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l'étranger et dans une langue étrangère ou en Belgique, la révélation de ce procédé l'ayant fait connaître, et se trouvant incompatible avec un brevet d'invention qui suppose nécessairement une découverte ; ·

« Attendu que l'expertise demandée respectivement par les parties est de nature à exercer une influence sensible sur la déci sion de la cause;

Par ces motifs, la Cour, ouï les conclusions conformes de M. Lecocq, subst. du pr. gén., sans avoir égard à l'exception d'incompétence, met l'appel et ce dont est appel au néant, en ce que le jugement a quo, se déclarant incompétent, a rejeté dès à présent la demande en nullité ou déchéance formée par l'appelant, ainsi que la preuve par lui offerte; émendant sur ce point, admet, avant faire droit, l'appelant à prouver, tant par titres que par témoins, que le n° 851 du Mechanic magazyn, contenant la description d'un poêle nommé propers patent, chauk strove, a été publié à Londres le 30 nov.1839, libre aux intimés de faire la preuve contraire; délègue......; confirme le jugement rendu en première instance, en ce qu'il ordonne l'expertise provoquée par les intimés...; ordonne la restitution de l'amende; l'exécution du présent arrêt appartiendra au tribunal de première instance de Liége; dépens réservés.»

Deux moyens de cassation sont proposés, le premier contre la disposition qui écarte l'exception d'incompétence, le deuxième contre la disposition qui admet le défendeur à prouver le fait posé par lui. A l'aide de ces moyens, les demandeurs concluent à la cassation, au renvoi devant une autre Cour d'appel, à la restitution de l'amende, à la condamnation du défendeur aux dépens.

Celui-ci oppose au pourvoi, dans son ensemble, une fin de non-recevoir tirée de ce que l'arrêt ne serait que préparatoire, il combat d'ailleurs les moyens de cassation, et conclut à ce que le pourvoi soit déclaré,quant à présent, non recevable, subsidiairement non fondé,et rejeté avec indemnité et dépens. Voici l'analyse des moyens d'attaque et de de défense.

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s'immiscer dans l'exercice de cette prérogative, mais le pouvoir administratif ne l'exerce que sous la réserve des droits des tiers. Cette réserve est l'objet de l'art. 2 de la loi du 25 janvier 1817.

La partie poursuivie en justice pourra, le cas échéant, puiser dans cet article une exception qui repoussera l'action du breveté. Mais ce n'était pas assez d'avoir pourvu à la garantie des intérêts privés, l'intérêt public pouvait aussi réclamer du gouvernement le retrait ou l'annullation d'un brevet qu'il aurait accordé, et l'art. 8 lui en assure la faculté.

La différence de rédaction est saillante entre ces deux articles. Dans le cas de l'article 2, le brevet est nul, est inopérant de plein droit; dans les cas prévus à l'art. 8, l'annullation doit être prononcée, et les causes qui y donnent lieu sont telles qu'elle ne peut être déclarée que par l'autorité dont émane le brevet. On peut s'en convaincre en parcourant les §§ a, b, c, e de l'art. 8; l'éventualité prévue par ce dernier paragraphe ne rentre-t-elle pas exclusivement dans les attributions du gouvernement?

Le règlement du 26 mars 1817, fait pour l'exécution de la loi du 25 janvier même an née, n'est pas moins décisiť. Traçant la forme du brevet, l'art. 6 porte qu'il mentionnera expressément que le gouvernement ne garantit en rien ni la priorité ni le mérite de l'invention, et qu'il se réserve la faculté de déclarer le brevet nul pour les causes indiquées à l'art. 8 de la lui.

A l'appui de ces considérations, les demandeurs citent la doctrine conforme professée par l'auteur du Répertoire administratif, mot Brevet d'invention, § 3, no 5. Ils transcrivent dans la requête le passage de cet ou vrage, et s'étonnent que la Cour de Liége ait pu méconnaître des principes qui leur paraissent à eux si simples et si justes.

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2me Moyen: · Violation des art. 1, 2, 6 et 8 de la loi du 25 janvier 1817.

Le motif de l'admission à preuve est qu'une publication antérieure faite à l'étran ger aurait fait tomber l'objet du brevet dans le domaine public. Or cette supposition renverse tout le système de la loi de 1817, qui accorde des brevets d'invention à ceux qui, les premiers, introduisent ou mettent en œuvre dans le pays des inventions ou perfectionnements faits à l'étranger; l'art. 1o le dit en toutes lettres, l'art. 8, § b, doit être mis en harmonie avec ce principe fondamental de la loi, et la Cour l'a ainsi jugé par un arrêt du 5 déc. 1838 (Jur. de B., 1839, 1, 85).

