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en ce qu'elles se bornent à relater ce qui est rappelé ci-dessus, relativement aux conclusions prises par le demandeur, le greffier ne pouvant par une telle déclaration fournir la preuve légale qu'un fait qui ne résulte pas de l'arrêt attaqué aurait cependant eu lieu devant la Cour;

Attendu au surplus que l'extrait délivré par le greffier n'atteste pas même que le demandeur aurait fait de l'admission à la preuve de la lésion de plus du quart un chef pertinent de demande sur lequel la Cour aurait été appelée à statuer; qu'il en résulte seulement qu'il aurait allégué cette prétendue lésion comme moyen tendant à justifier la décision arbitrale dont il demandait la confirmation;

Attendu que si la Cour a rencontré ce moyen dans un des considérants de son arrêt, ce ne peut être que parce qu'il en aura été fait usage dans le même but pendant les plaidoiries; que par conséquent, en supposant qu'elle se soit trompée en disant qu'aucune loi n'admet l'action en rescision dans le cas du procès, cela ne pourrait entraîner la cassation de son arrêt, dont le dispositif se trouve pleinement justifié par les autres considérations émises par la Cour sur les seuls points qu'elle était appelée à décider;

Par ces motifs, rejette le pourvoi, condamne le demandeur à l'amende de 150 fr., à une indemnité de pareille somme au profit du défendeur et aux dépens, elc.

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L'article 33 de la loi du 16 septembre 1807, qui met à la charge des propriétés protégées les frais de construction des digues à la mer ou contre les fleuves dans la proportion de leur intérêt aux travaux, n'a été abrogé ni par l'article 27 de la loi du 8 mars 1810, ni par l'article 138 de la constitution. (Loi du 16 mars 1807, art. 33; loi du 8 mars 1810, art. 27; constitution, art. 138.) L'article 53 de la loi du 16 septembre 1807,

relatif aux digues à la mer ou contre les fleuves, s'applique également aux digues faites en arrière pour remplacer celles construites en première ligne qui se trouvent rompues.

Le principe établi dans l'article 54 de la loi du 16 septembre 1807, que l'indemnité accordée aux propriétaires des terrains occùpés pour les travaux des digues à la mer ou contre les fleuves, doit être compensée avec la plus-value acquise aux propriétés restantes, s'applique également au cas où, par une digue intérieure, ces propriétés sont préservées de leur ruine.

Le principe que la dépense de construction des digues à la mer ou contre les fleuves est supportée par les propriétés protégées dans la proportion de leur intérêt aux travaux, posé dans l'article 35 de la loi du 16 septembre 1807, n'est pas subordonné à l'accomplissement des formalités prescrites par les articles 32 et 34, § 2, de la même loi. Ces formalités ne sont applicables qu'au cas de l'article 50. (Loi du 16 sept. 1807, art. 32, 35, 54, §2.)

(VANDELFT, C. L'ÉTAT BELGE.)

En 1831, la digue de l'Escaut à Lillo ayant été rompue, les habitants de Burendrecht, et parmi eux Vandelft, père des demandeurs, s'adressèrent au gouvernement pour obtenir son intervention à l'effet de les préserver de l'inondation dont ils étaient menacés. Le gouvernement fit en effet exhausser une ancienne digue, et à cette fin il fit occuper temporairement des terrains appartenant aux demandeurs et y enlever les terres nécessaires aux travaux.

Une loi du 6 octobre 1851, qui alloua un crédit de 300,000 fr. pour ces travaux, porte cette réserve : sauf le recours du gouvernement contre les propriétaires, s'il y a lieu.

Par exploit du 10 novembre 1836, Vandelft père fit assigner l'Etat devant le tribunal de première instance d'Anvers en payement d'une indemnité de 74,299 fr. 41 c. ou de telle autre somme à fixer par experts, si les évaluations contenues dans l'exploit d'assignation étaient contestées, et ce pour avoir occupé et détérioré ses propriétés en 1831 et en 1835.

