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fausseté de l'idée mère du système de la demande sur la question du 1er moyen du pourvoi, en même temps qu'ils forment l'élément essentiel de sa solution; cette idée considère la permission de l'autorité publique administrative comme un acte qui ne donne d'ordre à personne, n'impose par suite d'obligation à personne envers celui qui l'obtient, lève seulement un obstacle, et place seulement l'établissement qu'elle concerne dans la même position que les établissements auxquels une permission n'est pas nécessaire. Il y a là, MM., une vue tout à fait incomplète de l'état de choses que la loi a créé; on ne voit dans la permission de l'autorité publique que la levée pure et simple,dans un cas donné,de la défense d'ériger l'établissement industriel, que le bénéfice qu'en retire le propriétaire dans ce cas, et que le tort qui en résulte dans le même cas pour les propriétaires voisins; l'on fait abstraction et des dispositions de la loi qui imposent cette défense, et de celles qui autorisent à la maintenir et à la rendre définitive, et de celles qui autorisent à ne la lever que sous des conditions onéreuses prolongeant à l'infini la servitude de l'industriel, et des effets divers et généraux qu'elle produit sur tous ceux qu'elle frappe comme sur tous ceux qui habitent les lieux où un établissement pourrait s'élever, l'on fait enfin abstraction du sens de la qualification qu'elle donne aux actes rendus pour son exécution; ce sont pourtant ces dispositions réunies, ces effets divers et généraux et cette qualification qui constituent dans leur ensemble l'état de choses créé par la loi, la position faite par elle, non à tel ou à tel industriel, mais à tous les industriels, et par suite à tous les intérêts en rapport avec l'exercice qu'ils font de leur industrie, de leurs capitaux et de leur propriété; ce sont en conséquence ces disposigions, ces effets et cette qualification qui, dans leur ensemble aussi, déterminent le caractère des actes de l'autorité chargée d'exécuter la loi; à ce point de vue, le seul conforme à la réalité, il y a une différence du tout au tout entre les établissements dispensés d'autorisation et les établissements qui s'y trouvent soumis; il est impossible de ne voir dans la permission obtenue pour l'érection de ceux-ci qu'un acte qui les replace purement et simplement dans la position des premiers relativement aux tiers, et qui par suite leur est étranger à eux et à leurs intérêts comme à leurs droits. Quelques mots acheveront de mettre cette pensée en lumière : ceux qui veulent user de leur industrie, de leurs capitaux et de leur propriété foncière pour élever des établissements dispensés d'autorisation sont libres de leurs actes avant l'érection, et

ils en restent libres après qu'elle a eu lieu;, ils n'ont à en répondre que devant les tribunaux, et que, dans la mesure de leur droit et du droit de ceux qui prétendraient s'opposer à ce qu'ils font; ceux-ci, de leur côté, doivent être sans cesse en garde contre ce qui se passe autour d'eux; ils doivent agir à leurs risques et périls pour faire cesser le mal qu'ils disent éprouver de la part de l'industrie, si toutefois ce mal excède les limites du droit de celle-ci. Rien de semblable ne peut se dire des établissements soumis à l'autorisation avant leur érection l'industriel n'est pas libre de ses actes, quelque droit qu'il prétende avoir, il dépend de l'autorité publique; les tiers de leur côté n'ont pas nécessairement à se sauvegarder eux-mêmes à leurs risques et périls, et dans la mesure de leur droit seulement; la loi veille pour eux, elle défend, rien ne pourra se faire sans l'intervention de l'autorité instituée par elle; cette intervention est prescrite en termes généraux, et non pas en termes qui la restreignent à tel ou tel droit, à tel ou tel intérêt; elle aura donc égard à l'intérêt de tous, et nous verrons bientôt qu'elle les appellera tous à se faire entendre; elle réglemente donc dans l'intérêt de tous, et jusques-là nulle comparaison n'est possible entre les établissements de la première catégorie et ceux de la seconde; la différence cesse-t-elle par la permission? Il faudrait pour cela l'isoler de la servitude qu'elle détruit dans un cas donné et des intérêts auxquels cette servitude profitait contrairement aux intérêts et aux droits enchaînés par elle, et c'est ce qu'on ne peut faire, l'effet de la permission est le corrélatif de l'effet de la défense, et par conséquent a la même étendue qu'elle; il faudrait de plus l'isoler de l'ensemble des dispositions de la loi et de ses effets et généraux, c'està-dire, de ce qui

