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qu'on pût toujours la désavouer. Brissot, Laclos, Marat, l'abbé Fauchet, Clootz, Manuel, Gorsas, Carra, Hébert en furent les premiers apôtres. Syeyes la colportoit mystérieusement.

Cette ruse trompa les royalistes; ils crurent de bonne foi qu'il s'élevoit une faction qui vouloit convertir la France en une république. Cette erreur n'est pas encore tombée, c'est l'opinion de bien des gens que les novateurs dont je viens de parler, vouloient dès lors le gouvernement républicain. Ils ne le vouloient pas; ils n'avoient en vue que l'élévation de d'Orléans dont ils espéroient être les favoris. On leur demandoit: "Que mettrez-vous à la place de l'autorité de Louis XVI?" Il falloit bien qu'ils fissent une réponse à cette question. Ils répondoient: "Nous établirons une république." Et pour que tout le peuple fût à eux, ils ajoutoient : Nous ferons un partage égal de toutes les propriétés foncières.'

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Ces prétendus républicains obtinrent un premier succès dans l'Assemblée nationale; ils en arrachèrent un décret qui auroit mis en leur pouvoir la personne du jeune dauphin. Ce décret portoit que ce prince seroit ôté aux auteurs de ses jours, et que l'Assemblée elle-même lui nommeroit un gouverneur. On imprima la liste indicative des personnes parmi lesquelles les députés choisiroient ce gouverneur. On inscrivit sur cette listé l'avocat Agier, prèsident d'un des nou

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veaux tribunaux, le médecin Broussonnet, Cérutti, Condorcet, l'abbé Noël, rédacteur du journal intitulé la Chronique de Paris, François de Neufchâteau, Garan de Coulon, Hérault de Séchelles, l'avocat Hom qui avoit signé une des apologies de d'Orléans, Kersaint, Necker, Valence un des plus soumis serviteurs de d'Orléans.

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Plus le parti du prince s'agitoit, plus les royalistes faisoient effort pour raffermir l'au torité de Louis XVI. Peruadés que la France étoit déchirée par deux factions; dont l'une vouloit placer d'Orléans sur le trône, et l'autre prétendoit substituer la république à la monarchie, ils dénoncèrent par tous les moyens qui étoient en leur pouvoir, ces deux factions. Les écrits qui furent publiés pour prouver leur existence, placèrent Syeyes à la tête des républicains. Ces écrits étoient si forts en raisonnemens et en probabilités, que les factions elles-mêmes s'allarmèrent, D'Orléans et Syeyes publièrent une profession de foi qui pût tromper le peuple sur leurs véritables vues, au moins jusqu'au jour où ils en obtiendroient l'accomplissement. Le prince adressa à tous les journalistes la liste suivante :

MONSIEUR,

"Ayant lu dans votre journal, No. 689, votre opinion sur les mesures à prendre d'après le retour du roi, et tout ce que vous a

dicté sur mon compte, votre justice et votrę impartialité, je dois vous répéter ce que j'ai déclaré publiquement, dès le 21 et le 22 de ce mois, à plusieurs membres de l'Assemblée nationale; que je suis prêt à servir ma patrie sur terre, sur mer, dans la carrière diplomatique, en un mot, dans tous les postes qui n'exigeront que du zèle et un dévouement sans bornes au bien public; mais que s'il est question de régence, je renonce dans ce moment, et pour toujours, aux droits que la constitution m'y donne. J'oserai dire qu'après avoir fait tant de sacrifices à l'intérêt du peuple et à la cause de la liberté, il ne m'est plus permis de sortir de la classe de simple citoyen, où je ne me suis placé qu'avec la ferme résolution d'y réster toujours, et que l'ambition seroit en moi une inconséquence inexcusable. Ce n'est point pour imposer silence à mes détracteurs, que je fais cette déclaration; je sais trop que mon zèle pour la liberté nationale, pour l'égalité qui en est le fondement, alimentera toujours leur haine contre moi; je dédaigne leurs calomnies; ma conduite en prouvera constamment la noirceur et l'absordité; mais j'ai dû déclarer dans cette occasion mes sentimens et mes résolutions irrévocables, afin que l'opinion publique ne s'appuie pas sur une fausse base dans ses calculs et ses combinai、 sons relativement aux nouvelles mesures que l'on pourroit être forcé de prendre.

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Signé, LOUIS-PHILIPPE D'ORLEANS."

Les royalistes bien loin d'ajouter aucune foi à cette hypocrite déclaration de d'Orléans, en conclurent qu'il se tenoit assuré qu'on alloit bientôt proclamer un régent du royaume, et à qui cette place éminente seroit-elle accordée, sinon à lui-même.

Quant au prêtre Sieyes qu'on accusoit de vouloir fonder une république en France, et qui dans la notice sur sa vie publiée depuis la mort de Robespierre, a prétendu avoir toujours été républicain, même avant la révolution; voici comment il s'expliqua sur cette accusation dans une lettre qu'il publia également par la voie des journaux. (1) Sous tous les points-de-vue rien n'est plus curieux que cette lettre.

"Jai cru que je pourrois passer ma vie sans répondre jamais aux injures ni aux inculpations sans preuves. Quant aux injures, je ne sens pas encore le besoin d'y faire attention, quelque riche que fût ma mois, son en ce genre, si je m'amusois à la recueillir. Il peut en être autrement des inculpations; il y a des circonstances où il est utile de les repousser. Par exemple, on répete fort

(1) Op la trouve notamment dans le moniteur ; n'ayant pas actuellement sous les yeux ce journal, je ne me rappelle pas précisément à quelle date, mais c'est dans un des premiers Numéros du mois de juillet 1791.

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que je profite en ce moment de notre position pour tourner au républicanisme. On dit que je cherche à faire des partisans à ce systême. Jusqu'à présent on ne s'étoit pas avisé de m'accuser de trop de flexibilité dans mes principes, ni de changer facilement d'opinion au gré du tems. Pour les hommes de bonne foi, les seuls à qui je puisse m'adresser, il n'y a que trois moyens de juger des sentimens de quelqu'un: ses actions, ses paroles et ses écrits. J'offre ces trois sortes de preuves; elles ne sont point cachées; elles datent d'avant la révolution, et je suis sûr de ne m'être jamais démenti. Mais si l'on préfère de s'en rapporter aux allégations de la calomnie, il ne reste qu'à se taire. Ce n'est ni pour caresser d'anciennes habitudes, ni par aucun sentiment superstitieux de royalisme que je préfère la monarchie. Je la préfère parce qu'il m'est démontré qu'il y a plus de liberté pour le citoyen dans la manarchie que dans la république. Tout autre motif de détermination me paroît puéril. Le meilleur régime social est à mon avis, celui où, non pas un, non pas quelques-uns seulement, mais où tous jouissent tranquillement de la plus grande latitude de liberté possible. Si j'apperçois ce caractère dans l'état monarchique, il est clair que je dois le vouloir par-dessus tout autre. Voilà tout le secret de mes principes et ma profession de foi bien faite. J'entrerai en lice avec les ré

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