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dre le dépôt; au contraire, on doit d'autant plus attentivement le garder. Car, fi m'ayant confié votre épée pendant que vous aviez le libre ufage de votre raifon, vous me la redemandez lorsque vous êtes dans le délire, ou quand je fais, que c'eft pour en aller percer le fein de votre ennemi; très-certainement, la raison & l'humanité me défendent de me deffaifir de ce dépôt. Vous m'avez confié une grande fomme d'argent, enfuite vous tramez un complot contre l'Etat ; &, comme cet argent vous eft néceffaire pour réuffir dans votre attentat, vous me le redemandez; mais je ferois prefqu'auffi criminel que vous, criminel que vous, fi je vous le rendois. Un malheureux a volé des effets, & il vient me les confier en dépôt; je fuis informé de fon vol, & je n'ai garde de lui rendre ces effets: c'eft au propriétaire à qui on les a enlevés que je dois les remettre, en obfervant les formalités prefcrites en pareille circonftance.

On ne peut exiger du dépofitaire d'autre foin pour la garde de la chose dépofée, que celui qu'il apporte à fes propres affaires; car, s'il eft négligent, dans ces dernieres, & que par une fuite de ce défaut la chofe déposée vienne à fe perdre, le dépofitaire ne doit s'en prendre qu'à luimême, & au peu de prudence qu'il a eue de ne pas choisir une perfonne plus vigilante.

Si la chofe déposée eft fujette à fe détériorer par l'ufage, ou fi perdue, on ne peut pas à tout inftant la remplacer, comme de l'argent, des vafes précieux & fragiles, &c. le dépofitaire ne peut point s'en fervir en aucune maniere, fans le confentement du propriétaire, & s'il s'en fert, il commet un larcin. A plus forte raifon, celui qui abuseroit d'un dépôt, que la néceffité auroit forcé de lui confier, des effets, par exemple, qu'on lui auroit remis en garde pendant un incendie & qu'il auroit détournés, mériteroit une punition rigoureuse; auffi, l'infidélité d'un tel dépofitaire eft-elle punie de mort, non-feulement parce qu'il viole les loix de la juftice, & les droits de la propriété, mais parce qu'il foule aux pieds les loix de l'amitié & les devoirs facrés les plus indifpenfables de l'humanité.

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PRÈS avoir parlé des obligations qui réfultent des contrats bienfaisans ou gratuits, il refte à parler des contrats onéreux ou intéreffés de part & d'autre; le premier de ceux de cette claffe par fon ancienneté eft l'échange; car, il eft très-conftant qu'avant l'invention du prix éminent ou de la monnoie, tout le commerce confiftoit à échanger entre elles les différentes choses.

Actuellement l'échange fe fait de deux manieres; l'on commence par eftimer les choses qu'on veut troquer, & on les apprécie comme fi l'on

vouloit les vendre argent comptant, & enfuite les contra&tans fe les donnent l'un à l'autre en place du prix qu'ils y avoient attaché; l'autre eft plus fimple; on troque une chose pour une autre, en les comparant feulement, & ne confidérant que leur valeur propre & intrinfeque. La premiere forte d'échange eft regardée comme une vente réciproque, les chofes échangées tenant lieu d'argent, fuivant l'eftimation faite par les contractans; & cette efpece de vente eft fort ufitée entre marchands.

Deux amis qui fe font une donation réciproque, fans avoir eftimé les choses qu'ils fe livrent mutuellement, & qui peuvent être d'une valeur très-inégale, font cenfés faire un échange; l'acte par lequel ils fe donnent l'un à l'autre n'ayant point d'ailleurs de nom particulier.

La vente eft le deuxieme des contrats intéreffés de part & d'autre ; on peut même dire qu'il eft le premier, & le plus en ufage depuis l'invention de la monnoie on fait que c'eft un contrat par lequel, au moyen d'une certaine fomme d'argent, que l'on donne au vendeur, on acquiert de lui la propriété d'une chofe ou quelque autre droit équivalent. Dans quelle circonftance la vente doit-elle être cenfée accomplie? Suivant les loix des Romains, c'eft auffitôt que les deux contractans font convenus du prix de la chofe; car, dès-lors, difent-ils, le vendeur peut obliger l'acheteur à prendre la chofe & à lui en payer le prix, & l'acheteur a action contre le vendeur pour l'obliger à lui livrer la chofe du prix de laquelle ils font convenus. Mais, il peut arriver qu'alors même il manque quelque chose à la vente qui la rendant encore imparfaite, empêche que les deux contractans ayent action en juftice l'un contre l'autre : & ce cas peut avoir lieu, foit par une raison générale, foit par une raifon particuliere par une raifon générale, lorsqu'à la vérité les deux contractans font en marché, mais qu'ils n'ont encore rien conclu, ou bien, qu'ils n'ont conclu qu'en termes généraux; en ceux-ci par exemple, nous n'aurons point de difficultés, vous ne payerez que ce que cette chofe vaut, &c.: alors comme il n'y a point d'obligation contractée, le vendeur & l'acheteur font très-libres de fe dédire. La vente n'eft pas accomplie par une raifon particuliere, quoique même le contrat foit écrit & figné, lorfque ce contrat renferme une condition expreffe ou fous-entendue, qui fufpend l'effet & l'obligation; ce qui a lieu par exemple, lorfque l'on prend une chose à l'effai; ou bien lorfqu'il eft queftion de la mesure d'une chofe, dans le cas où il eft cenfé que cette mefure doit être déterminée par une condition tacite; car fi j'achete du drap pour un habit, fans déterminer combien j'en achete, il ́eft très-certain que je fuis cenfé avoir entendu vouloir en acheter, autant qu'il m'en faut pour un habit, & s'il fe trouve que la piece que le marchand m'a livrée ne fuffit pas, il n'y a point de vente également fi j'achete un tas de blé que l'on me vend pour cent fetiers, & que je paye à raison de cette quantité, s'il s'y trouve moins de cent fetiers, j'ai action contre le vendeur, & la vente eft annullée.