créé par ellestitue l'état de choses

à l'industrie, à tous les intérêts, à tous les droits privés qu'elle comprend, une position générale de servitude toujours subsistante au profit d'autres intérêts et d'autres droits privés et publics; il faudrait perdre de vue, pour une permission accordée, toutes les permissions refusées, et surtout les permissions refusées, comme il arrive souvent, par des raisons d'utilité incontestables, il est vrai, mais qui, à ne suivre que le strict droit, ne pourraient autoriser les propriétaires voisins profitant du refus à empêcher l'érection des établissements prohibés; il faudrait perdre de vue, pour le bénéfice même d'une permission accordée, les conditions auxquelles elle est subordonnée, conditions onéreuses, souvent même contraires au droit absolu de la propriété et de

pure précaution surabondante en faveur d'autres intérêts privés; il faudrait admettre cette distinction subtile et fausse en cette matière entre l'intérêt public et les intérêts privés comme si la permission, de même que le refus de permission, ses conditions et toute l'économie de la loi, ne touchent pas toujours à un intérêt privé, comme si l'intérêt public ne se composait pas ici de tous les intérêts privés en rapport entre eux, se contredisant les uns les autres, séparés fréquemment par des limites vagues et incertaines, ne pouvant être livrés au strict droit sans qu'il engendre des collisions continuelles ou dégénère en suprême injustice, devant en conséquence être conciliés par la voie du règlement qui accorde et refuse à l'un tout à la fois au détriment et au profit de l'autre, à l'industrie au détriment et au profit de la propriété et des personnes, à la propriété et aux personnes au détriment et au profit de l'industrie; il faudrait oublier les termes généraux de la loi, qui permet comme elle défend sans distinction ni exception, et par suite permet comme elle défend pour et contre tous; il faudrait oublier qu'elle fait de la permission un acte d'autorité publique, acte général comme elle-même est générale, et ayant la même force qu'elle (legis vicem) à titre de règlement d'administration publique; il faudrait oublier enfin qu'un pareil règlement concorde parfaitement avec le droit de propriété, toujours subordonné comme tous les droits aux limites que lui assignent la loi et les règlements portés en exécution de la loi. Il n'y a donc nulle comparaison possible, pas plus après qu'avant l'érection des établissements soumis à l'autorisation, entre leur position vis-à-vis des tiers et celle des établissements dispensés d'autorisation. Appréciée comme elle doit l'être, c'est-à-dire au point de vue de l'ensemble des disposi tions de la loi, des actes portés en exécution d'icelles et de leurs effets, la nature de l'une est toute différente de celle de l'autre; l'article 73 de la loi du 21 avril 1810 élève entre elles deux une barrière qui empêche de les confondre dans aucun temps; cet article et les actes d'exécution portés en conséquence produisent effet envers et contre tous, quant à l'existence des établissements autorisés; ils n'ont fait et ils ne peuvent avoir fait de distinction entre l'intérêt public et les intérêts privés; c'est ce que confirment encore, et de la manière la plus explicite, les art. 57, 58, 74, 79 et 80.

Les art. 57 et 58 sont relatifs à l'exploitation des minières ; cette exploitation ne peut avoir lieu sans une permission de l'autorité publique administrative; ce sont les termes

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de la loi, et ces termes, on le voit, sont identiquement les mêmes que ceux de l'art. 73 relatif à la construction et à l'exploitation des fourneaux à fondre les minerais de fer et autres substances métalliques; il ne peut donc y avoir de différence, si la loi ne s'en est expliquée, et elle ne l'a point fait, entre la signification de ces termes dans un article et leur signification dans l'autre, tous deux d'ailleurs placés sous le même titre; or jamais l'on n'a contesté que la permission accordée pour l'exploitation des minières ne constituât un titre et ne conférât un droit au concessionnaire à l'égard de tous tiers, quelques fussent leurs intérêts, leurs droits et leurs prétentions; jamais l'on n'a contesté que dans ce cas, l'autorité publique ne fût investie d'un pouvoir d'appréciation de tous les intérêts et de tous les droits en vue de l'intérêt général, que ces intérêts et ces droits constituent dans leur ensemble; il doit donc en être de même dans le cas de l'article 75; la similitude des termes dans lesquels la loi s'exprime pour ce cas comme pour celui de l'art. 57 indique un seul et même dessein, le règlement de l'exercice de droits et d'intérêts divers en opposition entre eux, règlement ayant force de loi, et à ce titre tout à la fois obligatoire et profitable pour tous dans la juste mesure qu'une administration intelligente et probe a dû dispenser à tous.