L'État soutint que la rupture de la digue avait été un désastre de la guerre, et partant un fait de force majeure dont il ne pouvait répondre; que les travaux avaient été entrepris à la sollicitation des habitants et du

demandeur lui-même pour la conservation de leurs propriétés; que ces propriétés constituaient des poldres dans le sens des décrets des 11 janvier, 16 et 28 décembre 1811, et étaient tenues solidairement, aux termes des mêmes décrets, au remboursement des sommes avancées; que le demandeur était donc non recevable à réclamer une indemnité pour un préjudice dont il devait répondre lui-même.

Le demandeur ayant contesté que ses propriétés fussent des poldres, le tribunal, par jugement du 3 mars 1857, admit l'Etat à en faire la preuve.

A la suite de ce jugement le gouvernement prétendit que la preuve que les propriétés du demandeur constituaient des poldres résultait de leur situation au-dessous du niveau des hautes marées. Le demandeur soutint au contraire qu'il n'y avait de poldres dans le sens de la loi que ceux qui étaient constitués en association par l'autorité publique.

Le tribunal, adoptant ce dernier système, déclara, par jugement du 4 août 1837, que la preuve ordonnée n'avait pas été fournie; débouta en conséquence l'Etat de la fin de non-recevoir, et lui ordonna de plaider à toutes fins.

L'Etat se pourvut en appel contre les deux jugements des 3 mars et 4 août, et Vandelst en interjeta appel incident. Devant la Cour d'appel l'Etat maintint en fait avec offre de preuve, 1o que les terrains du demandeur sont situés en dessous du niveau des hautes marées; 2o qu'ils auraient été infailliblement submergés sans les travaux exécutés par le gouvernement; 3° que celui-ci n'est intervenu que pour achever les travaux de défense commencés par les habitants, et sur les vives sollicitations de ceux-ci, et notamment sur celles de Vandelft lui-même; 4° que les sommes dépensées ne l'ont été qu'à titre d'avance et avec la réserve d'en récupérer le remboursement à charge des propriétaires intéressés. Il conclut en conséquence, sans reconnaître les faits posés dans l'exploit introductif d'instance, et sous la réserve de prouver que la rupture de la digue avait été un désastre de guerre ne pouvant donner lieu à une action en justice, à ce que le jugement du 4 août, et subsidiairement celui du 3 mars, fussent mis à néant, et à ce que, dans l'un et l'autre cas, l'intimé fût déclaré purement et simplement non recevable dans son action.

L'intimė Vandelft soutint que les décrets

de 1811 invoqués par l'Etat ne concernaient que les poldres tels qu'on les a considérés de tout temps, et tels que les reconnaît le décret du 11 janvier 1811, c'est-à-dire les terrains constitués en poldres et soumis avec d'autres à une administration commune et à un règlement administratif ; que rien de pareil n'existant dans l'espèce, l'Etat n'avait pas justifié le fond de son exception, et que dès lors son appel devait être mis à néant; et pour justifier son appel incident il dit que les dispositions relatives à la réparation d'une digue d'un poldre constitué étaient sans application à la création d'une digue nouvelle, et que dans l'hypothèse même qu'il se fût agi de réparations exécutées à charge d'un poldre, la loi n'eût accordé à l'Etat qu'un privilége sur les fruits pour le recouvrement des avances, mais ne l'eût pas autorisé à s'emparer et à détenir les propriétés sans indemnité. Il conclut par ces motifs à ce que le jugement du 3 mars fùt mis à néant comme ayant ordonné une preuve frustratoire ; à ce que l'Etat fût déclaré non recevable dans son exception, et à ce qu'il lui fût ordonné de contester à toutes fins.

Sur ce débat intervint un arrêt du 20 juillet 1858 qui déclara l'appel principal non fondé, et statuant sur l'appel incident, mit à néant le jugement du 3 mars comme ayant ordonné une preuve irrelevante, et celui du 4 août en tant qu'il statue sur le mérite de la preuve rapportée, mais qui confirme ce dernier pour le surplus, c'està-dire en tant qu'il avait déclaré l'Etat non fondé dans sa fin de non recevoir et lui avait ordonné de plaider à toutes fins.