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Réponse du défendeur au 1a moyen. Après avoir développé la fin de non-recevoir qu'il oppose au pourvoi, le défendeur présente contre les moyens de cassation une réfutation qui peut se résumer ainsi :

Pour étayer leur système, les demandeurs sont obligés d'imaginer une distinction entre le cas où la concession d'un brevet blesse des droits acquis à un particulier et le cas où elle porte atteinte à l'intérêt général. Ils appliquent au premier cas l'art. 2, au second cas l'art. 8, et ils n'admettent que dans le premier l'intervention des tribunaux.

Cette distinction est insoutenable, elle est repoussée par l'art. 2 lui-même. Si, d'après cet article, il est certain que celui dont les droits antérieurement acquis sont lésés par un brevet postérieur peut agir devant les tribunaux pour la conservation de ses droits, il ne l'est pas moins que tout individu, breveté ou non, est recevable à exciper, quand son intérêt l'exige, de la nullité établie par l'article 2.

Pourquoi les tribunaux, alors compétents, ne le seraient-ils plus quand il s'agit des nullités prévues à l'art. 8?

On prétend que cela résulte de la rédaction différente des articles; que, d'un côté, la nullité existe de plein droit, que, de l'autre, elle doit être prononcée : mais on se fait illusion, car la nullité de plein droit, pour opérer, a besoin d'être constatée et déclarée tout aussi bien que l'autre. Les termes de l'art. 2 ne restreignent pas plus aux tribunaux la faculté de l'appliquer que la rédaction de l'art. 8 n'en réserve l'application au gouvernement.

Ce dernier article indique les cas où le gouvernement, par une mesure générale, dans l'intérêt de tous, pourra retirer ou annuler le brevet, mais rien n'empêche que les mêmes causes de nullité soient admises en jugement relativement aux parties plaidantes. Si, par exception, l'une de ces causes sortait de l'appréciation permise aux juges, leur compétence s'arrêterait là, sans qu'on pût rien en conclure pour les autres causes, mais aucune des hypothèses de l'article 8 n'est de nature à échapper à leur juridiction.

Le défendeur passe ici en revue les cinq paragraphes de l'art. 8, puis examinant l'opinion émise dans le Répertoire administratif, opinion fondée uniquement, dit-il, sur une entente défectueuse du règlement du 26 mars 1817, il y oppose l'opinion contraire de l'auteur du recueil belge des lois et règle

ments sur les brevets d'invention.

Il ajoute que la jurisprudence confirme cette dernière doctrine. Il cite un arrêt de cette Cour comme ayant implicitement reconnu la compétence des tribunaux le 5 déc. 1838, deux arrêts rendus par la Cour de cassation de France les 21 avril 1824 et 7 janvier 1828.

Il invoque enfin l'art. 92 de la Constitution, qui place dans le ressort des tribunaux les contestations qui ont des droits civils pour objet, et il fait remarquer que, dans l'espèce, la nullité du brevet était opposée comme défense à une demande tendante à la confiscation des marchandises du défendeur, et à sa condamnation à 5,000 fr. de dommages et intérêts.

Réponse au 2me moyen. L'introduction en Belgique d'un procédé industriel mis en couvre à l'étranger peut incontestablement, à certaines conditions, donner lieu à un brevet, mais à un brevet d'importation, et nullement à un brevet d'invention. La loi a distingué les deux espèces, et il est aisé de le reconnaître. Or c'est un brevet d'invention que l'auteur des demandeurs a obtenu. Une invention suppose une découverte, une combinaison nouvelle faite en Belgique; si l'objet de cette découverte n'est pas nouveau, s'il était décrit dans quelque ouvrage déjà imprimé et publié, fût-ce en pays étranger et dans une langue étrangère, le brevet doit être déclaré nul. Ainsi le veut la généralité des termes du § b de l'art. 8.

Tel est le résumé des moyens respectivement employés pour soutenir et combattre le pourvoi sur lequel la Cour devait pro

noncer.

Conclusions de l'officier du parquet :

Si le droit de propriété est de droit naturel, c'est à la loi civile qu'il appartient de déterminer les moyens de le protéger, de le ga rantir.

La propriété littéraire, la propriété des inventions relatives aux procédés à employer dans l'industrie, avait un caractère spécial qu'il a fallu prendre en considération pour en limiter la durée, pour prescrire le mode de son exercice.