C'est ce que prouvent non moins clairement les art. 79 et 80, dont il résulte que la permission d'ériger des fournaux implique, au moins en ce qui concerne le fer, une concession de minières, ce qui suppose, comme une suite naturelle, le même caractère de concession envers et contre tous dans la permission elle-même.

C'est ce qu'achève de prouver l'article 74, cet article est relatif aux formalités et aux conditions à remplir pour l'instruction et la décision des demandes de permission; il prescrit d'abord la publication de ces demandes dans tous les lieux où peuvent se trouver des intérêts qu'elles touchent, et certes il s'agit bien là d'intérêts privés; la loi charge l'autorité publique de les apprécier; elle la charge de les apprécier, si l'on veut, dans un intérêt public, dans un intérêt de police, mais elle doit puiser cet intérêt dans la nature de ces intérêts privés, puisqu'ils constituent l'intérêt public par leur réunion, puisqu'ils sont appelés à se faire entendre, et sont tenus ainsi comme partie dans l'affaire, puisque la police n'est rien d'autre que le gardien institué pour la sûreté des personnes et des biens des particuliers, comme pour celle de l'État; telle est donc la

portée de la loi, elle embrasse tous les intérêts; il en est donc de même de son exécution, autrement cette exécution serait imparfaite; si l'on pouvait d'ailleurs conserver encore quelque doute, la suite de l'article le dissiperait; il prescrit au gouvernement de prendre, avant de statuer sur les demandes, quatre sortes d'avis, dont par cela même elle le rend l'arbitre; l'avis du préfet, celui de l'administration des mines, celui de l'administration des forêts, et celui de l'administration des ponts et chaussées; ces trois derniers avis concernent exclusivement l'intérêt public proprement dit, celui qu'à ce titre il est, à la rigueur, possible de distinguer de l'intérêt privé, et ils suffiraient si cet intérêt était le seul que la loi eût en vue; mais il n'en est plus de même du premier, de celui du préfet; cet avis embrasse la demande et en même temps les oppositions à cette demande; « le préfet, porte l'article, donnera son avis, > tant sur la demande que sur les oppositions > et les demandes de préférence qui seraient >> survenues. » Or de qui peuvent venir ces oppositions? Quel peut en être l'objet? A quoi pent tendre l'avis du préfet sur elles? Quelle signification enfin ces demandes de préférence, sur lesquelles doit aussi porter son avis, donnent-elles à la résolution du gouvernement? Les oppositions ne peuvent venir que des tiers, des particuliers, des voisins, craignants pour leurs intérêts, réclamants au nom de ces intérêts, et il suffit d'avoir quelqu'expérience de ces sortes d'affaires pour savoir qu'elles ne viennent en effet que de là et qu'à cette fin; tel en est donc l'objet, el remarquons que le mot oppositions l'indique par lui-même; il montre qu'il ne s'agit pas ici d'une simple enquête ouverte par la loi, de simples renseignements appelés par elle; le mot opposition exclut cette idée, il suppose dans celui qui la fait un intéressé, agissant pour son intérêt, le fesant valoir devant l'autorité à laquelle il l'adresse, par conséquent une résolution à prendre en vue de cet intérêt, et ainsi en même temps qu'il indique son objet, il marque à quoi tend l'avis du préfet; cet avis ne peut tendre qu'à éclairer le gouvernement sur la valeur des intérêts engagés de tous côtés dans la demande de permission, ce qui implique la conséquence qu'il doit avoir à s'occuper de ces intérêts, à prononcer sur eux, et que, par suite, la permission qu'il accordera sera une véritable concession dont l'existence ne pourra plus rencontrer d'obstacle dans ceux à qui ces intérêts appartiennent; ce caractère de concession se retrouve dans les demandes de préférence sur lesquelles doit aussi porter l'avis, car de pareilles demandes, émanées

d'intérêts privés, et formées en vue de ces intérêts, supposent que, dans la permission, il doit y avoir un acte de l'autorité publique contenant, quant à l'existence des établissements autorisés, un règlement d'administration publique conférant droit, et devant lequel doivent s'incliner tous les intérêts privés que l'auteur de ce règlement a dû apprécier dans la juste mesure d'équité à laquelle tous pouvaient prétendre.

