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lui-même, que répond la Cour? Elle répond par l'acte lui-même; c'est dans l'acte, dans les circonstances qui lui sont propres, qu'elle puise ses éléments de validité, et ce sont ces mêmes éléments au contraire qui, aux yeux du législateur, doivent faire prononcer son invalidité.

Mais Wannaar, dit la Cour, a si bien su ce qu'il avait signé (donc toujours la valeur de l'acte en lui-même) qu'il a demandé une ·modification à son engagement à l'un des créanciers, et réunissant cette circonstance à celle résultant de la qualité des signataires, il faut en conclure, dit-elle (alors qu'ils n'allèguent ni surprise ni fraude), que tout a été fait de bonne foi entre les parties. Comme on le voit, ce n'est donc pas toujours sur un acte de ratification postérieure à l'acte que la Cour se fonde : c'est sur ce que les actes postérieurs prouvent qu'en signant les défendeurs savaient cependant ce qu'ils signaient.

Il est donc encore évident qu'en raisonnant ainsi c'est, comme on vous l'a dit avec raison, l'écrit lui-même qu'elle considère, c'est cet écrit qu'elle valide par les circonstances qui lui sont propres aussi bien à l'égard du demandeur Wannaar, qu'à l'égard de Vandamme; et que si, quant au demandeur Wannaar, on peut argumenter de la contre-lettre du 15 août 1840, loin de pouvoir y trouver une reconnaissance de la delte, une confirmation de l'obligation qu'il aurait entendu souscrire de payer, on y lit au contraire, en termes généraux, qu'en apposant sa signature il n'a nullement entendu faire une promesse de payement, mais un consentement à ce que l'avocat Decocq fùt indemnisé sur le produit des réalisations.

Au surplus, la Cour, en rappelant la contre-lettre, n'en conclut pas que Wannaar a ratifié ou plutôt rendu par là parfaite, d'imparfaite qu'elle était, l'obligation du 15 août 1840;

elle en tire la conséquence que Wannaar, en signant cet écrit, savait ce qu'il faisait, que, par conséquent, au 15 août, la promesse était parfaite. Or, pour que la promesse, pour que l'obligation fût parfaite, la loi exigeait plus. Elle voulait non-seulement que Wannaar comme Vandamme sussent ce qu'ils signaient, mais, de plus, que cette connaissance fût exprimée par une approbation écrite de leur main, et c'est ce qui n'a pas eu lieu, et c'est ce que les demandeurs au pourvoi ont contesté in limine litis, puisqu'avant tout et avant de discuter la portée, quant à eux, de l'écrit en contestation, en le supposant valable, ils ont commencé par

l'arguer de nullité à défaut d'approbation de leur part.

En résumé: pour qu'une promesse sous seing privé, portant engagement de payer une somme d'argent, oblige celui qui l'a signée, la loi exige, comme pour toutes les conventions en général, non-seulement le consentement libre de la partie qui s'oblige et l'absence de dol et de fraude; mais elle veut de plus que ce consentement soit écrit de la main de celui qui contracte l'obligation: que si cet élément de preuve n'existe pas dans l'acte lui-même, l'obligation, si réellement elle a été contractée, n'en est cependant pas nulle, puisque la loi ne prononce pas la nullité; mais, si l'acte n'est pas nul, s'il peut trouver son complément dans des faits, dans des reconnaissances ultérieures, au moins doit-il demeurer constant que le juge ne peut, sans contrevenir à la loi, dẻclarer valable, par elle-même, et par elle seule une promesse qui manque des éléments probatoires exigés par la loi pour qu'elle puisse obliger celui qui l'a signée, autrement autant vaudrait dire qu'il est libre aux tribunaux de substituer leur volonté à celle du législateur.