Le droit exclusif qui résulte d'un brevet est subordonné à certaines conditions; par cela même qu'il apporte des restrictions à l'industrie d'autrui, il constitue un privilége dont l'existence dépend de conditions qui doivent être strictement accomplies.

Du brevet résulte un droit de propriété,

un droit civil, qui a pour corrélatif nécessaire l'atteinte portée à la liberté industrielle d'autrui.

La création du droit civil de propriété en faveur du breveté est la suppression du droit d'autrui à recourir à ce même procédé, objet de l'invention.

D'après la loi spéciale du 25 janvier 1817, n° 6, les brevets d'invention donnent au breveté le droit de poursuivre devant les tribunaux ceux qui porteraient atteinte au droit exclusif qui leur aura été accordé et de procéder contre eux en justice à l'effet d'obtenir la confiscation à leur profit des objets confectionnés.........

Pour qu'il y ait lieu à confiscation, à dommages-intérêts, il faut qu'il y ait contrefaCon..., pour qu'il y ait contrefaçon, il faut qu'il y ait atteinte au droit exclusif dérivant d'un brevet, et que le brevet soit à l'abri de Loute contestation, soit tel qu'il confère au breveté le droit exclusif qui en forme l'objet.

Diverses conditions sont apposées par le législateur à la validité d'un brevet d'invention.

Dans son art. 2 la loi du 25 janvier 1817 consacre un principe qui préexistait à son insertion dans cette loi.

Les actes gouvernementaux de l'espèce ne sont jamais accordés que sauf les droits des tiers, il est donc écrit dans l'art. 2 de la loi : < La concession des brevets d'invention se fera sans préjudice des droits acquis d'un tiers. »

Ainsi entre deux brevets accordés successivement pour le même objet, le privilége est maintenu à celui qui le premier a eu droit acquis à ce privilége. Voilà la première conséquence du principe.

Mais le privilége a en outre pour condition essentielle qu'il s'agisse d'une chose nouvelle, d'une chose inventée.

L'article ajoute en conséquence: « la concession sera nulle, s'il est prouvé que l'invention ou le perfectionnement pour lesquels quelqu'un a été breveté ont été employés, mis en œuvre ou exercés par un autre dans le royaume avant l'obtention du brevet. »

Alors, en effet, il n'y a plus invention, création d'un procédé nouveau, d'une chose nouvelle, puisque cette chose, ce procédé, étaient déjà connus, déjà mis en œuvre dans le pays.

La mise en œuvre dans un pays voisin n'est pas exclusive du privilége que l'on peut obtenir en Belgique à raison de ce même

procédé; on obtient alors la récompense du mérite que l'on peut avoir pour faire jouir la Belgique d'un procédé, objet d'un privilége résultant de l'invention faite à l'étranger.

L'art. 1er de la loi du 25 janvier 1818 dit en conséquence que des droits exclusifs peuvent être accordés à ceux qui les premiers introduiront ou mettront en œuvre dans le royaume une invention ou un perfectionnement fait à l'étranger.

C'est le brevet d'importation, c'est-à-dire la communication à la Belgique d'une chose restée encore privilégiée à l'étranger.

Mais pour qu'il y ait justice dans la collation du privilége accordé à l'importateur, il faut qu'il y ait quelque mérite à avoir fait l'importation; sans cette idée de récompense méritée on ne comprend plus le privilége.

Aussi lisons-nous dans l'art. 8 de la loi du 25 janvier 1817:

« Un brevet d'invention sera déclaré nul:

b, S'il paraissait que l'objet pour lequel un brevet aurait été accordé fût déjà décrit antérieurement à cette époque dans quelque ouvrage imprimé et publié. »

La connaissance de ce procédé encore nouveau on peu répandu dans le pays étranger ne mérite aucunement d'être récompensée, l'acte méritoire n'est plus que d'avoir su lire; il n'y a plus là matière à privilége.

En pareil cas d'ailleurs les formalités du dépôt, telles que les prescrit l'art. 7 de la loi, deviendraient superflues. Il serait beaucoup plus simple d'envoyer le livre ou le journal qui renferme la description du procédé.

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Nous n'avons pas à examiner dans quelles circonstances le privilége peut être accordé el maintenu, cela tient au fond du litige. Devant la Cour de cassation le débat porte uniquement aujourd'hui sur une question de compétence.

Le débat s'agite entre deux porteurs de brevet d'invention, ce qui laisse en dehors du procès toute question relative aux brevets d'importation.

Les demandeurs revendiquent la priorité de leur brevet.

La partie défenderesse soutient que le procédé, étant connu à l'étranger, ne pouvait être l'objet d'un brevet d'invention.