Tout se réunit donc dans la loi, dont tire sa force l'arrêté d'autorisation du défendeur, pour démontrer que cet arrêté n'est étranger à aucun intérêt, pas plus à celui au nom du-, quel réclame aujourd'hui le demandeur qu'à tous autres; qu'il a dû être apprécié quant à l'existence de l'établissement de la VieilleMontagne lors de la permission sur laquelle elle repose, et que les tribunaux n'auraient pu revenir sur cette appréciation légalement faite pour interdire l'établissement, sans commettre un véritable excès de pouvoir, et par conséquent sans sortir de leur compétence.

Les considérations qui nous ont conduit à cette solution de la question principale du litige écartent de l'arrêt de la Cour d'appel de Liége les contraventions qui lui sont reprochées par le premier moyen.

Ainsi elle ne peut avoir méconnu les articles 11, 92 et 107 de la Constitution.

L'art. 11 consacre l'inviolabilité de la propriété, mais laisse à la loi le soin d'en déterminer les limites et les règles, soit directement, soit par voie de règlement, et nous avons vu que l'arrêt attaqué n'est que l'application de ce principe. Certes on peut s'élever contre les abus du pouvoir réglementaire, abus qui toutefois ne se présument point; mais ce pouvoir n'en existe pas moins, il n'en est pas moins nécessaire pour faire vivre ensemble, et moyennant de justes concessions, des intérêts divers également respectables, et qui, sans ces concessions, seraient souvent impossibles au grand détriment de la chose publique; renfermés dans ces limites, les actes de ce pouvoir ne peuvent donc être qualifiés, comme on l'a fait, d'actes d'expropriation pour cause d'utilité privée, et n'ont par conséquent rien d'incompatible avec l'article 11 de la Constitution.

Les art. 92 et 107 investissent les Cours et tribunaux du pouvoir de juger les contestations sur les droits civils sans égard aux arrêtés illégaux qui y porteraient atteinte, mais ce pouvoir doit, sous peine d'excès, avoir toujours pour guide la loi et les règlements, et la Cour de Liége n'a fait que se conformer à ce principe en se déclarant incompétente

sur une action par laquelle on lui demandait de n'avoir aucun égard à l'un de ces règlements portés en exécution de la loi.

Ainsi encore elle n'a point méconnu l'article 11 de l'arrêté royal du 31 janvier 1834; cet article n'est pas applicable à la loi du 21 avril 1810, et, le fût-il, n'a pas la signification que lui donne le pourvoi.

La loi du 21 avril, nous l'avons vu, est une loi spéciale qui contient les règles de la matière des mines et de leur accompagnement nécessaire, les fournaux à fondre les substances métalliques; nous avons vu également que l'arrêté de 1824, comme le décret d'octobre 1810, dont il n'est que la réproduction, portait sur des objets distincts de ceux de la loi du 21 avril; qu'on pouvait bien en argumenter par analogie, mais que ses dispositions étaient distinctes de celles de cette loi, et qu'en effet il y renvoie pour tout ce qui concerne les fonderies de minerais. En second lieu l'art. 10 n'a pas la signification que lui attribue le demandeur : nous avons toujours eu soin de restreindre la solution de la question, et les considérations qui nous y ont conduit, aux rapports généraux des divers geures de propriété entre eux et avec les personnes, comme à la responsabilité générale qui en dérive; ce sont en effet ces rapports généraux seuls, cette responsabilité générale seule que la loi et les règlements portés en exécution de ses dispositions ont pu avoir en vue, car ce sont les seuls qu'il est possible à la loi de connaître, de prévoir, et partant d'apprécier pour les livrer au pouvoir réglementaire dans la mesure qu'elle juge convenable, ce sont les seuls aussi qu'il est possible à ce pouvoir de combiner et de concilier entre eux; quant aux rapports et aux droits particuliers qui résultent d'actes particuliers propres à deux personnes à l'encontre l'une de l'autre, et qui, à ce titre, les affectent elles ou leurs biens, ils leur échappent nécessairement;car, d'une part, ils sont lettre close pour la loi, et, d'autre part, ils forment par leur nature obstacle à l'œuvre du pouvoir réglementaire, en ce qu'ils ne peuvent qu'être ou n'être pas, et que d'ailleurs il faudrait auparavant en déterminer la valeur et l'étendue particulières, ce pourquoi le pouvoir judiciaire a seul compétence; ils n'ont donc pu entrer dans les prévisions du pouvoir législatif ni dans les dispositions portées en conséquence; ils ont donc dû rester en dehors des mesures contenues dans ces dispositions ou prescrites par elles; il en est d'eux comme des titres particuliers que des tiers prétendent avoir à la propriété d'une mine dont la concession

