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cle 1134, C. civ.), et les tribunaux devraient se refuser à faire application de l'acte administratif (art. 107 de la Constitution). C'est là le cas spécialement prévu par l'art. 10 de l'arrêté de 1824. Mais on ne peut assimiler ce cas à celui où il n'existe que ce que le demandeur appelle un quasi contrat de voisinage aux termes de l'art. 544, C. civ., chacun pent disposer de sa propriété comme bon lui semble, pourvu qu'il n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. Or celui qui a obtenu l'autorisation d'ériger une fabrique insalubre ou incommode, loin de faire de sa propriété un usage prohibé par des dispositions législatives ou réglementaires, agit en vertu du règlement public qui lui concède légalement l'autorisation. Il ne viole donc aucune des lois invoquées par le pourvoi. La défenderesse soutient enfin que si l'arrêté du 31 janvier 1824 avait la portée que lui attribue le demandeur, cet article serait inconstitutionnel, puisqu'il n'était pas au pouvoir du Roi de changer le décret-loi de 1810, et encore moins les lois sur les mines. A l'appui de son système la défenderesse cite plusieurs autorités et la jurisprudence française; elle cite encore un arrêt de cette Cour du 9 juillet 1846 (Bull., 1846, p. 390) qu'elle prétend favorable à son système, et un arrêt de la Cour de Cologne joint au dossier.

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Réponse au 2 moyen. La défenderesse répond qu'il résulte des conclusions prises par le demandeur en première instance qu'il n'a

pas demandé l'interdiction de l'usine, par le motif que la société ne se serait pas conformée aux conditions de l'octroi; l'allégation que, dans le principe, il avait hasardée à cet égard a été retirée, et il a soutenu simplement que la défenderesse n'avait pris aucune mesure pour retenir et condenser dans l'intérieur de l'usine les émanations de fours à réduction. La Cour d'appel n'avait donc pas à examiner la question de compétence dans l'hypothèse du défaut, par la défenderesse, d'exécuter les conditions qui lui étaient imposées.

La Cour dit, dans les conclusions de l'arrêt attaqué,que l'intimé n'a pas demandé à prouver que la société de la Vieille-Montagne n'aurait pas rempli les conditions de son octroi, que l'expertise sollicitée par lui ne servirait qu'à démontrer l'inefficacité des mesures ordonnées par l'administration. La Cour a déclaré le pouvoir judiciaire incompétent pour connaître de la demande ainsi formulée. C'est une erreur de supposer qu'elle aurait repoussé la demande comme non fondée, cette demande n'avait pas été formée.

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Réponse au 3° moyen. La société défenderesse dit que le tribunal de première instance n'ayant rien statué en ce qui concerne la demande relative aux fours en construction, elle a voulu en terminer définitivement en soumettant tout le débat à l'appréciation de la Cour, en conséquence elle a conclu à ce qu'il plût à la Cour, en réformant le jugement a quo, non-seulement déclarer que les tribunaux sont incompétents pour statuer sur le débat, mais encore renvoyer l'appelant de l'action qui lui était intentée.

Il est vrai que le demandeur n'a pas produit devant la Cour d'appel sa demande, quant aux fours, et que néanmoins la Cour a déclaré cette demande non recevable, mais on ne conçoit pas en quoi, sous ce rapport, la Cour aurait violé les dispositions invoquées par le pourvoi. Le demandeur devait répondre aux conclusions de la société défenderesse, la Cour s'en trouvait saisie, s'il ne l'a pas fait, il en résulte simplement, ou que l'arrêt est contradictoire sur le tout, s'il faut s'en tenir à la doctrine de plusieurs arrêts des Cours de France (Nîmes, 3 vent. an XIII, Bordeaux, 1 juillet 1828), ou que, d'après une jurisprudence plus uniforme, l'arrêt est par défaut pour les points omis dans les conclusions de M. Osy (Cass., 1° niv. an vin, 14 août 1832, 12 mars 1816, Metz, 18 juin 1818, Br., 9 déc. 1830). Il était donc libre au demandeur, intimé, de former opposition au dispositif de l'arrêt qui statuait sur les fours en construction. S'il ne l'a pas fait tant pis pour lui, mais il ne peut prétendre que la Cour d'appel aurait violé les dispositions citées à l'appui du pourvoi.

M. le procureur général Leclercq a conclu au rejet du pourvoi en ces termes :

Une fonderie de zinc a été érigée en vertu d'une autorisation accordée par arrêté royal.

