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aussi bien volontiers une description des bains et du paysage actuels. Il nous semble même qu'un plan ne serait pas inutile pour aider à l'intelligence du texte. On peut encore peut-être reprocher quelques citations superflues. Quoi qu'il en soit, ce travail est fait avec talent. S'il était complété par l'excellent article que M. Bosvieux a fait imprimer dans notre Bulletin (ve volume) sur les découvertes plus récentes faites dans la même localité; puis, si l'on fondait tout cela avec l'analyse de M. Legrip de Chambon d'une nouvelle source d'eau minérale ferrugineuse, et avec la savante brochure du docteur Ossian Henry sur les propriétés minérales de ces mêmes eaux, il en sortirait aisément un volume à la fois précieux pour les baigneurs et honorable pour la Creuse.

M. Bonnafoux, conservateur du musée et de la bibliothèque de Guéret, s'est chargé de consigner dans le Bulletin que j'analyse toutes les découvertes archéologiques qui concernent la Creuse. Telles qu'elles sont, ces notes n'offrent que l'intérêt qu'on éprouve à lire une nomenclature. On en peut dire autant du travail que le même archéologue intitule Huit jours de vacances, et dans lequel il parle des monuments qu'il a pu rencontrer en parcourant une vingtaine de paroisses. Dans cette course d'antiquaire, M. Bonnafoux s'occupe parfois d'objets peu dignes d'attention. Certains objets s'y trouvent aussi classés d'une manière peut-être trop affirmative. Toutefois ces notes, celles de M. Yves Fesneau sur divers monuments, et la description de quelques monnaies par M. A. Fillioux, sont précieuses, même prises isolément. Mais M. Bonnafoux est plus qu'un pionnier littéraire il sait coordonner et développer, comme l'atteste sa Notice pour servir à l'histoire de la ville de Guéret. Nous espérons bien qu'un jour, après avoir complété ses recherches en parcourant les autres paroisses du département, et après avoir recueilli encore sur chacune d'elles les faits historiques qui sont indiqués dans le savant Pouillé du diocèse, laissé manuscrit par l'ahbé Nadaud, il publiera l'histoire de la Creuse.

M. le docteur Bussière a voulu grouper les faits relatifs au canton de Chatelus. Il entre dans des détails minutieux; puis il suit trop Jouilleton: il faut plus d'originalité. Dans cette dernière étude, nous avons lu avec plaisir et avec intérêt la description des six bassins que forme le département de la Creuse.

Notre distingué collègue M. Bosvieux, archiviste de la Creuse, vient d'enrichir le dernier Bulletin (2e du Ile volume), du Procèsverbal de l'assemblée de l'arrière-ban de la province de la Marche tenue à Guéret le 6 juillet 1553. Ce document historique offre la liste

complète et authentique de la noblesse de la Marche au xvie siècle, et M. Bosvieux l'a fait précéder de quelques pages pour expliquer ce qu'était l'arrière-ban.

Les bulletins de la Société des Sciences naturelles de la Creuse renferment d'autres travaux purement scientifiques.

Le président actuel, M. le docteur Guisard, a raconté les tentatives infructueuses faites, dans un marécage peu distant de Guéret, pour conserver et reproduire les sangsues grises, qui pullulaient autrefois dans les marais, les ruisseaux et les étangs du département, d'où diverses causes les ont fait presque complètement disparaître. M. Pierre de Cessac donne la description de deux variétés de pisidies qu'il croit particulières à la Creuse. Dans une des deux livraisons que nous n'avons pu nous procurer (la 1re de chacun des 2 volumes), probablement dans la re du IIe volume, M. P. de Cessac avait publié le Catalogue des mollusques de la Creuse. Il a signé encore deux articles que nous avons lus avec profit et avec plaisir : 1o une Notice géologique sur le département de la Creuse; 2o une Description géologique du bassin houiller d'Ahun. Nous regrettons de n'avoir pu comparer la première de ces deux dernières études avec celle qu'avait donnée, sur le même sujet, dans le 1er Bulletin du Ier volume, M. Furgaud, dont les affirmations sont d'autant plus précieuses qu'il a vieilli dans notre contrée.