est demandée, titres auxquels l'administration publique ne peut préjudicier par ses concessions, quoiqu'elle ne soit tenue à aucun égard envers la propriété générale du sol embrassant le dessus et le dessous. Or c'est à ces rapports, à ces droits particuliers et à ces actes personnels, dont les uns et les autres résultent, que se réfère l'article 10 de l'arrêté royal du 31 janvier 1824; c'est ce qu'indiquent l'énumération qu'il emploie, contrals, possession et autres titres semblables; sous ces termes on ne peut certes comprendre les rapports généraux des diverses propriétés entre elles et avec les personnes, sans rendre absolument inutile l'énumération, et sans assimiler entre elles des choses tout à fait dissemblables; ces rapports généraux et la responsabilité générale qui en dérive restent donc l'objet de l'arrêté, nonobstant l'article 10, et c'est dans ce sens, et avec raison, vu l'objet que doit embrasser la sollicitude de la police, c'est dans ce sens que cet article porte que les dispositions à prendre ne le sont qu'au point de vue d'une bonne police; sous aucun rapport donc il ne peut avoir été violé par l'arrêt dénoncé.

Nous devons en dire autant des art. 537, 544 et 545 du C. civ., ils consacrent le droit de propriété, mais en y ajoutant en même temps des limites restrictives qu'on rencontre dans la loi même dont la Cour de Liége a fait l'application dans l'espèce.

Elle n'a pas pu violer davantage l'art. 639, qui énumère les diverses espèces de servitudes. La loi du 21 avril 1810 est une loi spéciale, dont la signification et la portée sont indépendantes de cet article, et y dérogeraient d'ailleurs au besoin; il est donc sans application à l'espèce.

Il en est de même des art. 1143, 1370, 1184 et 1382, relatifs aux effets des contrats. Il ne s'agit pas ici de contrat, il ne s'agit pas non plus de quasi-contrat en présence d'une loi qui règle dans une matière spéciale les rapports des propriétés et des personnes.

Cette loi, nous en avons vérifié la nature et la portée, et nous avons vu que l'arrêt attaqué n'y a pas plus contrevenu qu'aux dispositions que nous venons de parcourir.

La question que nous avons posée en com、 mençant ne peut donc être résolue que négativement, ce qui entraîne le rejet du premier moyen; les tribunaux ne sont pas compétents pour prononcer sur une demande de suppression et de démolition d'une fonderie de zinc érigée en vertu d'un arrêté royal.

Nous ne finirons pas sur cette question sans appeler en quelques mots votre atten

