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PROMENADE

A L'ÉGLISE ROMANE D'ALDEN-EYCK (LIMBOURG).

NOTICE

PAR M. J. GIELEN,

archéologue à Maeseyck.

C'était vers le mois de juin, à l'heure du jour où, le soleil absorbant son ombre, la campagne présente ces teintes chaudes que respirent les chefs-d'œuvre de nos immortels compatriotes Jean et Hubert Van Eyck.

J'éprouvais un vif plaisir en parcourant les rives historiques de la Meuse lorsque, jetant mes regards de côté, je distinguai à travers une touffe de verdure le pittoresque hameau de l'antique Driapolitanum 1, vulgairement nommé Alden-Eyck, que domine la tour de son église romane. Avant d'y pénétrer, je tiens à rappeler en peu de mots une naïve légende qui s'attache à son origine.

Vers l'an 720, alors que la contrée était encore plongée dans les ténèbres de l'ignorance, il vint s'y établir un riche seigneur nommé Alardus, accompagné de sa femme

Collegium Driapolitanum.

Leodiensis Republica, t. 1, pag. 274.

Commissaires rapporteurs: MM. chevalier L. DE BURBURE et B. DE PROOST.

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Arales de l'Acadème d'Archeologie de Belgique + Xill 2a Fener II!

PEINTURES MURALES XIV"SIECLE.

Lith S. Mayer Anvers.

Grimaria, issue de la race des Pepin de Herstal, et de ses deux filles Harlinde et Relinde, que leur charité envers les malheureux fit bientôt comparer à de petits anges.

Le saint évêque Willibrord, ayant appris ces circonstances, se rendit de sa retraite d'Odilienberg, Mons sancti Petri, à Alden-Eyck pour juger par lui-même de l'opinion générale; sa démarche ne fut pas stérile, car il conquit bientôt la confiance de la famille Alardus et sut se faire estimer des deux sœurs en leur enseignant, par la lecture des manuscrits, les sages leçons du grand législateur.

Brùlant de piété, Harlinde et Relinde ne tardèrent pas à prendre du penchant pour la vie monastique.

Alardus, contrarié de l'inclination de ses filles, mit tout en œuvre pour les détourner d'une vocation qui pouvait n'être encore qu'un entraînement irréfléchi et que la raison ne tarderait peut-être pas à combattre.

Plusieurs mois s'écoulèrent dans cette alternative, lorsqu'un jour Alardus, parcourant en chasseur son domaine, aperçut au loin deux villageoises dont la mise trahissait une origine au-dessus de leur condition.

Après avoir franchi la distance qui les séparait de lui, quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il reconnut Harlinde et Relinde portant dans l'ample draperie de leurs mantilles des pierres qu'en secret elles destinaient à l'érection d'une chapelle 1.

Påles et tremblantes, visiblement troublées par la présence de leur vieux père, celui-ci les interrogea pour savoir ce qu'elles portaient, lorsque, ô surprise! (c'est la légende qui parle) un parfum céleste se répandit dans l'air et les pierres qu'elles portaient se changèrent en roses de mille couleurs éclatantes.

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Alardus, ému d'une transformation aussi surnaturelle, crut y reconnaître un enseignement d'en haut et céda avec joie à la vocation filiale.

Peu de temps après ce prodige, l'œuvre pieuse fut commencée; Harlinde et Relinde bâtirent à Eyck une chapelle et un monastère et les dédièrent à la Vierge.

C'est sur l'emplacement même de ces deux monuments rustiques, lesquels furent ruinés lors de l'invasion des hordes normandes venues d'outre Rhin en 822, que l'abbesse Ava fit construire l'église actuelle d'Alden-Eyck dans laquelle l'évêque Franco de Liége (mort en l'an 903 1) releva avec beaucoup de pompe les corps des deux vierges Harlinde et Relinde.

La vue de ce vénérable monument produit une émotion aussi vive que religieuse. Le cœur et les yeux s'attachent aux souvenirs que ces débris éveillent à l'esprit, quand on se reporte par la pensée aux différentes époques de troubles et de terreurs qu'ils ont traversées.

L'église romane d'Alden-Eyck, placée comme elle l'est au milieu de son petit cimetière, conserve parmi la mort même les charmes d'une beauté incontestable. Quoique l'édifice ait souffert de graves mutilations à la suite de l'impardonnable vandalisme d'ouvriers inhabiles, les parties essentielles sont conservées presque intactes et restent debout comme des jalons pour guider un jour sa restauration complète 2.

Rien n'est plus imposant que les grandes arcades en plein-cintre de la grosse tour carrée, à la base de laquelle sont accolées plusieurs autres petites arcades en style

1 Historiæ Ducatus Geldria, KNIPPENBERG, fol. 41.

A l'époque où ces lignes ont été écrites les deux bas-côtés des nefs latérales de l'église étaient détruites, mais elles viennent d'être rebâties, grâce à l'intervention du gouvernement belge, de la province de Limbourg et de la ville de Maeseyck.

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