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SIGLES FIGULINS'

(ÉPOQUE ROMAINE).

ÉTUDE

PAR

M. H. SCHUERMANS,

MEMBRE TITULAIRE A LIEGE.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

« Partout où l'homme a séjourné, dit l'abbé Cochet 2, vous trouverez le fragment d'un vase. La poterie est la trace la plus précieuse du passage de l'homme sur la terre.

Ce mot sigle est plus caractéristique que tout autre, et évite des périphrases; il a en outre l'avantage de correspondre au nom longtemps en usage de « poterie sigillée », », ainsi nommée, selon quelques-uns, à cause de l'empreinte (sigillum) de la marque du potier. (V. notamment Publications de la société pour la recherche et la conservation des monuments historiques du duché de Luxembourg, VII, p. 170), dont ce genre de poterie est le plus souvent revêtu. Enfin le mot est déjà employé dans un cas identique : sigle se dit des lettres initiales et des abréviations analogues à celles des poteries que l'on trouve sur les monuments épigraphiques, les monnaies et dans les manuscrits anciens. C'est pourquoi nous n'hésitons pas à proposer cette expression avec l'espoir de la voir adopter. Ce n'est pas du reste absolument un néologisme: on trouve l'expression dans quelques ouvrages.

Apud Publications, etc., de Luxembourg, X, p. 212.

Commissaires rapporteurs: MM. G. HAGEMANS et A. CASTERMAN.

Aussi l'étude de la céramique me parait-elle la plus importante de toutes les connaissances archéologiques. >>

La science des poteries est la pierre angulaire de l'archéologie, dit de son côté B. Fillon, et il cite à ce propos une lettre du savant numismate Lelewel qui recommande l'étude des poteries même les plus grossières: « Qu'on les classe, qu'on les aligne avec l'oeil d'un clairvoyant; de cette confrontation naitront des découvertes que vous et moi, rêveurs à la piste, soupçonnons sans deviner la force expansive de leurs conséquences incalculables pour l'histoire. La numismatique aura une sœur qui ne s'était pas montrée avant le temps présent quoique, par l'âge de ses monuments, elle puisse compéter l'ainesse. »

De Caumont, s'attachant même aux plus menus tessons, dit: «ces fragments offrent peu d'intérêt aux personnes qui se laissent séduire par le charme des formes et par la belle conservation des vases plutôt que par l'importance, des inductions qu'on en peut tirer pour l'histoire de l'art; elles n'ont encore été étudiées et décrites que par un petit nombre d'antiquaires. Aussi reste-t-il beaucoup à dire sur les poteries. >>

L'art de terre chez les Poitevins, préface et p. 15. Cet ouvrage contient d'excellentes observations sur la poterie romaine; mais il y a lieu de faire des réserves sur une division un peu arbitraire en poterie romano-gauloise et gallo-romaine. Voir aussi : DE CAUMONT, Cours d'antiquités monumentales, II, pp. 186 et suiv.; Abécédaire ou rudiments d'archéologie, ère gallo-romaine, pp. 398 et suiv.; Archaeologia (Revue anglaise d'antiquités), V, p. 290 et VIII, p. 116; Publications, etc., de Luxembourg, VII, pp. 168 et suiv.; HAGEMANS, Un cabinet d'amateur, pp. 395 et suiv.; COCHET, Archéologie céramique et sépulcrale (passim); BRONGNIART, Traité des arts céramiques (passim); BRONGNIART et RIOCREUX, Description méthodique du musée céramique de la manufacture royale de porcelaines de Sèvres (id.); COMARMOND, Description des objets d'art du palais des beaux-arts de Lyon, p. 56; EDM. TUDOT, Collection de figurines en argile, œuvres premières de l'art gaulois (passim); DEMMIN, Guide de l'amateur de faïences et de porcelaines, poteries, terres cuites, p. 152; Roach Smith, Illustration of Roman London, pp. 89 et suiv. Cours d'antiq. monum., 11, 195.

Jusqu'ici, dit Fillon, 1 les produits céramiques de l'époque romaine n'ont été l'objet d'aucune tentative sérieuse de classement par ordre de date, ce qui leur enlève l'intérêt le plus réel comme documents. Introduire une bonne chronologie dans les faits, n'est-ce pas ouvrir une grande route à l'histoire?

