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"D'après le désir que vous avez témoigné, Monsieur, de quitter le commandement du Midi, je m'empresse d'avoir l'honneur de vous prévenir que le roi a accepté la démission que vous avez donnée de commandement; sa majesté approuve en conséquence que vous veniez ici, pour aller ensuite reprendre celui de la vingtième division que vous exerciez avant votre départ pour Avignon.'

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Signé, P. DE GRave.

C'étoit comme je l'ai dit le 21 mars. que. Wittgenstein avoit été chargé de ce commandement, et ce fut le 17 avril suivant qu'on l'obligea de le quitter. Ainsi la faction mettoit une telle rapidité dans ses menées, qu'en moins d'un mois de tems, elle contraignit ce général d'abandonner un poste où il ne l'auroit certainement pas servie. L'orléaniste Montesquiou lui succéda, et à peine celui ci eût mis le pied dans le comtat, que Jourdan et tous ses complices recouvrèrent leur liberté. Il y a plus: trois jours après l'arrivée du nouveau commandant, le brigand Jourdan vêtu d'un uniforme d'officier général, fit une entrée triomphante dans Avignon.

Ces dernières circonstances sont dignes d'attention. Comme ce Jourdan et sa troupe furent ensuite mandés à Paris, et y commirent les mêmes assassinats qu'à Avignon, tout le sang qu'ils firent couler dans la capi

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tale, doit retomber sur Montesquiou le libérateur et le protecteur de ces bêtes féroces. Quelqu'un témoignant à ce général, son étonnement de ce qu'il avoit jetté dans la société tous ces tigres, il s'écria comme autrefois Chabroud à l'occasion des 5 et 6 octobre: Où est le motif de biâmer? C'est un parti qui en dévorera un autre ; voi!à à quoi tout se réduit.

Avec de tels généraux Louis XVI se trouvoit absolument à la merci de la faction. Il n'étoit pas plus heureux comme on l'a vu, en ministres. Les uns devoient lui êtres suspects, les autres étoient notoirement orléanistes. Parmi ces derniers, Dumouriez est un de ceux que la France et même le monde entier doit le plus exécrer. Il parvint par des manières hypocrites et des protestations de fidélité à la personue du roi, à obtenir le département des affaires étrangères. Il l'eut à peine, que laissant là toute dissimulation, il courut dans la caverne des jacobins, er y prit cette coëffure honteuse qui étoit le signe auquel on reconnoissoit les francs orléanistes.

Dumouriez jetta tant d'argent dans l'assemblée législative et parmi les journalistes, il souleva avec une telle impétuosité la majeure partie de la nation, il circonvint le monarque avec une telle opiniâtreté, que le malheureux Louis XVI signa en pleurant une déclaration de guerre contre l'empereur dont les intentions étoient parfaitement connues,

et duquel comme le prouvera l'histoire, on pouvoit tout obtenir par la seule voie de la représentation.

Dumouriez reste responsable au genre humain de tout le sang que cette guerre a fait couler, et fera couler encore. Ce fut pour le plus grand avantage de d'Orléans qu'il la fit déclarer. Lui même vint peu de tems après se mettre à la tête d'une armée que le prince put regarder comme entièrement à lui. Dumouriez donna avec une impudente affectation tous les commandemens de quelqu'importance à des officiers orléanistes. Il traînoit avec lui dans les camps, des femmes qu'on avoit vues se prostituer à d'Orléans ; il montroit aux soldats le duc de Chartres ; il appelloit le jeune prince l'espoir de la nation, le Germanicus françois; il lui procuroit des succès faciles que les journalistes ensuite présentoient comme des exploits guerriers.

Le comte de Narbonne autre ministre de la guerre, à qui le surnom de Ministre Linotte que les royalistes lui donnèrent, est resté, ne servit pas moins la faction orléaniste par son inconsidération. Présomptueux à l'excès, il se rendit maître de toutes les avenues du trône, et tint éloignés du château, tous ceux dont le zèle pour la famille royale étoit connu; il prit une autorité despotique sur le conseil, et le conseil ne fit plus que des sottises; il s'empara des revenus de la liste civile, et les prodigua aux Chabot, aux

Lasource, aux Guadet, aux Brissot, aux Gorsas, aux Santerre, aux Danton, aux Carra, aux Saint Huruge, aux Clootz, aux Coustard, aux Marat, aux Condorcet, à une femme tarée qui se faisoit appeller Théroigne de Mericourt, enfin aux plus mortels ennemis de Louis et de sa samille. Chabot capucin apostat eut seul pour sa part cinquante mille écus.

Narbonne croyoit par cette prodigalité, forcer tous ces gens-là à concourir à ses vues. Comment y auroient-ils concouru, lorsque' lui-même ne savoit pas où il tendoit? Ils recevoient son argent, lui donnoient en retour des promesses qu'ils n'avoient nulle envie de tenir, et n'en continuoient pas moins à pousser d'Orléans au trône.

Mais les ministres qui dans les derniers jours du règne de Louis XVI donnèrent à la faction plus d'audace, plus d'énergie, plus d'assurance d'un succès complet, furent Servan, Roland et Clavière. Le premier étoit la créature de Pétion, le second de Brissot, et le troisième de Condorcet. Ce furent trois furies acharnées à torturer Louis XVI, et constamment appliquées à trouver un moyen prompt, un moyen infaillible de lejetter au milieu des assassins.

Le plus beau rêve, disoit le feu roi de Prusse, que puisse faire un roi, c'est de réver qu'il est roi de France. Si Frédéric eût vécu de nos jours, s'il eût vu combien les tems étoient changés, il eût tenu un lan

gage bien différent; il eût dit sans doute: · Le plus triste rêve que puisse faire le dernier des hommes, c'est de rêver qu'il est roi de France. L'infortuné qui détrempe de sa sueur le pain qui le nourrit, l'esclave sous la domination d'un maître dur, l'accusé qui erre sous les voûtes d'une prison, sont mille fois moins malheureux que ne l'étoit Louis XVI sous le règne de notre seconde assemblée nationale.

Cependant quoiqu'environné de calamités, quoiqu'abreuvé nuit et jour d'affronts et de chagrins, Louis XVI continuoit à repousser les instances que ne cessoient de lui faire Pétion et Manuel de s'échapper de cet enfer. La constitution lui avoit donné une garde : on fit jouer tant d'intrigues, on excita tant de séditions qu'il fût obligé de la licencier. On crut alors que se voyant seul en présence des innombrables et implacables ennemis qu'on avoit déchaînés contre lui, il prendroit le parti de les fuir. Cet espoir fut encore trompé; Louis dévora cette nouvelle insulte, et attendit patiemment les derniers coups qu'on vouloit lui porter.

La première assemblée nationale avoit créé un tribunal suprême appellé la haute Cour nationale. Ce tribunal qui siégeoit à Orléans, étoit chargé de prononcer en dernier ressort sur les décrets d'accusation qui émaneroient du corps législatif. On fit de cette institution l'abus le plus cruel contre Louis XVI: on remplit les prisons du tribu

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