tion sur les termes dans lesquels nous l'avons renfermée; nous avons traité de la compétence des tribunaux pour prononcer la suppression d'une fonderie; nous n'avons nullement entendu traiter la question de leur compétence pour prononcer sur une demande d'indemnité du chef de préjudice souffert à cause de la fonderie par un propriétaire voisin; c'est là une question qu'il ne faut pas confondre avec la première; elle en différe grandement, et c'est sur elle seulement que la jurisprudence s'est prononcée jusqu'aujourd'hui dans la question de suppression de l'usine la responsabilité, du chef de son existence, est engagée; dans la question d'indemnité il n'y a d'engagé que la responsabilité du chef des actes qui suivent cette existence, et des effets de ces actes. La loi peut bien avoir voulu accorder un droit d'érection contre lequel les tribunaux ne peuvent rien sans avoir pour cela voulu dispenser de toute indemnité du chef de préjudice souffert; car elle a pu ne pas voir un grand danger dans le pouvoir réglementaire accordé par elle à l'administration publique, précisément par cela même que le droit à des indemnités était une puissante garantie contre les suites de ce pouvoir et les abus qu'il pouvait entraîner; l'incompétence des tribunaux peut donc fort bien exister du chef de l'érection d'une usine sans exister du chef des dommages causés par sa mise en activité; ordonner la suppression d'une usine autorisée par un règlement d'administration publique ou accorder des indemnités du chef de ce que peuvent en souffrir des voisins, sont deux actes différents qui peuvent être indépendants, et la loi peut avoir interdit l'un à la justice sans pour cela lui avoir interdit l'autre, comme elle peut avoir accordé à l'autorité administrative le pouvoir d'autoriser l'érection sans lui avoir accordé le pouvoir de dispenser de toute indemnité envers des voisins pour prix du bénéfice de la permission. C'est ce dont nous avons un exemple dans le décret du 15 oct. 1810; l'art. 11 de ce décret réserve aux tribunaux le pouvoir d'abitrer les dommages dont sont passibles les entrepreneurs des établissements maintenus qui préjudicient à leurs voisins; mais l'art. 12 réserve au gouvernement seul le pouvoir de les supprimer, de sorte que ces établissements peuvent être maintenus, tandis qu'en même temps les tribunaux peuvent condamner les entrepreneurs à des indemnités pécuniaires, et qu'ainsi la question de suppression et de compétence à cette fin est toute distincte de la question d'indemnité et de la compétence pour en connaître.

Cette dernière doit donc rester étrangère

aux considérations par lesquelles nous avons résolu la première, nous n'avons nullement entendu la résoudre dans un sens ou dans l'autre, et votre arrêt n'en recevra sans doute aucune influence.

Nous passons au second moyen du pourvoi.

Les contraventions reprochées à l'arrêt par ce moyen sont alternatives.

Les unes consistent en ce que la Cour d'appel aurait déclaré les tribunaux incompétents, non-seulement pour connaître d'une demande générale de suppression de fonderie de zinc légalement autorisée, mais encore pour connaître d'une demande de suppression spécialement fondée sur l'inaccomplissement des conditions sous lesquelles l'autorisation a été accordée.

Les autres contraventions consistent en ce que si la Cour d'appel n'a pas admis ce double chef d'incompétence, elle a jugé au fond pour la première fois en appel, et sans conclusions aucunes des demandeurs, ce qui n'avait pas été jugé en première instance, elle a jugé que la preuve de l'inaccomplissement des conditions de la permission d'ériger la fonderie n'avait pas été faite.

Nous pensons, MM., que la Cour d'appel n'a prononcé aucune des décisions que supposent les deux sortes de contraventions alternativement imputées à son arrêt, et qu'ainsi le moyen manque de base. Cet arrêt, nous devons le reconnaître, est assez obscur en ce point, et nous devons regretter que les qualités ne l'aient point éclairci par un peu plus de détails touchant ce qui s'est passé dans les débats sur lesquels la Cour d'appel a prononcé; les avocats qui plaident en appel devraient porter leur attention particulière sur ce point, et se souvenir que la Cour de cassation ne peut puiser les faits dont la connaissance lui est nécessaire pour prononcer sur les pourvois que dans les décisions attaquées; que, faute de détails suffisants à cet égard, elle éprouve maintes fois des embarras regrettables, parce qu'ils peuvent être une cause d'erreur. Dans l'espèce, les qualités sont évidemment incomplètes, car il résulte des motifs et du dispositif de l'arrêt qu'il a été pris des conclusions subsidiaires qui n'y sont nullement rapportées, et que, par la forme de ces conclusions et les débats qui se sont engagés sur elles, la Cour a cru devoir les interpréter dans ce sens que les parties ou au moins le demandeur a mis hors de cause la question d'inaccomplissement des conditions sous lesquelles l'érection de la fonderie du défendeur a été permise; cette interprétation ressort, sinon explicitement,

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