Dans l'espèce peut-être, en ce qui concerne le demandeur Wannaar spécialement, la volonté de la Cour d'appel de Gand a-telle été d'exprimer la pensée que, par sa demande d'une modification à l'engagement formulé dans l'écrit auquel il avait apposé sa signature, il a donné à cet écrit la sanction qui lui manquait, et que de la réunion de sa signature et de ses démarches pour obtenir la contre-lettre résultait pour elle la preuve de son engagement; mais, si telle a été la pensée de la Cour, telle n'est pas sa décision; elle ne valide point l'acte parce qu'il aurait été confirmé postérieurement par Wannaar, elle le déclare valable dès son origine, parce que Wannaar savait, dit-elle, ce qu'il signait. En droit, la Cour d'appel décide donc que la promesse unilatérale sous seing privé, portant engagement de payer une somme d'argent, promesse non écrite par celui qui l'a signée, est parfaite bien qu'elle ne soit revêtue ni du bon ni de l'approuvé, portant en toutes lettres la somme qui fait l'objet de l'engagement, par cela seulement que la signature n'a point été surprise par dol ou par fraude. Elle supprime donc, par sa volonté, les autres garanties que requiert l'article 1526 du C. civ.; d'où la conséquence qu'en procédant comme elle l'a fait, elle a expressément contrevenu à cet article de la loi, ainsi qu'à l'article 1315,

aux termes duquel c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation à la prouver.

Nous concluons en conséquence :
A la cassation de l'arrêt dénoncé ;

A la restitution de l'amende consignée ; A la condamnation du défendeur aux dépens tant de l'arrêt annulé qu'à ceux de l'instance en cassation;

Et au renvoi de la cause et des parties devant une autre Cour d'appel pour être statué conformément à la loi.

Pourvoi de Louwage.

Il nous reste à examiner le mérite du pourvoi qu'à son tour le demandeur Louwage dirige contre la décision de la Cour d'appel de Gand. En d'autres termes : si, en supposant que l'écrit du 15 août 1840 dût être considéré comme obligatoire, tant envers les deux demandeurs primitifs Wannaar et Vandamme qu'envers Decocq, maintenant avec eux défendeur, il était au pouvoir du juge de réduire, ainsi qu'il l'a fait, la somme qui s'y trouve exprimée comme salaire du mandat confié au demandeur actuel Louwage.

En fait, l'arrêt attaqué constate qu'il a été reconnu par le demandeur Louwage et qu'il résulte d'ailleurs de l'acte en litige que la -convention intervenue entre lui et le comte de Geloes, et cautionnée par les défendeurs, était constitutive d'un mandat.

La qualité du demandeur et la nature de l'opération qui lui était confiée résistent d'ailleurs aussi à ce que l'on puisse y voir légalement les caractères du louage d'ouvrage.

L'arrêt ajoute, en fait, que l'exécution du mandat dont il s'agit n'a donné lieu, de la part du demandeur, à aucune difficulté ni à aucun travail d'esprit; enfin qu'elle n'a soulevé aucune question ardue qui ait dû être examinée par lui. Et, se fondant, d'une part, sur ce que de sa nature le mandat est gratuit, et de l'autre sur ce que de sa nature encore l'affaire à gérer n'avait point offert de complication, il a réduit à 7,500 francs la somme de 25,000 fr. qui, d'après la convention, aurait dû revenir au demandeur.

La question se réduit donc à savoir si une somme, stipulée d'avance par le mandant, comme rémunération de l'exécution future d'un mandat, peut être réduite par le juge, à raison des circonstances, quand la gestion est terminée.

Cette question, renfermée par la Cour de Gand dans le principe légal de la gratuité du mandat, n'est pas susceptible de longs développements, et nous ne croyons pas devoir remonter à l'origine du mandat tel qu'il existait chez les Romains, puisque les législateurs du Code civil en ont modifié les principes.

En droit, toute personne capable peut contracter; les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; elles obligent non-seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. Excepté dans les cas que la loi détermine, les majeurs ne peuvent, aussi, être restitués pour cause de lésion. Tous ces principes, la loi les consacre en termes exprès.

Mais il est aussi un autre principe que la loi trace en tête du titre XIII du Code civil, spécialement consacré au mandat, c'est que si le mandat n'est plus gratuit par essence, il l'est encore par sa nature et que, si un salaire peut être convenu, ce n'est qu'à titre d'exception.