En général, lorfqu'il n'y a aucune condition expreffe ni tacite qui fufpende l'effet de l'obligation, tout contrat de vente eft accompli dès l'inftant qu'on a diftin&tement marqué la chofe vendue & qu'on eft convenu du prix mais l'exécution de ce contrat n'eft accomplie que lorfque l'acheteur a payé le prix de la chofe, & que celle-ci lui a été délivrée par le vendeur. & que

Lorsqu'entre la vente & la délivrance il fe paffe quelque temps, dans cet intervalle, la chofe vendue, fans qu'il y ait de la faute du vendeur, vient à périr en tout ou en partie, fans qu'il y ait de la faute du vendeur, foit par l'effet d'une force extérieure & infurmontable, foit par un vice intérieur opéré par des caufes naturelles, foit qu'elle ait été volée ou enlevée; lequel des deux contractans doit fupporter la perte ? Les jurif confultes ont beaucoup écrit fur cette queftion, qui, pour être décidée suivant les regles de l'équité naturelle, n'a befoin que d'être éclaircie par une diftinction en effet, fi le retardement de la délivrance vient de ce que la chofe ne pouvoit être tranfportée qu'en un certain temps au lieu où elle devoit être délivrée, ou par la négligence du vendeur qui pouvant la délivrer plutôt ne l'a pas fait; c'eft à lui fans contredit à fupporter la perte: car fi vous m'avez vendu un troupeau qui étoit loin du lieu où nous avons conclu le marché, & qu'avant la délivrance ce troupeau ait été enlevé par des voleurs, ravagé par les loups, ou péri par quelqu'autre accident, ou bien, fi pouvant le faire venir plutôt vous l'avez négligé, fans contredit vous devez d'autant plus en supporter la perte, que je ne pouvois exercer fur ce troupeau le droit de propriété que je vous avois acheté & qui reftoit entre vos mains jufqu'à la délivrance. Mais fi le troupeau transporté au lieu où nous étions convenus qu'il me feroit délivré, j'ai négligé d'aller le recevoir, & s'il eft détruit par les voleurs ou par les loups, c'est à moi feul d'en fupporter la perte, puifque feul j'étois en retard. Par la même raison, toutes les fois que, fans s'y être engagé, & pour obliger l'acheteur, le vendeur veut bien garder la chofe vendue qu'il a offert de délivrer, c'eft fur l'acheteur feul que retombe la perte même opérée par un cas fortuit; à moins que l'acheteur n'ait expreffément donné en garde la chose au vendeur, qui dans ce cas, étant confidéré comme dépofitaire, eft tenu de tous les dommages qui arrivent à la chofe qui lui eft confiée, à l'exception feulement de ceux qui proviennent des cas purement fortuits.

Au fond, comme en matiere de vente & d'achat, on prévoit ordinairement tous les cas, les contrats de ce genre font communément modifiés par certaines conventions, foit du confentement des contractans, foit par les réglemens des loix civiles. Les plus communes de ces conventions font, 10. la vente à crédit, ou dont le payement ne doit être fait que dans un temps déterminé plus ou moins long, après la délivrance de la chose vendue; vente fort ufitée entre marchands, 2o. La délivrance à terme,