Les tribunaux peuvent-ils connaître de la validité du brevet accordé dans de semblables circonstances?

Est-ce au pouvoir administratif seulement

qu'il est réservé de statuer sur un pareil conflit?

Mais d'abord la partie demanderesse ellemême n'hésite pas à reconnaître que, dans les deux hypothèses prévues à l'art. 2 de la loi du 25 janvier 1817, les tribunaux seraient nécessairement compétents, c'est-à-dire dans le cas où la lutte s'établirait entre deux personnes se prétendant brevetées pour le même procédé, dans le cas aussi où le procédé aurait été mis en œuvre dans le royaume avant la concession du brevet, et pourquoi? Parce que le débat porterait alors d'emblée sur des droits de propriété.

En effet, comme nous avons débuté par le dire, celui qui prétend au privilége réclame le côté utile d'un privilége, constitutif pour lui d'une propriété et d'un droit civil. Celui qui résiste, qui soutient que le droit de privilége n'existe pas, revendique de son côté le droit de fabriquer et de vendre, qui constitue aussi dans son chef un droit civil, le débat s'agite alors sur le terrain du droit privé entre deux droits individuels, qui sont tous deux présentés comme droits acquis, et qui n'engagent en rien les rapports du citoyen avec le corps politique, avec le gouvernement, avec l'État.

S'il en est ainsi pour le cas où le prévenu de contrefaçon se borne à dire votre brevet est nul, car le procédé était employé en Belgique avant qu'il vous fut accordé; pourquoi ce prévenu ne pourrait-il se défendre devant le même juge en disant: votre brevet est nul, car votre procédé était décrit antérieurement dans un ouvrage publié et imprimé.

La défense a-t-elle ici un autre caractère, apporte-t-elle une modification à la nature du débat? Le litige a-t-il alors une nature politique, à laquelle il était étranger, quand le défendeur, assigné en contrefaçon, se bornait à dire votre brevet est nul, car le procédé était employé précédemment en Belgique ?

Dans les deux cas ce défendeur ne dit-il pas: la condition d'invention n'existe pas.

Quel est donc le droit des tiers, intéressés à lutter contre un privilége auquel un autre prétend? Mais c'est le droit de prétendre que ce privilége n'existe pas, parce qu'il n'a pas les conditions requises pour son existence, et si ce droit du public, qui revendique la liberté d'industrie, est sauvegardé par les tribunaux quand le procédé était précédemment employé en Belgique, comment n'aurait-il pas la même sauvegarde quand on soutient que le procédé était précédemment décrit et publié ?

Ce qui, relativement à la compétence, est vrai pour une hypothèse est également vrai pour l'autre.

Nous comprenons fort bien qu'à titre d'administrateur, le gouvernement révoque dans certains cas, et dans les cas prévus à l'art. 8 de la loi du 25 janvier 1817, un brevet qu'il aurait accordé; mais de ce que le gouvernement aurait semblable faculté, faut-il en conclure que les tribunaux n'auraient pas le droit de ne pas respecter un arrêté de concession de brevet quand ce brevet aurait été accordé en dehors des conditions légales?

De quoi s'agit-il en effet? D'un privilége dont l'octroi est subordonné à certaines conditions déterminées.

Quand le privilége est accordé en dehors de ces conditions, il est illégalement accordé.

Il faut donc bien que, quand les tribunaux sont saisis de la question de savoir si le privilége est ou n'est pas existant, ils puissent apprécier la question de légalité du privilége.

C'est un droit qui leur est formellement assuré par l'art. 107 de la Constitution.

Supposons qu'une mine déjà concédée fût l'objet d'une concession nouvelle en faveur d'un tiers, qui hésiterait à reconnaître que, conformément à ce texte de la Constitution, les tribunaux n'auraient pas à respecter ce second arrêté de concession? supposons qu'un acte de concession porte sur le minerai de fer d'alluvion, exploitable à ciel ouvert, les tribunaux seront-ils incompétents pour défendre le propriétaire du sol contre cet abus de l'acte administratif? La question s'est présentée devant vous, et vous l'avez résolue dans le sens de la compétence du pouvoir judiciaire, et pourquoi? Parce qu'il s'agissait là d'un débat portant sur des droits civils, parce que, d'après leur essence, les actes de l'administration de l'espèce ne sont posés que salvo jure tertii, et cela est d'autant plus vrai dans la cause actuelle que le législateur, dans l'art. 2 de la loi du 25 janvier 1817, a pris soin de faire réserve des droits des tiers.