Le propriétaire d'une habitation et de terres voisines a prétendu que cette fonderie causait à sa propriété un dommage considérable et permanent; il a de ce chef formé une demande tendante à ce qu'elle fût supprimée et au besoin démolie.

Les tribunaux sont-ils compétents pour prononcer sur cette demande?

Telle est la question principale que ce pourvoi soumet à votre décision; elle est l'objet du 1er moyen; il vous en soumet aussi deux autres, mais d'une moindre importance au point de vue du droit; nous nous en occuperons après avoir émis notre avis sur la première.

A ne voir que la surface extérieure de cette

question, si nous pouvons nous exprimer ainsi, elle semble ne présenter aucune difficulté, et la compétence des tribunaux apparaît évidente.

Au premier abord, en effet, nous rencontrons, d'un côté, une partie qui se plaint de souffrir une atteinte continue dans sa propriété par le fait de l'existence d'une fonderie de zinc, et qui demande la cessation de ce fait, cause du mal éprouvé par elle. Nous rencontrons, d'un autre côté, l'auteur du fait qui prétend avoir le droit de le poser: renfermé dans ces termes, le débat semble se réduire à une simple question du tien et du mien, c'est-à-dire, à une contestation sur des droits civils placée par l'art. 92 de la Constitution dans les attributions du pouvoir judiciaire; mais les limites n'en sont pas aussi restreintes, et la question qui en dérive n'a pas cette simplicité qui ne pourrait donner matière à doute.

Le droit que l'on prétend avoir de faire ce qui a été fait, on le puise dans un arrêté royal et dans les dispositions de la loi, en vertu desquelles il a été porté; dans ce système, et suivant ces dispositions, la loi a cherché à concilier les intérêts opposés des personnes, des propriétés et de l'industrie; à cette fin elle a, dans l'intérêt des personnes et des propriétés, interdit à l'industrie la liberté naturelle qui lui appartenait d'ériger toute espèce d'établissements sans avoir de ce chef à répondre que de ses actes dans leurs effets ultérieurs mis en rapport avec le tort causé ou la violation du droit d'autrui; elle a, dans le même intérêt, subordonné cette liberté pour certains établissements à des mesures préventives qui, tantôt en arrêtent complètement l'action, tantôt lui imposent des charges onéreuses; elle a par contre, et comme une juste compensation de cette interdiction, de ces mesures préventives, des défenses et des obligations qu'elles impliquent, elle a, dans l'intérêt de l'industrie, supprimé la responsabilité qui lui incombait du chef de l'existence de ces établissements à l'encontre de chaque personne ou de chaque chose atteintes par eux, responsabilité qui était le contrepoids ou le correctif de la liberté enlevée, et qui a par conséquent dû disparaître avec elle; elle n'a plus laissé subsister de ce chef d'existence que la responsabilité dépendante de titres ou actes particuliers, et par cela même étrangère à l'abus de la liberté naturelle d'exister et à la responsabilité correspondante à cette liberté; elle n'a enfin pas prononcé une expropriation quelconque des propriétés voisines des établissements érigés sous le bénéfice comme sous les charges de

ses dispositions; elle a, prenant égard à tous les droits, prescrit les mesures propres à les sauvegarder tous; et de là il suit que le gouvernement, qui exécute ses prescriptions, qui, après avoir entendu tous les intéressés, prohibe l'érection d'un établissement industriel ou l'autorise, soit purement et simplement, soit sous certaines conditions, ne prononce pas plus que la loi des expropriations; il ne fait que réglementer dans un cas déterminé par elle, et aux fins de les concilier entre eux et avec l'intérêt public que leur ensemble constitue, l'exercice des droits de la propriété sous les formes diverses qu'elle affecte; il use ainsi d'un pouvoir en parfait rapport avec les limites de ces droits; les actes de ce pouvoir se maintenant de la sorte dans les termes de la loi doivent être respectés par tous, par les tribunaux comme par les particuliers; ils ne peuvent être modifiés que par lui-même; le tribunal qui en ferait abstraction pour ne tenir nul compte de l'autorisation accordée à l'érection d'un établissement industriel, pour faire renaître à charge de cet établissement la responsabilité générale essentiellement inhérente à la liberté naturelle d'exister détruite dans son principe et dans ses effets par la loi et par l'arrêté d'autorisation, et pour lui appliquer les conséquences de cette responsabilité, commettrait un excès de pouvoir, empiéterait sur le pouvoir exécutif et sortirait des limites de sa compétence.