MM. Pailloux, P. Filloux, G.-E. Monnet et Télémaque de Cessac ont formé le Catalogue des plantes de la Creuse. Ce catalogue a plus d'intérêt qu'on ne pourrait croire. Sans doute, comme le dit judicieusement mon vieil ami Télémaque de Cessac, nos plantes sont très-bien décrites dans l'excellent ouvrage de M. Boreau; mais on se ferait une idée fausse de la végétation dans notre département si on voulait la juger par celle du centre de la France en général. En effet un grand nombre d'espèces que la flore de Boreau indique comme communes ou très-communes dans ce vaste rayon manquent ou tout-à-fait ou presque absolument dans la Creuse, tandis que d'autres abondent sur nos montagnes, et sont très-rares dans les contrées voisines. Le jeune botaniste fait donc espérer pour son catalogue complet 1° une distinction graduée entre les plantes qui croissent partout et celles qui n'ont que des stations restreintes; 2° afin que les médecins et les paysans du pays puissent mieux s'entendre, les noms vulgaires des végétaux, non pas tels qu'on les prononce d'ordinaire, mais tels qu'ils sont admis dans la Creuse, où, par exemple, le glécome ne se nomme point lierre terrestre, mais bien herbe de Saint-Jean; 3o même les plantes cultivées, dont plusieurs sont déjà naturalisées dans la Creuse :

seulement elles recevront un signe qui étrangère.

marquera leur origine

Enfin la Société des Sciences naturelles de la Creuse a facilité à M. Coudert de Lavillatte l'impression de la Vie de saint Pardoux, où l'on trouve le texte de deux manuscrits de la bibliothèque impériale, l'un du viire, l'autre du XIIe siècle.

Messieurs, comme je tiens à rendre à mon pays tout l'honneur possible, permettez-moi de signaler, en terminant, un livre publié en dehors de la Société scientifique de la Creuse, et qui néanmoins s'y rattache, parce que c'est à ses membres qu'on doit la plupart des articles qui le composent: je veux parler de l'Album historique ET PITTORESQUE de la Creuse, édité, en 1847, par un artiste de talent, M. Langlade. Beaucoup de départements plus riches et plus illustres n'ont rien à comparer à ce beau volume in-4o, imprimé avec soin, et orné de vignettes et de lithographies qui représentent les divers monuments de la Creuse, et à la rédaction duquel ont pris part nonseulement trois de nos collègues des plus connus, MM. Arbellot, Texier et Vedrine, mais encore MM. Hippolyte Grellet, Félix Lecler et Alfred Rousseau, que leurs travaux littéraires ont distingués ailleurs que dans leur pays natal.

Quand, grâce aux éléments nombreux et nouveaux qu'a recueillis la Société des Sciences naturelles et d'Antiquités de la Creuse, on aura élevé, pour chaque localité de ce département, un modeste monument historique; surtout quand une mise en œuvre habile aura produit l'histoire complète de la Creuse, peut-être tous les lecteurs parleront-ils de notre pays mieux encore que M. Bonnafoux, qui déjà rend ce glorieux témoignage :

« Une surface si riche en débris de l'antiquité, et sur laquelle, indépendamment de plusieurs villas reconnues et de nombreux tombeaux de personnages distingués que l'on découvre chaque jour, on rencontre une cité gauloise (Toull), et peut-être deux villes galloromaines (Brède et La Bussière), ce pays a certainement dû jouer un rôle important dans l'histoire des temps antiques.» (Bulletin de 1847, page 84.)

Quand cette histoire complète de la Creuse aura paru, on comprendra parfaitement les services rendus à l'histoire par la Société des Sciences naturelles et d'Antiquités de la Creuse; mais déjà ses services sont réels : elle remplit consciencieusement le rôle honorable qu'elle s'est imposé, d'arracher à l'oubli de précieux fragments historiques, et de conserver sinon les monuments semés sur notre sol, du moins leur souvenir: « Custos ne pereant. »

L'abbé ROY-PIERREFITTE.

SÉANCE GÉNÉRALE DU 25 FÉVRIER 1856.

Présidence de M. Alluaud ainé.

Etaient présents: MM. Alluaud aîné, président; Astaix; Chapoulaud (Roméo); de Crossas; Saint-Germain; Lemaistre; Marévéry; Péconnet (Othon); Roy-Pierrefitte; Emile Ruben.