Pour justifier cette décision la Cour d'appel établit un système différent de celui qui avait été plaidé par les parties, et se fonde principalement sur les dispositions de la loi du 16 septembre 1807: elle dit dans les considérants de son arrêt que cette loi range parmi les devoirs de l'Etat la conservation et au besoin la construction des digues à la mer contre les fleuves, rivières et torrents; qu'il importe peu au caractère de cette mission que le gouvernement l'exerce spontanément ou à la sollicitation des habitants intéressés; que dans l'un comme dans l'autre cas il agit d'autorité et non comme simple mandalaire; que, dans l'espèce, en faisant exécuter les travaux dont s'agit, il s'est donc obligé personnellement envers les proprié taires dont il a pris ou occupé les terrains comme envers les entrepreneurs; que la loi de 1807 met bien la dépense à charge des

propriétés protégées dans la proportion de leur intérêt aux travaux, mais qu'il résulte de l'ensemble et de l'esprit de la loi qu'elle a seulement entendu accorder à l'Etat un recours sur les propriétés protégées ; que l'article 34 exige en effet que la dépense soit répartie administrativement entre lesdites propriétés, répartition qui, ne pouvant se faire qu'après l'achèvement des travaux, prouve que c'est l'Etat qui doit faire les avances; que s'il pouvait y avoir du doute à cet égard il serait levé par la loi du 6 octobre 1831, qui a alloué au département de l'intérieur une somme de 300,000 fl. pour faire face aux dépenses dont s'agit, sauf recours contre les propriétaires s'il y a lieu, et par les payements que le gouvernement a faits, tant aux entrepreneurs qu'aux habitants de Burendrecht dont on avait pris ou endommagé les terrains; que la disposition de l'article 33 de la loi de 1807 est générale et ne s'applique pas seulement aux poldres, mais à toutes les propriétés menacées par les eaux; qu'elle a servi de base au décret de janvier 1811 sur l'administration des poldres; que la preuve imposée à l'Etat avait donc été irrelevante; que les indemnités auxquelles les demandeurs seront reconnus avoir droit font incontestablement partie de la dépense que la loi met à charge des propriétés protégées au nombre desquelles se trouvent celles des demandeurs; que si ceuxci ont droit à une indemnité, ils doivent aussi à l'Etat une contre-indemnité pour plus-value de leurs propriétés, et que dès lors l'article 54 de la loi de 1807 en ordonne la compensation jusqu'à due concurrence; que si cette compensation ne peut s'opérer qu'après la répartition de la dépense des travaux entre toutes les propriétés protégées, l'action des demandeurs n'est pas moins recevable en tant qu'elle a pour objet de faire régler l'indemnité qui leur revient, sauf compensation et liquidation ultérieure.

La cause fut reportée devant le tribunal de première instance où l'on soutint, au nom de l'Etat, qu'il était définitivement jugé, 1o que le demandeur n'était pas en droit d'exiger le payement immédiat des indemnités qu'il réclamait; 2o que son action n'était recevable qu'autant qu'elle avait pour objet de faire régler ces indemnités, sauf compensation et liquidation ultérieure; 3o que ces indemnités faisaient partie de la dépense que la loi de 1807 met à charge des propriétés protégées, et 4° que les propriétés des demandeurs se trouvent au nom. bre de celles-ci. On conclut en conséquence

à ce que le tribunal nommât des experts pour évaluer, tant l'indemnité réclamée par les demandeurs que l'intérêt qu'ils avaient

aux travaux.

Les demandeurs prétendirent au contraire qu'il n'y avait point chose jugée sur les points énoncés dans les considérants de l'arrêt du 20 juillet 1838, lequel s'était borné dans son dispositif à confirmer le jugement du 4 août 1837, en tant qu'il avait débouté l'Etat de sa fin de non-recevoir et ordonné de plaider à toutes fins; que leur demande avait donc été jugée recevable telle qu'elle avait été intentée.

