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sein, le plus de députés qu'il lui seroit possible de débaucher.

Le club resté à la place des Victoires, dictoit à la société des Jacobins, les décrets qu'il s'agissoit d'obtenir, et c'étoit l'affaire de celle-ci de contraindre l'assemblée nationale à les rendre. De cette manière le club se trouva maître de la marche des jacobins, des opérations de l'assemblée, et des destinées de la France entière; mais il ne tarda pas à arriver ce qui devoit arriver: le grand nombre fut prêt à dévorer le petit; la société des Jacobins infiniment plus nombreuse que le club, forte de la publicité de ses séances, et de l'appui que lui prêtoient les auxiliaires des tribunes, entreprit de régner seule; les membres du club furent obligés de venir se confondre parmi ceux de la société ; c'est ainsi qu'expira l'aggrégation connue sous le nom de Club Breton.、

Cette réunion étant effectuée, il s'établit parmi les jacobins un ordre véritablement admirable, si on peut donner le nom d'ordre à l'organisation d'une horde de bandits. On créa une foule de comités. Ne pouvant tout dire, je parlerai ici seulement des quatre principaux.

Le premier et le second de ces comités. furent chargés de faire la recherche de tous ceux qui seroient soupçonnés d'apporter de la résistance aux vues de la société, de les accuser de conspiration, de les dénoncer, de

les faire arrêter et emprisonner. Ce furent eux aussi qui eurent la commission de diriger les calomnies, les pillages, les incendies, les assassinats.

Les personnages les plus remarquables du premier de ces comités appellé de correspondance, furent le baron de Menou, le duc d'Aiguillon, le sanguinaire Barnave, Laclos, Charles et Théodore Lameth, le comte de Mirabeau, Alexandre de Beauharnois, Barère de Vieuzac, Victor de Broglie, Collotd'Herbois, Fouquier-Tinville.

Le comte de Pardieu, le marquis de Sillery, Voidel, Cochon-l'Apparent, Poulain, furent les principaux membres du second de ces comités, appellé des recherches.

Le troisième fut chargé d'établir des clubs dans tout le royaume, de recruter des affiliés, de soudoyer des journalistes, de soulever les soldats contre leurs officiers, de fournir aux frais de bureaux, de correspondance, de couriers, de députations, de ports de lettres, d'insurrection, d'impression, de gratifications aux membres des clubs et aux députés, d'envoi dans les pays étrangers de séditieux à qui on remettoit des sommes considérables, pour qu'ils tentassent de faire soulever les peuples contre leurs souverains.

Ce comité appellé de trésorerie, eut une caisse qui s'alimentoit avec le produit des pillages, avec les contributions des agioteurs, des usuriers, des diverses sectes et

des plus ardens orléanistes. On remarquoit parmi les membres de ce comité, Bonne-Carrère, Mendouze, Gerdret, Desfieux.

Enfin le quatrième comité appellé de présentation et vérification, fut chargé de l'examen des candidats, de la vérification des pouvoirs de ceux qui étoient admis, de celle de la mission des couriers et des députés envoyés à la société. Les personnages les plus distingués de ce comité étoient le baron de Menou, le duc de Chartres, le marquis de Sillery, Villars, Carra, Bonne-Carrère, Desfieux, Collot d'Herbois, Le Grand de Laleu, Dufourny, Mendouze et Polverel fils.

On voit par les seuls noms des membres qui composoient ces divers comités, que la société entière, en exerçant un empire absolu sur l'assemblée nationale et sur la France, étoit elle-même dominée par la faction d'Orléans. Les anti-orléanistes ef. frayés de l'épouvantable puissance des jacobins, imaginèrent de les combattre avec leurs propres armes. Les royalistes d'un côté, de l'autre, les impartiaux, c'est-à-dire, ceux qui avoient à leur tête Malouet, de' Virieu, Clermont-Tonnerre, voulurent s'ériger aussi en clubs. Ils firent pour cela des efforts inutiles; ils ne purent jamais y parvenir. L'ineptie de Bailly et de la Fayette mit un obstacle insurmontable à la formation de ces deux nouveaux clubs. Le maire et le général furent assez mal avisés pour

ne pas voir que l'établissement de ces clubs pouvoit seul balancer, et peut-être détruire un jour, la puissance des jacobins ; ils excitèrent et poussèrent la populace et même la garde nationale contre les royalistes et contre les impartiaux, de sorte que lorsque les uns et les autres vouloient se, réunir, ils étoient obligés pour entrer dans leur salle et pour en sortir, de soutenir chaque fois un combat au pistolet avec les assassins qu'on ameutoit contr'eux. Comme ils n'avoient de leur côté ni le nombre ni la force, ce leur fut une nécessité de renoncer absolument à se réunir.

Quand la société fut suffisamment affermie, il s'y fit une sorte d'épuration; on y mit en œuvre des moyens qui donnèrent à comprendre à Bailly et à la Fayette qu'ils n'y étoient pas vus de bon cil; ils se retirèrent entraînant avec eux tous ceux qui vouloient bien une révolution, mais non passer de la domination d'un roi légitime à celle d'un usurpateur. Tous ceux qui de temps à autre furent ainsi éconduits, furent en même temps proscrits, c'est-à-dire qu'on mit leur tête à prix, de sorte que l'expulfion des jacobins étoit un véritable arrêt de

mort.

Je passe aux grands services que la société rendit à la faction d'Orléans. Dès les premiers troubles qui suivirent la seconde assemblée des notables, ce prince n'avoit cessé de dire à Laclos, à Sieyes, à Mira

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beau, à Sillery, à ses plus intimes confidens ces paroles: Nous ne ferons rien tant que nous n'aurons pas l'armée.

Ce fut en conséquence de ce principe que d'Orléans corrompit les Gardes-Françoises, la plupart des corps mandés pour protéger la capitale dans le mois de juillet, et ensuite le régiment de Flandres. La séduction des Gardes-Françoises lui coûta personnellement plus de quatre cent mille livres, et celle du régiment de Flandres plus de cent mille,

Comme je place ici tout ce qui est relatif aux manœuvres que les jacobins mirent en jeu pour séduire les troupes, je devance l'époque où le duc d'Orléans revint d'Angleterre, et je raconte de suite la part qu'il eut à ces manœuvres, lorsqu'il fut de retour parmi nous. On pense bien que sa première demarche, comme le vouloit son intérêt, fut de se faire aggréger à cette société qu'avoient fondée, et que conduisoient ses meilleurs amis. Il n'eut pas de peine à la convaincre de la maxime, qu'on ne feroit rien tant qu'on n'auroit pas l'armée.

Il fit ensuite comprendre aux jacobins que pour parvenir à débaucher les troupes, il falloit commencer par éloigner les officiers qui n'étoient accessibles qu'à l'honneur, et les remplacer par des hommes à qui il pou roit commander à volonté, tous les genres. de forfaits. Le club en conséquence envoya avec le plus grand secret dans chaque régi

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