La gratuité du mandat domine donc encore cette espèce de stipulation et la convention d'un salaire exagéré est, par suite, contraire à l'esprit de la loi. Le juge qui, par suite des circonstances de la cause, ramène le chiffre du salaire aux termes d'une juste et équitable rémunération, loin de contrevenir à la loi qui veut le respect des conventions, ne fait que concilier entre eux deux principes posés parallèlement dans la loi, à savoir: d'une part, le respect de la convention, mais de l'autre, le respect dans les limites que la loi assigne à la nature propre du contrat. Suivant la lettre, comme suivant l'esprit de la loi, une gestion d'affaires qui n'a donné lieu qu'à un travail sans importance ne peut donner droit qu'à une équitable rémunération. Tout salaire exagéré pour l'exécution d'un mandat, fùt-il même convenu, ne peut être considéré que comme une obligation sans cause légale.

Aussi la jurisprudence, comme la doctrine, se réunissent-elles pour reconnaître aux tribunaux le droit d'interposer leur autorité aux fins de garantir les citoyens contre les suites d'un entraînement souvent provoqué par des circonstances impérieuses et qui dominent leur libre volonté. Aussi, les auteurs qui ont examiné la question ne mettent-ils pas en doute que le principe de la gratuité prime la convention du salaire

en matière de mandat, tandis que la géné- [ ralité de ceux qui traitent de la force oblitoire des engagements, et ils sont fort nombreux, ne critiquent ni la jurisprudence ni l'opinion qui reconnaît aux tribunaux le pouvoir de réduire le salaire convenu pour l'exécution d'un mandat.

A la vérité, dans l'espèce, la lettre du 15 août, écrite par Decocq et signée, tant par lui que par les défendeurs, est postérieure à l'exécution du mandat; d'où, suivant le demandeur, la conséquence que les motifs qui peuvent s'appliquer au salaire, promis avant que le demandeur se soit acquitté de sa gestion, sont sans application à la cause actuelle; mais cette objection, en la supposant de nature à modifier le principe de gratuité qui domine le mandat, perd ici la force qu'elle pourrait avoir, parce que, ainsi que le font observer avec raison les défendeurs, l'écrit du 15 août ne constitue que le cautionnement d'une obligation antérieure souscrite par le comte de Geloes, d'une obligation contractée avant l'exécution du mandat; et cela est si vrai, qu'il se voit des qualités de l'arrêt attaqué, que le demandeur disait devant le premier juge, « que l'écrit du 15 août n'était pas produit par lui comme fondement de sa demande, mais comme preuve à l'appui des faits par lui articulés dans son exploit introduction d'instance, exploit dans lequel il se fondait; sur ce qu'en 1840, et avant que l'emprunt qui a fait l'objet du mandat eût reçu aucune exécution, l'avocat Decocq, aujourd'hui défendeur, lui avait promis 5 pour cent à partager entre lui et Adolphe Demeulemeester qu'il s'était adjoint pour faire l'opération, et ce, sur tous les capitaux à fournir.

Il n'est donc pas exact en fait, et les termes d'ailleurs de l'écrit du 15 août en fournis

sent la preuve, que, dans l'espèce, le règlement du salaire n'ait eu lieu qu'après l'exécution du mandat. Inutile, par conséquent, de nous occuper du point de savoir si, dans une hypothèse qui ne s'est point réalisée, la Cour d'appel de Gand aurait dû décider autrement qu'elle ne l'a fait.

Quant à l'argument puisé dans l'article 1999 du C. civ., aux termes duquel le mandant doit payer au mandataire ses salaires lorsqu'il en a été promis, il ne prouve qu'une seule chose : c'est que quand des salaires ont en effet été promis, le mandant ne peut prétendre que la gestion a dû se faire gratui tement; mais, de ce que, dans ce cas, des salaires sont dus, il ne s'ensuit pas que ce PASIC., 1851. -ire PARTIE.

qui cesse d'être salaire, que ce qui n'est plus la rémunération d'un travail, que ce qui, par conséquent, est doublement en opposition avec le principe et l'intention dominante de la loi, doive être alloué par le juge.