ou qui ne doit être faite qu'au bout d'un certain temps, le vendeur se réfervant la propriété de la chofe, les profits qu'elle rapportera, comme auffi fe foumettant à la perte qui pourra furvenir jufqu'au terme convenu par la délivrance. 3°. On vend quelquefois, à la charge que fi dans un temps fixé, on trouve davantage de la chofe qu'on aliene, on pourra la vendre à un autre fi la chofe vendue eft actuellement délivrée, la vente est consommée, avec cette condition néanmoins, qu'elle fera réfolue, fi quelqu'autre offre, dans le temps limité, un plus haut prix. Si la chofe n'eft point délivrée, le vendeur refte le maître de la marchandise, jusqu'à l'événement de la condition; époque, où le contrat eft pleinement accompli. 4°. La vente à claufe commiffoire, eft celle par laquelle on convient que l'acheteur ne paye pas dans un temps fixé, la vente fera nulle, foit que la chose ait été, ou n'ait pas été délivrée. 5o. La vente à claufe de retrait, appofée ou par les contractans mêmes, ou par les loix civiles, claufe par laquelle on convient que l'acheteur ou fes héritiers, en rendant, dans un temps limité, ou quand bon leur femblera, le prix de la vente, rentreront en poffeffion de la chofe vendue. Quelquefois auffi l'on ftipule en faveur de l'acheteur, qui n'a acheté que pour faire plaifir au vendeur, qu'il pourra, dans un délai preferit, ou quand il lui plaira, rendre la chofe & retirer le prix qu'il en a donné. Le retrait, appellé droit de préférence, eft celui par lequel on ftipule que dans le cas où l'acheteur voudra revendre la chofe qu'il achete, le vendeur ou fes héritiers auront la préférence au même prix que tout autre en donneroit. En bien des pays, ce privilege eft donné par la loi aux propriétaires directs, à l'égard des fonds aliénés à titre emphyteotique, aux créanciers pour les biens de leur débiteur vendus à l'encan; au propriétaire du fond voifin de l'héritage vendu, aux propriétaires d'une chofe commune; aux parens à l'égard des biens d'un parent; & c'eft le retrait lignager.

Quelquefois celui qui vend un héritage, s'en réserve une partie, ou du moins un certain ufage; quelquefois auffi on ne vend une chofe que pour un certain temps, avec convention que ce terme écoulé, le vendeur ou fes héritiers rentreront en propriété de la chofe, de plein droit & fans être obligés de rendre à l'acheteur le prix que celui-ci en a donné.

Telles font les principales conditions ajoutées au contrat de vente, & qui en déterminent la nature; il fuffit de les avoir rapportées, pour avoir fait connoître les engagemens réciproques de l'acheteur & du vendeur.

Il est une autre vente particuliere, c'eft celle par laquelle on vend non une chofe déterminée, mais une espérance probable à laquelle les contractans attachent un prix dont ils conviennent. Telles font les ventes en bloc ou en gros, &c. L'efpérance incertaine peut être vendue & achetée auffi; un chaffeur peut vendre d'avance le produit de fa chaffe future, & le pêcheur ce qui fe trouvera dans le filet qu'il va jeter.

Tout monopole eft odieux & puniffable; mais il ne faut pas confondre

avec le monopole un négoce licite. Une ville qui fabrique des marchandifes qu'on ne trouve point ailleurs, ne fait point un monopole, parce qu'elle eft la feule qui ait & qui vende de cette forte dé marchandifes. Un commerçant navigateur qui, feul, tranfporte des marchandifes d'un pays éloigné, n'eft pas coupable de monopole, parce qu'il eft le feul par lequel on puiffe fe procurer de ces marchandifes. Un peuple voifin d'une nation qui abonde en certaines chofes, foit naturelles ou fabriquées, ne doit pas être accufé de monopole, parce qu'il a traité avec cette nation, que ce feroit à lui feul exclufivement, qu'elle vendroit de ces chofes, qu'il revend à très-grand profit au refte des nations: c'eft par une telle induftrie que la Hollande s'eft enrichie, & avant la Hollande, Venife; il feroit plus ridicule encore, qu'injufte, de donner le nom de monopole au commerce auffi licite que floriffant de ces deux républiques.

DONNER

S. V I.

Du contrat de louage.

ONNER à autrui, moyennant un certain loyer, un certain prix, ou un certain falaire, l'ufage d'une chofe, & fa peine ou fon travail, c'eft faire un contrat de louage. Et comme la vente eft confommée dès l'instant qu'on eft convenu du prix; de même, dès qu'on eft convenu du loyer ou du falaire, le contrat de louage eft accompli.

Les accidens qui furviennent à la chofe louée, & qui empêchent ou diminuent fon ufage, font-ils à la charge du preneur, ou à celle du bailleur à louage? La décifion dépend d'une diftinction que tout le monde eft en état de faire; fi la chofe louée vient à périr fans qu'il y ait de la faute du preneur, celui-ci n'en eft point tenu, & même le loyer ne court plus contre lui du moment que la chofe eft périe: la même décifion a lieu pour tous les cas où le preneur ne peut plus jouir de la chofe qu'il a louée : fi la maifon qu'il occupe à titre de loyer, vient à être renverfée; s'il en eft expulfé par les créanciers du propriétaire, &c. Mais il ne peut fe difpenfer de payer le prix du loyer fous prétexte, par exemple, qu'il n'y trouve pas les commodités qu'il y fuppofoit, ou fi c'eft un bien de campagne, fur ce que la récolte eft moins abondante qu'il ne l'avoit efpéré, &c. De même que le bailleur n'a point droit au profit extraordinaire que le locataire retire d'une récolte extraordinaire, il eft inutile de dire qu'un propriétaire qui, après avoir loué une chofe la reloueroit à un autre, ou en retireroit lui-même les revenus dûs au premier locataire, eft tenu envers celui-ci de tous les profits qu'il a faits, ou de la valeur des revenus qu'il a perçus.

Au refte, le preneur doit jouir en bon pere de famille, & il eft refponfable envers le propriétaire de tout ce qui fe perd ou fe détériore par La faute.

Tome XXVII.

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