ses propres forfaits, le fit accuser par tous les journa Tome III. B

listes dont la plume lui étoit vendue, d'exciter ces foulevemens qui mettoient aux prises les officiers avec les soldats, les corps avec les corps. Ainsi au compte de ces calomniateurs, c'étoit le roi dont l'existence reposoit ́sur la fidélité des troupes, qui semoit dans l'armée des germes d'insubordination; c'étoit lui qui avoit voulu le soulevement dés Gardes-Françoises, qui avoit payé le régiment de Flandres, pour que ce régiment l'abandonnât, et le livrât aux bandits de d'Orléans; c'étoit lui qui à Nancy avoit donné cent louis à des assassins pour qu'ils égörgeassent le baron de Malseigne, un de ses meilleurs officiers. . . . Mais il y a tant d'absurdité dans ces impostures, que c'est insulter aux lecteurs, de s'appesantir à la leur rendre sensible. Cependant cette portion du public qui, soit par malice, soit par paresse, soit par envie, est toujours portée à croire ce qui est incroyable, ajouta foi à ces atroces imputations.

Voilà de quelle manière d'Orléans parvint à faire insurger en sa faveur presque tous les régimens. Son séjour à Londres, au moyen des services que lui rendoit le club des Jacobins, ne nuisoit point à ses intérêts. Luimême n'étoit pas oisif; il faisoit personnellement' en Angleterre, et par ses agens en Hollande, de nouveaux emprunts. Tout cet argent venoit tomber dans la caisse du comité de trésorerie des jacobins, et n'en sor

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toit que pour payer des insurrections soit parmi le peuple, soit parmi les soldats.

Mais ce qui met principalement ce conspirateur au-dessus de tous ceux qui l'ont précédé, c'est la vaste étendue de ses projets. On eût dit qu'il eût voulu usurper tous les trônes; ce n'étoit pas là ce qu'il avoit en vue; il vouloit seulement embrâser toute l'Europe. Il s'attendoit que lorsqu'il auroit pris la place de Louis XVI, tous les rois et principalement ceux de la maison de Bourbon, regarderoient la cause du roi détrôné comme la leur. Il entroit donc dans ses desseins, qu'au moment où ils voudroient déclarer la guerre à l'usurpateur, ils fussent arrêtés chez eux par des soulèvemens populaires. Une partie de son argent et de ses efforts tendirent à allumer cette insurrection générale.

Je n'entrerai point dans les détails de cette étonnante conspiration; je dirai seulement qu'il ne réussit point mal en Angleterre. On jugera par ce qu'il fit chez le peuple de la Grande-Bretagne, des succès qu'il eut chez les autres nations. Il attacha à ses intérêts pendant son séjour à Londres, milord Stanhope et le docteur Price. Ces deux hommes étoient les membres les plus considérés. d'une société qui se donnoit le titre de Société de la Révolution. Elle n'avoit, disoit-elle, d'autre objet que de maintenir la révolution qui avoit chassé Jacques II du trône de ses ayeux.

D'Orléans fit d'une telle aggrégation une véritable société de jacobins; elle se mit en correspondance avec le comité des recherches de notre commune, avec celui de nos jacobins, et enfin avec celui de l'assemblée nationale. Elle adressa même à cette assemblée une lettre ostensible où l'on lisoit ce qui suit :

"La société félicite l'assemblée nationale de France, de la révolution qui s'effectue dans ce pays-là; elle ne peut que souhaiter avec ardeur l'heureuse conclusion d'une révolution si importante, et exprimer en même tems la satisfaction extrême qu'elle sent à réfléchir sur l'exemple glorieux que donne la France.

"Elle arrête unanimement d'inviter tout le peuple anglois d'établir des sociétés dans tout le royaume, pour appuyer les principes de la révolution; de former des correspondances entr'elles, et d'établir par-là une grande union concertée de tous les véritables amis de la liberté.

Cet arrêté fut exécuté; il s'établit des sociétés de jacobins dans plusieurs villes de l'Angleterre, de l'Ecosse, de l'Irlande.

D'Orléans sut également intéresser à ses vues presque tout ce parti qu'en Angleterre on appelle le parti de l'opposition. Fox, un des oracles de ce parti, fut constamment attaché à d'Orléans; il l'est encore aujourd'hui à sa famille; il est le protecteur déclaré de

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