Et pour justifier ultérieurement celte recevabilité, ils soutinrent que les articles 35 et 54 de la loi de 1807 étaient sans application à la cause, et que fussent-ils applicables, l'Etat ne pourrait s'en prévaloir pour n'avoir pas rempli les formalités préalables ordonnées par l'article 34; que l'article 53 n'était d'ailleurs pas absolu, puisqu'il restreint sa disposition au cas où le gouvernement n'aurait pas cru utile et juste d'accorder un secours sur les fonds publics, et que dans l'espèce il résultait et de l'inobservation des formalités prescrites et de l'appréciation des circonstances qui ont occasionné les travaux comme de celles qui les ont suivis, que c'est en effet sur les fonds publics que le gouvernement avait entendu imputer la dépense. Les demandeurs soutinrent enfin que, non-seulement les articles 33 et 34 de la loi de 1807 étaient tombés en désuétude, mais que l'article 54, qui ordonne la compensation jusqu'à due concurrence de l'indemnité due au propriétaire avec la plusvalue acquise à ses propriétés restantes, avait été abrogé par la loi du 8 mars 1810 et l'article 11 de la constitution belge relatifs à l'expropriation pour cause d'utilité publique. Ils conclurent en conséquence à ce que le dommage par eux souffert fut seul estimé par les experts à nommer, et en cas de contestation ultérieure, à ce que leurs conclusions primitives leur fussent adjugées.

Par jugement du 18 janvier 1840, le tribunal ordonna, avant faire droit, que « la « réalité et la hauteur des dommages libellés « par les demandeurs fussent constatées par « trois experts, et ordonna à ceux-ci de dé<< terminer l'intérêt que les demandeurs <«< avaient aux travaux exécutés par le gou« vernement, et ce par suite d'une réparti «tion de la dépense entière entre toutes les « propriétés protégées, suivant l'intérêt que «< chacune d'elles avait à l'exécution des << travaux.>>

Les motifs de ce jugement sont qu'il est souverainement décidé par l'arrêt du 20 juillet 1838 que l'action des demandeurs, en tant qu'elle avait pour objet de faire régler les indemnités réclamées, n'est recevable que sauf compensation et liquidation ultérieure; que si cette réserve n'est pas inscrite dans le dispositif de l'arrêt, elle l'est dans le considérant qui s'y lie étroitement et sert à l'expliquer, et qu'en supposant qu'il n'y eût pas chose jugée sur ce point, il faudrait décider de la même manière par application des articles 33 et 54 de la loi du 16 septembre 1807, qui n'ont été abrogés par aucune loi postérieure.

Les demandeurs interjetèrent appel de ce jugement, et ils conclurent à ce qu'il plût à la Cour, 1o dire que l'arrêt du 20 juillet n'a l'autorité de la chose jugée qu'à l'égard de la fin de non-recevoir qu'il a rejetée d'une manière absolue, et qu'il n'a rien statué sur l'étendue des droits en litige, qui n'avait été l'objet d'aucun débat, et dont le dispositif, qui seul décide, ne parle pas; 2o déclarer, A, qu'ayant subi une véritable expropriation pour cause d'utilité publique, ils avaient droit à une complète indemnité qui leur était garantie par les articles 545 du C. civ., 20 de la loi du 8 mars 1810 et 11 de la constitution, toute disposition contraire se trouvant abrogée; B, que les articles 33 et 54 de la loi du 16 septembre 1807, ne fussent ils pas abrogés, seraient sans application à la cause, l'article 54, parce qu'il ne s'agit pas dans l'espèce d'une plus-value à payer à l'Etat, et l'article 33, parce qu'il ne s'agissait pas de construire une nouvelle digue, mais de réparer, envers des propriétaires jusque-là parfaitement garantis, des désastres provoqués par le fait du gouvernement ou du pays en guerre avec l'ennemi, et parce qu'au surplus la loi n'avait pas été déclarée applicable par un acte d'administration comme l'exige l'article 32; mais qu'au contraire le gouvernement a démontré par tous ses actes qu'il ne voulait restreindre ni ses propres obligations ni les droits des propriétaires lésés. En conséquence mettre à néant le jugement dont appel, et sans avoir égard aux conclusions de la partie intimée, adjuger aux appelants leur demande introductive en reconnaissant leur droit à une indemnité complète sans restriction ni réserve, par suite, etc.

