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Pierre le Scolastique. Nous avouons qu'il nous eût été plus facile de publier intégralement le manuscrit de cet ouvrage que d'en aller glaner péniblement cà et là les débris épars et les feuillets déchirés. Ces fragments sont bien incomplets sans doute; mais ce n'est que dans notre travail qu'on en trouvera le recueil. Si ce poète est peu remarquable par le côté littéraire, il est recommandable à d'autres titres : c'est un écrivain limousin de plus, le seul versificateur latin et un des plus anciens du moyen-âge. Puis on trouve dans l'ensemble des indications précieuses qu'on chercherait vainement ailleurs. Les vers relatifs à l'ancienne Vie de saint Martial et quelques autres fragments nous paraissent du plus haut intérêt pour l'archéologie limousine.

L'abbé ARBELLOT,

Curé, Archi prêtre de Rochechouart.

SUR M. AUGUSTE DU BOYS,

Lue à la séance du 1er septembre 1856.

MESSIEURS,

Au milieu de nous une place est vide ce soir.

M. Auguste Du Boys avait à peine dépassé le seuil de l'âge mûr lorsque la mort l'a ravi à notre amitié. Vous avez tous suivi son convoi funéraire, et la douleur de sa famille a trouvé dans vos cœurs de sympathiques échos. Néanmoins vous prendrez sûrement un mélancolique plaisir à voir évoquer une fois encore devant vous la bienveillante et laborieuse figure du collègue que nous avons perdu. Aujourd'hui nous pouvons parler librement de lui, de son caractère et de ses travaux. Venus avant sa mort, nos éloges eussent embarrassé sa modestie.

M. Auguste Du Boys naquit le 29 octobre 1818. Vous savez aussi bien que moi quelle considération entoure la famille dans laquelle le hasard de la naissance avait fait entrer notre ami, et combien elle renferme en son sein d'honorables traditions.

Dès son adolescence, M. Auguste Du Boys donna des preuves de ce goût pour la science qui paraissait en lui presque un instinct, et les dispositions studieuses qu'il manifesta de bonne heure ont persisté chez lui à travers tous les accidents de la vie. Elles n'ont même atteint leur complet développement que pendant la lutte prolongée qu'il a soutenue contre la mort.

En 1840, la ville de Limoges avait fondé une chaire de chimie appliquée aux arts. M. Bigourdan, chargé de vulgariser dans notre industrieuse cité une science qui était alors le domaine de quelques rares esprits, s'attacha M. Du Boys, et en fit son préparateur. Aidé d'un condisciple, l'élève recueillit les leçons du maître, et fixa, dans un livre plein de clarté et de méthode, des notions qui, sans lui, eussent été fugitives comme les paroles du professeur.

Mais, à cette époque de la vie, ce cœur que vous avez vu si accessible aux joies paisibles de la famille s'était ouvert à des pensées

dont plus tard il reconnaissait volontiers le néant. L'imagination de notre ami l'avait transporté jusqu'à ces sphères idéales dans lesquelles à vingt ans les rêves et les réalités se confondent. Il en fait lui-même le naïf aveu dans une page inédite qu'il m'a été donné de lire, page imprégnée d'un indicible parfum de jeunesse. « Les » oiseaux, dit-il, ont des ailes pour voler, l'homme a une âme » pour désirer, et le monde va où le mène l'espérance. Espérons » donc, et allons! » Et plus loin il ajoute : « J'avais le mal de >> l'inconnu, comme d'autres ont le mal du pays ». La terre d'Afrique surtout l'attirait par un charme irrésistible. Il partit comme aidemajor d'un chirurgien militaire, et, le 4 novembre 1842, il foulait la plage d'Alger.

Chacun de vous a pu lire le journal de son séjour en Afrique, récit dans lequel les fantaisies humoristiques se mêlent aux considérations élevées, et dont la manière tour à tour familière et grave rappelle si fidèlement les causeries de celui qui n'est plus. Le 21 janvier 1845, M. Auguste Du Boys était de retour en France. Deux mois plus tard, la Faculté de Montpellier lui décernait un diplôme de pharmacien de première classe, et il revenait mener au milieu de nous l'existence recueillie qui n'a pu le soustraire à la mort, « Le sol natal, a-t-il dit dans les pages dont je citais tout à >> l'heure quelques lignes, m'attirait par un charme indéfinissable, » et ne me permettait pas de l'oublier.... Je préfère aujourd'hui le » bonheur tel qu'il est et la gloire que donnent le mérite et la » vertu.... » Et plus bas il ajoute « Quand on voyage seul, on » s'ennuie on n'est heureux qu'à demi lorsque l'on n'a personne à >> qui l'on puisse communiquer les sentiments que l'on éprouve; et » j'étais presque toujours seul! »

Bientôt une jeune femme, en unissant sa destinée à celui qu'elle pleure aujourd'hui, fit cesser sa solitude. Il ne tarda pas à connaître les attachantes sollicitudes de la paternité; et depuis lors vous savez comment il a vécu, se délassant de ses occupations journalières par ses enfants, ces délices de son cœur, et par ses études, cette sévère distraction de son esprit.