Cette loi n'a donc pas dit que les tribunaux n'auraient point compétence pour décider la question que le pourvoi soulève, mais elle l'eût dit qu'encore, et conformément à l'article 107 de la Constitution, combiné avec l'art. 92, il faudrait considérer que le principe aurait été constitutionnellement modifié.

Aussi la question d'incompétence des tribunaux ne fût-elle agitée ni dans l'espèce sur laquelle fut rendu votre arrêt du 5 décembre 1858, ni dans celle sur laquelle était rendu,

le 15 janv. 1847, un autre arrêt par la Cour de Liége (1).

Le 1 août 1849, la Cour de Bruxelles allait même plus loin en portant la décision suivante (2):

Les tribunaux connaissent, comme de tout autre débat sur un droit civil, de la déchéance résultant du retard apporté à l'exploitation du brevet. »

Or il s'agissait là d'une condition apposée par l'art. 8 de la loi du 25 janvier 1817.

En proclamant sa compétence, la Cour de Liége n'a donc pu contrevenir aux divers textes cités à l'appui du 1er moyen (3).

A l'occasion du premier moyen nous venons de voir que la Cour de Liége avait reconnu sa compétence pour décider une question de déchéance de brevet.

Par suite du principe ainsi posé elle avait à examiner le mérite de la décision frappée d'appel.

Par cette décision le tribunal de Liége, considérant le brevet comme valable tant que la déchéance n'en était pas prononcée par le gouvernement, rejeta l'exception de nullité, et ordonna une expertise pour vérifier s'il y avait contrefaçon. ly

Par son dictum le tribunal a définitivement statué sur l'exception, car il s'est ainsi exprimé : « Le tribunal déclare le défendeur non recevable dans la demande de nullité. »

Si la Cour eût confirmé cette décision, il est évident qu'elle eût statué définitivement sur l'exception; si elle réforme une décision définitive sur un point, elle ne peut statuer que définitivement.

Voilà qui est positif. Mais il y a ici confusion sur la portée du dictum du 1o juge.

La non recevabilité de l'exception n'a été appréciée qu'au point de vue de la compétence des tribunaux.

A cet égard le 1er moyen est évidemment recevable, il est dirigé contre cette décision. Mais, comme conséquence de la réformation de la décision du tribunal sur ce point, la Cour fait un pas de plus, elle statue interloculoirement sur le fond, ce que n'avait pas fait le tribunal de Liége. En effet la Cour de Liége, après avoir proclamé la compétence du pouvoir judiciaire, statue en ces termes :

Attendu que l'appelant (défendeur devant la Cour de cassation) soutient que les poêles

(1) Jur. de B., 1847, 2, 88,

(2) Pasic, 1849, 2, 318,

(3) Loi des 16-24 août 1790, tit, 2, art. 15; viola

fabriqués par les intimés n'étaient pas susceptibles d'un brevet d'invention, parce qu'ils étaient connus et décrits dans un ouvrage imprimé et publié en Angleterre antérieurement à l'obtention du brevet;

« Attendu que ce fait est pertinent, etc.;

«Par ces motifs... admet, avant faire droit, l'appelant à prouver, tant par titres que par témoins, que le n° 851 du journal Mechanic magazyn, contenant la description d'un poêle nommé propers patent, chauk strove, a été publié à Londres le 30 nov. 1839... »

La partie demanderesse voit dans cette décision la violation des art. 1, 2, 6 et 8 de la loi du 25 janv. 1817, parce qu'il en résulterait qu'une publication faite à l'étranger aurait fait tomber l'objet du brevet dans le domaine public.

Sans doute il y a dans l'admission à preuve le préjugé que la loi de 1817 doit être entendue en ce sens, mais ce n'est là encore qu'un préjugé, la Cour peut revenir encore à une autre interprétation.

La Cour n'a point statué conformément aux conclusions prises par l'appelant devant elle, elle n'a pas dit pour droit le principe dont on demandait que la proclamation fût faite, elle a préjugé l'existence du principe; mais il n'y a pas là chose jugée. La Cour peut encore revenir sur l'appréciation qu'elle a faite, non encore définitivement, elle n'est pas liée par l'interlocutoire.

Qu'a fait la Cour de Liége? Elle a statué sur la pertinence des faits cotés, elle n'a rien fait de plus, et cela est si vrai qu'elle a réservé les dépens, ce qu'elle ne pouvait faire si elle avait définitivement statué et entendu statuer définitivement sur l'exception, quant à la recevabilité du moyen au fond.

La décision portant admission à preuve étant purement interlocutoire, le 2o moyen est non recevable, telle est sur ce point votre jurisprudence bien établie.

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