Pour l'Etat on conclut à ce que l'appel fût déclaré mal fondé, et à l'appui de ces conclusions on soutint: 1o que l'applicabilité à la cause de l'article 33 de la loi de PASIC., Ire PARTIE. 1851.

1807, soutenuè par l'Etat et combattue par les demandeurs, avait été souverainement reconnue par l'arrêt du 20 juillet 1838; 2o et subsidiairement que la demande originaire n'a pas eu pour objet le prix de terrains que l'Etat se serait appropriés, mais exclusivement une indemnité pour occupation temporaire et dépréciation de certaines propriétés, et qu'on ne peut dès lors invoquer les lois relatives à l'expropriation pour cause d'utilité publique; 3° que la rupture de la digue de Lillo n'était pas imputable à l'Etat, et que les travaux exécutés par lui ayant préservé les propriétés des demandeurs d'une destruction complète, la demande d'indemnité de ceux-ci se trouve repoussée par la raison et l'équité; 4o que cette demande ne se comprend qu'appuyée sur l'article 33 de la loi de 1807, qui charge bien l'Etat de construire les digues, mais sauf recours sur les propriétés protégées, et sauf compensation jusqu'à due concurrence avec l'indemnité qui pourrait être due pour dommages causés à ces mêmes propriétés ; qu'enfin 5o les articles 30, 31, 32

et. 54 de la loi de 1807 ne sauraient être

invoqués utilement, puisqu'il ne s'agit dans l'espèce ni de plus-value acquise à des propriétés privées par l'exécution de travaux publics, et dont l'Etat réclamerait la bonification, ni du remboursement par les propriétaires intéressés de la dépense de la digue, mais exclusivement du point de savoir si l'Etat peut devoir une indemnité quelconque aux demandeurs pour dommage causé à leurs propriétés.

Sur ce débat arrêt du 7 février 1849 qui, tout en déclarant que le premier juge s'était à tort appuyé sur l'autorité de la chose jugée, mais en se fondant sur les motifs de l'arrêt du 20 juillet et sur quelques considérations nouvelles, met purement et simplement l'appel au néant (').

Deux moyens de cassation ont été proposés contre cet arrêt.

Le premier était fondé sur un défaut de motifs, et par suite sur la violation des articles 141, 470 du C. de pr. civ., 7 de la loi du 20 avril 1810, et 97 de la constitution; il a été rejeté en fait.

Le deuxième, sur la violation des articles 20 et 27 de la loi du 8 mars 1810, 545 du C. civ., 11 et 138 de la constitution; la fausse application des articles 50, 32, 33 et 54 de

(1) Voy. Pasic., 1849, 2, 382.

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la loi du 16 septembre 1807; la violation des articles 32 et 34 de cette loi, et enfin la violation des articles 1382 et 1383 du C. civ. sur la réparation du dommage causé, 1350, 1352 et 1356 du même Code sur l'aveu judiciaire.

A l'appui de leur deuxième moyen les demandeurs disaient: Le principe que personne ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité, est devenu une garantie constitutionnelle, et les dispositions de la loi du 16 septembre 1807 qui y avaient apporté des restrictions ont été abrogées et par l'article 27 de la loi du 8 mars 1810, et par l'article 138 de la constitution (arrêt de cette Cour du 16 janvier 1838). En restreignant l'indemnité des demandeurs par application des articles 35 et 54 de la loi de 1807 dont on avait invoqué l'abrogation, l'arrêt attaqué a donc méconnu les articles 20 et 27 de la loi du 8 mars 1810, 11 et 38 de la constitution.