La convention d'un salaire, en matière de gestion d'affaire, est évidemment légale, et parlant elle doit être respectée, cela est évident; mais là n'est pas la question. Le mandat, dit la loi, est gratuit s'il n'y a convention contraire. Pour rester dans les termes de la loi, pour ne pas en heurter l'esprit, la rémunération doit donc rester dans les limites d'un salaire, d'un salaire tel que pourrait l'arbitrer le juge au cas de louage d'ouvrage, si l'importance en était contestée; toute récompense qui prend le caractère d'une libéralité excessive n'est plus même un salaire. Le juge qui alloue au mandataire une juste rémunération reste donc dans les termes de l'article 1999, tout en respectant la lettre et l'esprit de l'article 1986, mandatarius neque lucrum neque damnum ex mandato sentire debet: voilà le principe fondamental de la loi.

Quoi qu'il en soit, cependant, nous sommes loin de contester tout ce qu'a de grave la question qui vous est soumise. La convention souscrite par les défendeurs, en la supposant valable dans la forme, est au fond parfaitement légale, puisque la loi permet la stipulation d'un salaire pour l'exécution d'un mandat. A ce point de vue elle fait donc loi pour les parties comme pour le juge. Mais, d'autre part, si on se reporte aux discussions qui ont précédé l'adoption du titre du Code civil qui traite du mandat, on reste convaincu que la volonté dominante du législateur, tout en permettant la stipulation d'un salaire, a été cependant de conserver au mandat son caractère de di

gnité et de contrat de bienfaisance, et qu'il n'a pas voulu qu'il pût dégénérer en une spéculation d'un lucre mercenaire.

La convention qui détruit ce principe, dans des circonstances où le caractère dont est revêtu le mandataire donne surtout à la

gestion qui lui est confiée le caractère noble du mandat plutôt que celui d'un louage d'ouvrage, perd donc le principe de légalité qui fait la force des obligations et commande le respect.

Encore une fois, s'il doit être vrai que le juge, alors qu'il reconnaît que le salaire convenu est hors de toute proportion avec les travaux du mandataire, ne peut réduire

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ce salaire aux termes d'une juste rémunération; c'est dire qu'il peut dépendre des parties d'effacer de la loi le caractère que cependant elle a manifestement entendu conserver au mandat; c'est dire que le législateur a entendu permettre de détruire les bases de la règle, au moyen de l'exception. Or, cette conséquence répugne à l'esprit qui manifestement a dirigé les auteurs de la loi.

Dans l'espèce, il est vrai, l'écrit du 15 août 1840 dont on réclame l'exécution est postérieur à l'exécution du mandat, mais il ne faut pas perdre de vue que les défendeurs n'ont fait que cautionner une obligation primitive du comte de Geloes, obligation antérieure à l'exécution du mandat. Qu'il ne s'agit donc pas du cas simple d'un mandat dont le salaire a été réglé avant l'agissement; mais d'un mandat avec un salaire antérieurement promis, promis à une époque où se rencontraient, pour l'espèce surtout, toutes les circonstances au milieu desquelles la loi a entendu protéger le mandant contre son propre entraînement et où ces circonstances existaient encore après la fin du mandat, pour le garantir contre l'entraînement de l'homme délicat qui, bien qu'obligé d'une manière exagérée et dans des termes qui répugnent à la loi, ne croit cependant pas pouvoir se départir de ses promesses.

L'argument que le pourvoi puise dans la circonstance que l'écrit de cautionnement du 15 août 1840 est postérieur à l'exécution du mandat ne nous semble donc pas de nature à déplacer la question. Et vainement le demandeur argumente-t-il enfin de l'article 1999 du Code civil pour en conclure que, hors le cas de dépenses ou de frais occasionnés par la faute du mandataire, le juge ne tient de la loi aucun pouvoir de réduire les prétentions de ce dernier; si la loi permet la convention d'un salaire, et que le salaire convenu doive être payé, ce ne peut évidemment être que sous l'influence du principe régulateur en matière de mandat que le salaire s'arrête aux limites d'une juste rémunération.