Ces considérations, MM., nous montrent l'étendue en même temps que le noeud de la question de compétence que vous êtes appelés à résoudre; elles ne nous permettent plus, si elles sont vraies, de voir dans l'action portée devant le tribunal et la Cour d'appel de Liége une simple question du tien et du mien, une simple question sur des droits civils; cette action touche aux attributions des grands pouvoirs publics, et si la véritable question qu'elle soulève doit être résolue dans le sens de la défense, la demande que celle question comprend, c'est-à-dire la demande de la suppression de l'usine du défendeur, ne peut être portée devant les tribunaux, ils sont incompétents pour en examiner le fondement, pour l'accorder ou la refuser. Le demandeur, comme le tribunal et la Cour d'appel de Liége, l'ont entendu ainsi; et c'est en effet sur ce point que l'un a porté le débat et les autres leurs investigations; ils ont compris que si le principe de l'exception d'incompétence, tel que nous venons de le définir, était vrai, les conséquences déduites de ce principe l'étaient également, et l'exception devait être admise; ils l'ont donc vérifié, et

tandis que la Cour d'appel l'a reconnu, le tribunal de première instance et le demandeur l'ont contesté. Dans leur système, les dispositions de la loi, en vertu desquelles est accordée l'autorisation d'ériger certains établissements industriels, et spécialement la fonderie de zinc dont il s'agit, n'ont pas la portée que le système contraire leur oppose; elles n'ont pas pour but de concilier les intérêts opposés des personnes, des propriétés et de l'industrie, et à cette fin de réglementer l'exercice des droits qui s'y rattachent en supprimant ou modifiant, d'une part, la liberté naturelle d'ériger des établissements industriels et en abolissant, d'autre part, la responsabilité générale inhérente à cette liberté, la loi ne s'est occupée ni des individus, ni de leurs droits, ni des rapports et des obligations que ces droits créent entre eux; elle ne s'est occupée que de l'intérêt public considéré, abstraction faite des intérêts privés; c'est dans ce seul but qu'elle a porté atteinte à la liberté naturelle de l'industrie; c'est dans les limites que ce but comporte qu'elle a dispensé les établissements industriels de la responsabilité inhérente à la liberté. Les arrêtés du gouvernement, qui exécutent ses dispositions, n'ordonnent pas l'érection des établissements, ils la permettent, ils se bornent à lever l'obstacle d'ordre public qu'elle rencontrait, à les replacer par là dans la même position que les établissements auxquels cet obstacle est étranger, et de là il suit que tous les rapports de ces établissements avec les droits privés des personnes et des propriétés individuellement considérées sont en dehors des dispositions de la loi et des actes d'exécution pris par le pouvoir exécutif; qu'un établissement industriel créé sous le contrôle de ces dispositions et de ces actes n'en tire d'autre bénéfice que de se trouver dans la même position que les établissements libres de tout contrôle; qu'il peut bien par cela seul se trouver en règle vis-à-vis des intérêts qu'ils sont destinés à sauvegarder, c'est-à-dire vis-à-vis de l'intérêt public seulement, mais qu'il n'est pas en règle vis-à-vis des intérêts et des droits privés auxquels la loi est étrangère, et a laissé le soin de se sauvegarder eux-mêmes; qu'il reste vis-à-vis de ces intérêts dans une position indépendante du contrôle de la loi et de ses effets, c'est-àdire, dans la position de responsabilité privée que ce contrôle ne lui a pas enlevée, qu'en conséquence les tribunaux peuvent prononcer à ce sujet sans empiéter en rien sur les attributions du pouvoir exécutif; qu'en cela ils ne prononcent que sur ce que ce pouvoir, comme la loi qu'il exécute, ont laissé intacts, ils ne font qu'apprécier, qu'accorder

ou que refuser une demande de suppression d'usine formée au nom de droits et d'intérêts laissés par la loi en dehors de ses règles, ils ne prononcent que sur une pure question du tien et du mien, ils ne sortent pas des limites de leur compétence.

Là donc est le noeud de la question principale du litige; elle devra être résolue affirmativement ou négativement, les contraventions reprochées à l'arrêt de la Cour d'appel de Liége dans le premier moyen du pourvoi existeront ou n'existeront pas, suivant que la loi et l'arrêté royal, qui a, dans l'espèce, été rendu en exécution de ses dispositions, ont la portée que lui attribuent l'un ou l'autre des deux systèmes que nous venons d'analy ser, suivant que nous devrons décider ou que la loi, dont cet arrêté tire sa force, a statué, quant à l'existence des établissements industriels,qu'elle concerne, en vue de l'intérêt public, considéré abstraction faite des intérêts et des droits privés des propriétaires voisins ou qu'elle a statué, sous ce rapport, en vue de tous les intérêts et de tous les droits.