En supposant que les articles 55 et 54 ne fussent pas abrogés, l'arrêt attaqué les aurait faussement appliqués l'article 33, parce qu'il ne concerne que la construction des digues à la mer ou contre les fleuves, et que dans l'espèce il ne s'agissait pas de la construction ni même de la réparation d'une pareille digue, cas prévu par la loi du 14 floréal an x1; mais de l'exhaussement d'une digue de précaution placée au milieu des terres, loin du lit habituel du fleuve, et l'article 54 qui, se référant aux articles 30 et 58, n'admet la compensation qu'en cas de plus-value, ce qui n'était pas le cas de l'espèce, la propriété des demandeurs étant restée pour les terrains non empris ce qu'elle avait été depuis des siècles.

L'arrêt attaqué a faussement appliqué lesdits art. 30 et 52 en considérant comme élément de plus-value la conservation du bien dans son état par l'éloignement du danger.

Le gouvernement avait d'ailleurs reconnu formellement dans ses conclusions qu'il ne s'agissait ni de plus-value à bonifier, ni du remboursement par les propriétaires intéressés de la dépense de la digue, mais exclusivement du point de savoir si l'Etat devait une indemnité quelconque aux demandeurs du chef de dommage causé à leurs propriétés. L'arrêt attaqué, en admettant en fait une plus-value et la nécessité d'un remboursement de dépense, a donc

méconnu l'aveu judiciaire et contrevenu aux articles 1350, 1552 et 1356 du C. civ., qui attachent une preuve complète à l'aveu de cette nature.

L'article 54 de la loi de 1807 suppose le cas où le propriétaire qui réclame une indemnité pour le bien qu'on lui a pris doit à son tour bonifier une plus-value acquise à ses propriétés restantes; or, cette bonification d'une plus value c'est l'article 30 qui l'établit, et si l'article 30, comme l'Etat l'a reconnu, était inapplicable, l'article 54 l'était nécessairement aussi, et ce dernier ne pouvait jamais recevoir d'application que dans le cas de l'article 32, qui porte que <«<les indemnités (de plus-value) ne seront "dues par les propriétaires des fonds voi"sins des travaux effectués que lorsqu'il « aura été décidé par un règlement d'admi«nistration publique qu'il y a lieu à l'appli << cation des deux articles précédents. » L'arrêt attaqué, en appliquant faussement les articles 30 et 54 de la loi de 1807, a donc encore violé l'article 32 de la même loi.

Et quant à l'article 55 de ladite loi, en le supposant applicable, il n'impose pas d'une manière absolue la dépense des travaux aux propriétaires protégés; pour que cette dépense pût être répartie entre ces propriétaires, il eût fallu, aux termes de l'article suivant, observer les formes précédemment établies, c'est-à-dire un règlement d'administration publique et l'intervention d'une commission. L'arrêt attaqué, en imposant cette obligation en l'absence de ces formalités, a donc violé les articles 35 et 34 cités.

L'arrêt attaqué, en invoquant l'art. 1381 du C. civ. qui porte que celui auquel la « chose est restituée doit tenir compte, << même au possesseur de mauvaise foi, de «toutes les dépenses nécessaires et utiles qui ont été faites pour la conservation de « la chose,» a encore fait une fausse application de cet article qui n'a aucun rapport avec la cause.

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Enfin la Cour d'appel avait proclamé ellemême, par son arrêt du 20 juillet 1858, qu'en faisant exécuter les travaux dont s'agit, le gouvernement s'était obligé personnellement, tant envers les propriétaires dont il a pris où occupé les terrains qu'envers les entrepreneurs.

En modifiant cette obligation par l'arrêt attaqué, la Cour d'appel a donc, tout en méconnaissant l'autorité de la chose jugée, violé les articles 1582 et 1383 du C. civ.,

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