Nous estimons donc que la Cour d'appel de Gand, en réduisant à la somme de 7,500 francs celle de 25,000 réclamée par le demandeur, et cela par le motif qu'en fait ses démarches n'avaient donné lieu à aucune difficulté ni à aucun travail d'esprit, n'a contrevenu ni aux dispositions du Code civil qui déterminent les effets des obligations en

général, ni aux principes qui régissent le mandat et spécialement la convention d'un salaire au profit de celui qui s'en charge.

Par ces considérations, sans nous dissimuler ce qu'a de grave la question que vous avez à résoudre, nous concluons au rejet du pourvoi, et à la condamnation du demandeur à l'amende et à l'indemnité.

ARRÊT.

LA COUR; Attendu que le même arrêt étant attaqué par deux parties, la jonction des instances est de droit aux termes de l'article 2 du règlement du 15 mars 1815.

Sur le pourvoi formé par Wannaar et Vandamme, et fondé sur la violation des articles 1315 et 1526 du C. civil, en ce que l'arrêt attaqué a puisé la preuve complète de l'obligation invoquée à leur charge dans un acte sous seing privé contenant une promesse unilatérale, non écrit par eux et dépourvu du bon ou approuvé, écrit de leur main et portant en toutes lettres la somme pour laquelle ils se seraient engagés:

Attendu que l'acte sous seing privé du 13 août 1840 qu'on oppose aux demandeurs porte l'engagement de leur part, comme le reconnaît l'arrêt attaqué, de garantir à Louwage et à Demeulemeester, son cointéressé, le payement d'une somme de 50,000 francs due prétendûment par le comte de Geloes pour l'exécution d'un mandat, sans qu'il renferme aucun engagement de la part des créanciers; que cet acte n'étant écrit de la main d'aucun des demandeurs et n'étant pas revêtu du bon ou approuvé exigé par l'article 1326 du C. civ., ne peut donc, aux termes du même article, faire preuve, par lui seul, de son contenu; que cette disposition s'applique au cautionnement comme à l'obligation principale, non-seulement par la généralité de ses termes, mais encore par ses motifs; que son but est en effet de protéger les signataires de semblables actes contre les fraudes qu'on pourrait commettre soit par l'abus d'un blanc seing, soit par l'altération de l'écriture, protection à laquelle a droit, au même titre, celui qui promet de garantir la dette d'autrui, comme celui qui promet de payer sa propre dette;

Attendu que l'arrêt attaqué a puisé la preuve complète de l'obligation dans l'acte dont s'agit; qu'il repousse en effet le moyen de nullité invoqué de ce chef par les seuls motifs que les demandeurs, « l'un avocat et « l'autre notaire, ont pu et du savoir ce qu

་་

"

« était contenu dans l'écrit, et que par suite << ils ont eu l'intention sérieuse de s'engager << en faveur de Louwage; que d'ailleurs ils n'allèguent aucune circonstance de surprise ou d'erreur, qu'on admettrait toute<< fois difficilement de la part d'hommes de « pratique et d'expérience comme eux; que << Wannaar, notamment, a si bien su ce « qu'il signait qu'il a demandé une modifi«cation à l'engagement à l'un des créan« ciers, d'où il faut conclure que tout a été «fait de bonne foi entre les parties; »