Ses travaux étaient multiples, un moment même les fonctions municipales l'attirèrent elles ne purent le fixer. Mais l'archéologie surtout sut le retenir à elle par des charmes tout-puissants. C'est par elle que beaucoup d'entre nous ont noué avec lui des relations qui devenaient de jour en jour plus intimes, et se transformaient bien vite en une étroite amitié. C'était pour M. Du Boys presque un bonheur d'initier les autres à cette science aride dans ses

commencements, et dans laquelle il avait profondément pénétré. La supériorité le laissait sans envie, et il avait pour l'ignorance des conseils et non des railleries.

Dois-je parler avec détail de ses travaux divers dans une Société au sein de laquelle il a vécu, et qui a pu juger à chacune de ses séances de la sûreté et aussi de l'étendue de son érudition? Vous l'aviez nommé secrétaire, et je ne vous dirai pas avec quel zèle il remplissait les fonctions qu'il avait reçues de vous je craindrais de paraître penser que vous l'avez oublié déjà. Enumérer toutes les questions délicates qu'il éclaira serait une œuvre difficile: permettezmoi seulement de rappeler à vos souvenirs ses Vies de Bugeaud et de Latreille, insérées dans la collection de M. Albert; son édition des poésies de Jacques Dorat; ses notices sur les médecins de l'ancienne province du Limousin publiées dans les Bulletins de la Société médicale de la Haute-Vienne; ses biographies des hommes célèbres de notre pays, œuvre capitale que sa mort laisse inachevée, et dont l'éminent collaborateur de M. Du Boys voudra sans doute nous donner la fin.

C'est ainsi, Messieurs, que vivait celui qui n'assiste pas à votre séance ce soir, et que vous n'y reverrez jamais.

Depuis long-temps une maladie mystérieuse épuisait ses forces et amaigrissait ses traits. La science avait été impuissante à combattre un ennemi qui trahissait sa présence par un affaiblissement continu plutôt que par des douleurs. Les amis de M. Du Boys se prirent à trembler. Lui-même avait parfois comme l'intuition de sa fin prochaine, et se laissait aller à de mélancoliques épanchements. Mais bientôt le sourire et les paroles bienveillantes revenaient à ses lèvres. Peut-être avait-il peur d'attrister les autres.

Long-temps il a lutté contre le mal, qui l'envahissait chaque jour davantage. La jeunesse a tant de force à opposer à la mort ! Nous l'avons tous rencontré se promenant à pas lents, et redemandant à la chaleur du soleil les forces qu'il avait perdues.

Enfin il a fallu mourir! Le 16 août, nous avons marché derrière son cercueil. Il ne restait rien de ce jeune ménage, si plein naguère de joie et d'union, qu'une veuve et des orphelins !

Et nous, Messieurs, nous avions perdu un homme d'intelligence, un ami dévoué, un noble cœur !

O. PÉCONNET.

SUR

LA BIBLIOTHÈQUE COMMUNALE

DE LIMOGES.

S1. Bibliothèques particulières.

Avant 1789, il y avait, dans le Limousin, un assez grand nombre de bibliothèques appartenant aux couvents ou à des particuliers lettrés. Quelques-uns de ces dépôts étaient importants, entre autres ceux du séminaire et du collége des Jésuites de Limoges; mais aucun n'était public.

Les actes législatifs de la révolution, en ordonnant la suppression des communautés religieuses et la vente du mobilier qui s'y trouvait, firent toutefois exception en faveur des archives, livres, manuscrits, médailles et autres objets scientifiques.

L'article 5 des lettres-patentes du 26 mars 1790 prescrivait aux officiers municipaux « de se transporter dans toutes les maisons religieuses du territoire; de se faire représenter tous les registres et comptes de régie, de les arrêter..., et de dresser, sur papier libre et sans frais, une description sommaire de l'argenterie, argent monnayé, des effets de la sacristie, bibliothèque, livres, manuscrits, médailles, et du mobilier le plus précieux de la maison, en présence de tous les religieux, à la charge et garde desquels ils devaient laisser lesdits objets ».

Cette expression de « description sommaire » appliquée aux archives, livres et manuscrits, n'avait pas, à proprement parler, de signification. L'art. 5 faisait la part trop belle à la précipitation et à l'ignorance révolutionnaires. On ne saurait décrire une bibliothèque en quelques mots, et la loi, demandant une description sommairelà où il eût fallu un inventaire bien détaillé, ne prenait en réalité aucune mesure efficace pour conserver des richesses dont on commençait à reconnaître si bien le prix que déjà on songeait à les cen

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