La séance est ouverte à huit heures moins un quart. La Société s'occupe des réclamations de M. Larue-Dubarry relativement à certaines armes déposées au musée, et que celui-ci avait prétendu n'y figurer qu'à titre de dépôt. La Société avait décidé dans sa dernière séance que les armes ne seraient rendues au soi-disant dépositaire que contre la représentation d'un récépissé constatant 'le dépôt. M. Larue-Dubarry, depuis le jour où ce parti fut adopté par la Société, a proposé une transaction: il s'est borné à réclamer deux yatagans, abandonnant ainsi au musée la pleine propriété des autres objets provenant de lui; de plus il a offert, en échange des deux yatagans demandés, deux miniatures assez finement peintes. La Société a déclaré accepter la transaction proposée par M. Dubarry, et a ordonné la restitution des armes indiquées; mais en même temps elle a déclaré de la façon la plus énergique que la propriété des objets déposés au musée était irrévocablement acquise par cet établissement lorsque les noms des donateurs étaient inscrits dans le Bulletin archéologique. Il a été convenu que les dépôts ne seraient reçus à l'avenir qu'avec la plus grande réserve; qu'il en serait retiré un certificat formel, dont la représentation serait rigoureusement exigée à toutes les réclamations du dépositaire. La Société a en outre déclaré qu'elle n'entendait nullement approuver la conduite de M. Larue-Dubarry, et qu'elle acceptait avec regret une transaction, se réservant d'user de toute la rigueur du droit si de pareils débats se reproduisaient à l'avenir.

M. Charreyre écrit à M. le président de la Société Archéologique, et s'excuse de ne pouvoir, à cause de son état de maladie, faire la lecture portée à l'ordre du jour. Elle est renvoyée à la prochaine

séance.

Il est donné lecture à la Société d'un très-important travail de M. Maurice Ardant sur Léonard Limosin, le célèbre émailleur. Né à Limoges, vers 1505, d'un père d'assez basse extraction, Léonard

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passa sa jeunesse dans la maison de ses parents, et eut pour maître dans son art un émailleur que M. Maurice Ardant suppose avoir été Léonard Pénicaut dit Nardou. Il fit en 1528 le voyage de Paris, fut admis à l'école de Fontainebleau, et se voua dès lors exclusivement à l'émaillerie. Vers 1532, il fut admis à la cour de François Ier, qui lui commanda divers travaux importants. Depuis cet instant jusqu'à sa mort, Léonard Limosin ne cessa de produire des émaux qui jouissaient d'une faveur prodigieuse. Le biographe a rangé par ordre chronologique les œuvres les plus importantes de cet artiste actif et fécond, et dont le talent se ployait sans efforts aux genres les plus divers. Les émaux que Léonard composa dans la première partie de sa carrière dénotent tous un nouveau progrès dans son art. D'abord ilimitait la peinture allemande; mais bientôt, lorsqu'il se trouva en contact avec les peintres italiens que François Ier avait appelés à sa cour, son style s'éleva; son dessin devint plus correct, et son coloris plus brillant. Le plus souvent il traitait des sujets religieux. Toutefois, vers 1535, il sacrifia au goût de l'époque, et les fables mythologiques sollicitèrent son attention, et il se plut vers ce temps à peindre en grisaille, et à diverses reprises, l'histoire des amours de Psyché.

A la mort de François Ier, Henri II entoura Limosin de la même faveur. Vers 1548, il peignit ce roi, sur camaïeu bleu rehaussé d'or, allant à la chasse, et tenant en croupe la belle Diane de Poitiers. Son talent était alors parvenu à son apogée. Il donna successivement, vers 1554, le portrait de Claude de France, fille de Louis XII, d'Anne de Bretagne, du duc de Montpensier, d'Eléonore d'Autriche, etc. Vers cette même année, il tomba en disgrâce, et il occupa une partie de ses loisirs à peindre sur bois un tableau représentant l'apparition de notre Seigneur Jésus-Christ à saint Thomas et aux apôtres, tableau dans lequel saint Thomas est représenté sous les traits de François Ier. Cet ouvrage, dont M. Maurice Ardant a donné une description minutieuse, se voyait encore, en 1765, à l'église de Saint-Pierre-du-Queyroix.

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Vers 1552, Léonard rentra en faveur. Henri II lui commanda divers ouvrages des plus importants. On distingue entre eux fontaine émaillée d'un demi-mètre de hauteur, représentant Apollon et les Muses. Au centre se trouvaient groupées des tiges de fleurs, du calice desquelles les eaux s'épanchaient. A cette époque, Léonard peignait indifféremment les scènes de la Passion, les anges et les apôtres et les histoires d'amour, les rois, les seigneurs, et surtout Diane de Poitiers. Tantôt il la peignait en déesse; tantôt il dissimulait ses charmes sous d'amples draperies; tantôt, au contraire, il la laissait paraître dans la plus grande nudité.

François II et Charles IX continuèrent à entourer Limosin de la même faveur; mais son talent entrait alors en pleine décadence. M. Maurice Ardant a fait assister le lecteur à cette seconde période de la vie du célèbre émailleur. Il a fait connaître ses divers travaux, et enfin il a placé sa mort vers 1575. M. Maurice Ardant, arrivé à la fin de cette existence si remplie, a donné quelques détails sur les

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