Attendu que ces considérations ne tendent qu'à établir que les demandeurs avaient eu l'intention sérieuse de s'engager et qu'il n'y a eu ni surprise ni erreur, mais nullement à corroborer la preuve de l'existence de l'obligation, qui était seule en question; que l'argument tiré de la qualité des demandeurs est d'ailleurs en opposition directe avec le texte de l'article 1526 qui n'admet d'exception à la règle qu'il trace que pour les marchands, à cause de la simplicité qu'exigent les opérations du commerce, et pour les artisans, laboureurs, vignerons, gens de journée et de service, afin de ne pas obliger des personnes, qui souvent ne savent pas suffisamment écrire, à recourir au ministère d'un notaire pour des affaires de peu d'importance; qu'enfin la contre-lettre que Wannaar s'était fait délivrer par l'un des créanciers n'a pas non plus été invoquée pour compléter la preuve, mais pour établir la validité même de l'obligation;

Attendu que ce n'est que dans le considérant ci-dessus transcrit que la Cour d'appel se livre à l'examen du moyen tiré du défaut de forme reproché à l'acte du 15 août; que si, dans les considérants qui précèdent, elle examine la nature de l'obligation contenue dans cet acte, c'est hypothétiquement et pour apprécier les prétentions des parties à un autre point de vue; mais que nulle part elle n'invoque un élément de preuve quelconque pour suppléer à l'insuffisance dudit acte;

Attendu qu'en considérant cet acte comme faisant par lui seul preuve de son contenu, l'arrêt attaqué a donc formellement contrevenu à l'article 1526 du C. civ.

Sur le pourvoi formé par Louwage et tiré de la violation des articles 1125, 1124, 1135, 1145, 1158, no 3, 1513, 1124 et 1134 du C. civ., ainsi que des articles 1986 et 1999 du même code, en ce que l'arrêt attaqué a réduit le prix convenu pour l'exécution d'un mandat:

Attendu que l'annulation de l'arrêt attaqué sur le premier pourvoi ne dispense pas la Cour de statuer sur le second, puisque Decocq, l'un des trois défendeurs à ce dernier pourvoi, ne figure pas dans l'autre instance; que les autres défendeurs ont d'ailleurs droit, en cas de rejet du pourvoi, d'obtenir à charge du demandeur une condamnation à l'indemnité et aux dépens.

Au fond: Attendu que le mandat est de sa nature un acte de bienfaisance; que le droit romain le définissait un office d'amitié et considérait la gratuité comme tellement de son essence que toute rétribution le faisait dégénérer en location d'ouvrage (L. 1, ff., mandati vel contrà); que si le Code civil n'a pas adopté ces principes rigoureux, principes dont on s'était d'ailleurs déjà écarté sous le droit romain (L. 6, § 1er, ff., eod tit.), il a pourtant maintenu au mandat son caractère de désintéressement et de générosité en proclamant par l'article 1986 qu'il est gratuit; qu'en ajoutant immédiatement s'il n'y a convention contraire, la loi n'a pu entendre autoriser les parties à fixer arbitrairement le prix du mandat et détruire ainsi le principe qu'elle venait de poser ; qu'elle n'a voulu les autoriser qu'à convenir d'une rémunération équitable, c'est-à-dire, d'un salaire comme le qualifie l'article 1999, salaire qui doit être moins un lucre qu'une indemnité, ainsi que l'énonce formellement l'exposé des motifs de la loi et que le répètent, en d'autres termes, le rapport au tribunat et le discours de l'orateur du tribunat au corps législatif;

Attendu que l'arrêt attaqué, en réduisant, dans l'espèce, le salaire promis après avoir constaté en fait qu'il était hors de proportion avec les services rendus, a donc fait une saine application des articles 1986 et 1999 du C. civ., et n'a pu dès lors violer les autres textes cités à l'appui du pourvoi et qui concernent les conventions en général;

Par ces motifs, statuant par un seul et même arrêt sur les deux pourvois : en ce qui concerne celui formé par Wannaar et Vandamme, casse et annule à l'égard de ces derniers l'arrêt de la Cour d'appel de Gand en date du 11 juin 1849; renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bruxelles, pour être statué comme il appartiendra; ordonne que le présent arrêt soit transcrit sur les registres de la Cour d'appel de Gand et que mention en soit faite en marge de l'arrêt annulé; ordonne la restitution de l'amende et condamne le défendeur aux dépens. En ce qui concerne le

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