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aristocratie et ce fanatisme; et pour cela, qu'il falloit qu'ils fussent autorisés à envoyer des troupes qui chasseroient les aristocrates et les fanatiques, rétabliroient l'ordre, et protégeroient la libre circulation des subsistances. L'assemblée n'osa se refuser à cette conséquence: les ministres obtinrent l'autorisation qu'ils demandoient, et ils envoyèrent des troupes qui chassèrent, non les aristocrates, non les fanatiques, mais les brigands qui vouloient que la famine désolât la capitale.

Ces brigands ne pilloient pas les bleds, mais ils brûloient les meules; ce qui prouvoit évidemment qu'ils n'avoient pas besoin de grains, car si ce besoin eût été le motif de leurs excès ils eussent volé, et n'eussent pas incendié.

La mesure prise par les ministres ne pouvoit certainement être plus réguliere. Cependant les Gorsas, les Carra, les Brissot, les Pétion, les Robespierre, les Marat, les Hébert, les Danton, et toute la populace orléaniste, crièrent que cette mesure étoit un acte révoltant de despotisme; ce n'étoit certes pas par bonté pour l'aristocratie...

On prit quelques-uns des chefs de ces bandits, et il faut croire que si l'on n'afficha pas leur nom à tous les coins des rues, que si on ne les punit pas, ce ne fut pas par ménagement pour les aristocrates.

Dans une de ces émeutes, le maire d'Etampes fut massacré; il le fut, parce qu'il

vouloit protéger la libre circulation des grains. On projetta à Paris, de célébrer une fête en l'honneur de ce malheureux. Les orléanistes, Pétion à leur tête, mirent tout en œuvre pour s'opposer à l'exécution de cette idée; ils ne réussirent pas la fête eut lieu parce que le département l'emporta encore dans cette occasion; mais si l'aristocratie mobiliaire ou sacerdotale comme on disoit alors, eût été cause de cet assassinat, les orléanistes ne se fussent pas récriés contre les honneurs qu'on vouloit décerner aux cendres de l'infortuné maire d'Etampes, et son assassin eût été puni.

On voit par les seuls détails dans lesquels je viens d'entrer, que les orléanistes furent sous la seconde comme sous la première lé gislature, les seuls auteurs de nos maux. Ils n'avoient pas pour eux la majorité de l'assemblée nationale; mais la minorité qui leur étoit dévouée, aidée de Pétion, de Santerre, comprima constamment la majorité, et finit par la subjuguer entièrement.

Dans une société où les passions des par. ticuliers, dit un écrivain (1) qui a été membre de la première assemblée nationale, ne sont point dirigées vers un but général, ou chacun ne pensant qu'à soi, ne voit dans l'incertitude du lendemain que l'intérêt du

(1) Volney; Voyage en Syrie et en Egypte, Tom. I. P. 143.

moment, où les chefs n'imprimant aucun sefttiment de respect, ne peuvent maintenir la subordination dans une pareille société, un état fixe et constant est une chose impossible; et le choc tumultueux des parties incohérentes doit donner une mobilité perpétuelle à la machine entière."

Tel fut l'état de la France pendant le règne de la seconde assemblée législative. Dès la première de ses séances, sa minorité la mit en guerre avec le roi, avec le département, avec toutes les autorités, avec tous les individus qui n'étoient pas orléanistes. D'une part elle feignoit pour l'acte constitutionnel un attachement qui alloit jusqu'à l'idolatrie de l'autre elle faisoit présenter au peuple par les jacobins, l'appât de la loi agraire et d'un gouvernement républicain. Elle donnoit pour prétexte de ses attaques journalières contre le roi, que ce monarque ne donnoit sa confiance qu'à des royalistes ; que tous ses ministres et tous ses généraux étoient anticonstitutionnels.

Cette tactique n'avoit d'autre but que l'exécution du projet que d'Orléans avoit formé dès les premiers jours de la révolution. On vouloit susciter à Louis XVI tant de dégoûts, tant de désagrémens, qu'il fût obligé d'abandonner de nouveau la capitale. Fidèle à la parole qu'il avoit donnée aux membres de la première assemblée nationale, il dévora tout, et attendit avec patience dans son

château, la fin des nouveaux orages qui le menaçoient.

Au milieu des attaques que Louis XVI recevoit sans relâche, sa situation devenoit tous les jours plus pénible, et le mettoit dans l'impossibilité de se tracer un plan de conduite qui ôtât toute occasion à ses ennemis, de le persécuter. Sa résolution du jour ne pouvoit jamais être celle du lendemain, parce que le lendemain on le forçoit de rétracter les résolutions qu'on lui avoit arrachées la veille. Les conseils qu'on lui donnoit se combattoient: il lui étoit difficile de discerner parmi ceux qui vouloient s'emparer de sa confiance, les faux amis des véritables amis. Depuis la malheureuse journée que les orléanistes avoient appellée la journée des poignards, le nombre des émigrés s'étoit considérablement accru; à cette époque, une foule d'anciens serviteurs que Louis XVI chérissoit, et dont il aimoit à suivre les avis, avoit abandonné la cour et la France: il ne restoit auprès de lui qu'un petit nombre de royalistes. Presque tous ces royalistes soit sincèrement, soit par dissimulation se disoient constitutionnels. Il y a plus: presque tous avoient brigué ou obtenu des places du nouveau régime, et ceux qui ne jouoient pas par eux-mêmes un rôle dans ce nouveau régime, le jouoient ou par leurs enfans, ou par leurs plus proches parens. Ces royalistes disoient bien au roi, que s'ils caressoient la

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chimère constitutionnelle, c'étoit pour le mieux servir; mais la prudence vouloit qu'il se tînt en garde contre les conseils qu'ils lui donnoient, parce qu'il n'avoit d'autre ga rant de leur sincérité que leur parole. S'il s'en rapportoit à leur conduite, il devoit les tenir pour suspects, puisque leurs actions les rangeoient parmi ses ennemis.

L'histoire de la révolution mettra cette vérité dans un plus grand jour. Pour moi je me bornerai ici à l'appuyer d'un seul exemple. Le comte de Montmorin juroit et au roi et aux amis avec lesquels il pouvoit s'ouvrir sans se compromettre, que nul homme au monde. n'étoit plus dévoué que lui à la famille royale, et j'ai la preuve que le comte de Montmorin en parlant ainsi, disoit la vérité. Cependant ce même gentilhomme faisoit en apparence si bien cause commune avec les constitutionnels, ou pour mieux dire, avec les persécuteurs de Louis XVI, qu'il avoua lui-même un jour, qu'il méritoit de perdre la vie en place de Grêves, si le roi reprenoit un jour son autorité, et s'il vouloit être juste. Je certifie que cet aveu est sorti de la bouche du comte de Montmorin, en présence de personnes avec lesquelles il n'avoit aucun intérêt de dissimuler.

Louis XVI ne pouvoit donc qu'être extraordinairement réservé avec des personnes qui prétendoient à la vérité, lui être attachées; mais qui convenoient en même tems qu'elles agissoient criminellement; chacun

de

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