Les plus attrayantes et les plus parlantes de ces études sont celles qu'on peut faire sur la poterie rouge lustrée à laquelle, en renonçant à la dénomination usuelle de poterie sigillée qui ne se justifie pas, qu'on explique même différemment 2, on restituera sans doute désormais le nom de poterie samienne que lui donnaient les potiers de l'antiquité 3, et que les archéologues anglais lui ont assigné

'L'art de terre, etc., p. 15.

* V. Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, III, p. 320 et Publications de la société d'archéologie dans le duché de Limbourg, I, p. 180, où ont été passés en revue les motifs qui ont pendant longtemps fait prévaloir le nom impropre de poterie sigillée: le sceau du potier, le sceau dont on marquait prétendument les blocs de terre importés de l'étranger pour la fabrication de ces vases, les figures en relief dont ils sont souvent revêtus, etc. La qualification de sigillée était devenue d'autant plus impropre qu'elle n'était plus même réservée à la poterie rouge; on l'avait étendue à la poterie noire, et même à une poterie verte, Publications, etc., de Luxembourg, XIV, pl. iv, fig. 5; Annales de la société d'émulation pour l'étude et l'histoire des antiquités de la Flandre, VII (2e série), p. 315; SCHAYES, La Belgique et les Pays-Bas avant et pendant la domination romaine, III, p. 137; Annales de la société d'archéologie de Namur, IV, 91. L'Encyclopédie méthodique (Antiquités), v0 terre sigillée, dit qu'elle servait en peinture et en médecine, qu'on la tirait en cérémonie de la terre, et qu'on la cachetait de l'image de Diane ou d'une chèvre. Cette assertion si minutieuse dans ses détails ne se justifie, que nous sachions, par aucun passage des auteurs anciens.

Le sigle du potier TETEVS est souvent accompagné du nom samia, qui ne laisse plus de doute B. FILLON, p. 37; DE LONGPERIER, Revue numismatique (française), 1, p. 73; FABRONI, Storia degli antichi vasi fittili aretini, p. 52.

Quant à l'expression de terra campana dont se sert BARAILON, Recherches sur plusieurs monuments celtiques et romains, pp. 33 et suiv., elle ne se justifie pas, car la Campanie n'a pas eu le monopole de cette fabrication qui, une fois sortie de Grèce, s'est étendue par toute l'Europe. Il en est de même de l'expression de « poterie arétine employée par TUDOT.

depuis longtemps. A ceux qui critiqueraient ce nom comme comprenant un très-grand nombre de poteries non fabriquées à Samos, ne peut-on opposer le nom, général aujourd'hui, de faïences, appliqué à des vases qui certes sont loin de provenir tous de la ville de Faenza.

Qu'était-ce donc que cette poterie samienne qui fera l'objet principal de la présente étude et du catalogue des sigles qui va suivre?

On a débité sur elle bien des erreurs.

La plus flagrante de toutes consistait à prétendre que la poterie samienne était consacrée habituellement aux usages religieux, et cette erreur a été répétée par tous les antiquaires, depuis Smetius jusqu'à M. de Caumont lui-même.

On se fondait d'abord sur un passage de Pline qui ne parle nullement de la poterie samienne, mais dit uniquement que la simplicité primitive s'était maintenue dans les sacrifices et qu'on y faisait usage de vases de terre '. Ensuite on invoquait un vers de Plaute :

Ad rem divinam quibus est opus Samiis vasis utitur.

Terminant là la phrase et prenant le verbe uti comme impersonnel, on avait traduit utitur par on se sert, il est fait usage. Seulement on avait oublié de vérifier le passage cité et d'ajouter au verbe son sujet; Plaute parle d'un vieil avare, si ladre qu'il se sert seulement de vases samiens, de peur de se les voir enlever par le dieu auquel il sacrifie :

Ne ipse genius subripiat.

'PLINE, Hist. nat., XXXV, 46 : « In sacris quidem etiam hodie non murrhenis crystallinisve, sed fictilibus prolibatur simpulis. » Cic., Rep., VII, (fragments), dit cependant: « Oratio exstat Laelii, quam simpuvia pontificum diis immortalibus grata sint, Samiaeque, ut dicit, capedines. »

2

V. ce que nous avons dit à ce sujet dans le Bulletin des commissions royales d'art et d'archéologie, III, p. 325, et les Publications, etc., de Limbourg, I, p. 114.

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