Nous pensons, MM., qu'elle a statué en vue de tous les intérêts et de tous les droits, en vue des intérêts privés et des droits qui les consacrent, comme en vue de l'intérêt public et des droits qui s'y rapportent; qu'ici même, par la nature des choses, les uns ne peuvent être séparés des autres; qu'ils forment un seul tout, dont la loi a réglé l'usage dans un but général; que si parfois l'un d'eux, par exemple, la propriété agricole ou bâtie, pent être lésé par ses dispositions au profit d'un autre, par exemple, la propriété industrielle, celle-ci peut aussi n'être pas moins gravement lésée au profit de la première; mais qu'un intérêt commun les domine tous et les place dans une position d'égalité qui interdit à l'un non moins qu'à l'autre de s'élever au nom de son droit absolu contre les mesures que la loi autorise, et de porter, aux fins de les faire détruire, leur plainte de ce chef devant le juge du droit absolu, devant le pouvoir judiciaire.

Les dispositions dont tire sa force l'arrêté royal, qui a permis l'érection de l'usine du défendeur, sont les dispositions de la loi du 21 avril 1810, sur les mines; celles du décret du 15 oct. 1810 et de l'arrêté du 31 janvier 1824 peuvent bien être invoquées par voie d'analogie comme reposant sur le même principe, mais, pour rester dans le vrai, nous devons dire que c'est la loi du 21 avril 1810, qui, en lui donnant force d'autorité, détermine les effets de la permission dont se prévaut le défendeur; l'arrêté qui accorde cette permission a bien pu citer par motifs d'ana

logie, et pour ne rien omettre de ce qui pouvait le justifier, le décret de 1810 et l'arrêté de 1824, mais il repose avant tout sur la loi du 21 avril 1810 qu'il cite également; c'est d'elle seule qu'il tire sa force légale : cette loi, en effet, trace les règles spéciales auxquelles est assujétie l'érection des fonderies de minerais de fer ou d'autres substances métalliques, et elle les trace sans les restreindre, comme le prétend le demandeur, à certains objets, tels que la simple répartition du minerai entre les industriels et la simple économie du combustible, objets qui n'intéresseraient que l'administration des mines et celle des forêts; elle les trace d'une manière générale; ainsi l'indiquent les termes dans lesquels elle est conçue; ainsi l'indique également la diversité d'avis et d'enquêtes auxquels est subordonnée l'érection des fonderies; ainsi l'indique enfin non moins clairement la nature des choses: le législateur ne pouvait, sans se contredire ouvertement, méconnaître ici le principe dont on rencontre en toute circonstance l'application dans la loi sur les mines, le principe de la sûreté et de la salubrité publiques, c'est-à-dire, de ce qui constitue la conservation des personnes et des biens; il ne pouvait le méconnaître dans une circonstance où la nécessité en est plus évidente que partout ailleurs, dans une circonstance où il s'agit de fonderies destinées à dissoudre les minerais à l'aide du feu pour en séparer les éléments étrangers entre eux, et par cela même destinées à produire, à répandre dans l'air des miasmes toujours plus ou moins déletères, et à occasionner par là aux personnes ou aux propriétés un tort qu'il faut prévenir, soit par les précautions que conseille la science, soit par une défense formelle, si ces précautions doivent être inutiles ou si des intérêts trop importants s'opposent à ce qu'on coure la chance d'un mal pour lequel toute réparation serait insuffisante; le législateur ne pouvait surtout méconnaître ce principe de sûreté et de salubrité au moment même où, à l'occasion des permissions données pour l'exploitation des minières, exploitation intimement liée, comme nous le verrons tantôt, avec l'érection des fonderies, il venait de prescrire formellement de ne point perdre de vue les rapports de sûreté et de salubrité publiques; contre ces considérations déduites et des termes formels, généraux de la loi, et de la nature de son objet, que pourraient quelques observations d'un rapporteur parlant devant une assemblée telle que le corps législatif de l'empire français où les explications contradictoires n'étaient pas admises, quand même ces observations auraient le sens restrictif 1' PARTIE.

PASIC. 1851.

que le demandeur leur attribue; on conçoit qu'on y recourt pour expliquer un texte obscur ou ambigu, on ne le conçoit point pour restreindre un texte clair et général, sur lequel seul a porté le vote de ce jury législatif, et qui seul aussi a reçu la publication dont il tire sa force obligatoire pour tous. Ces observations d'ailleurs du rapporteur de la loi n'ont point le sens restrictif qu'on a cru y voir les autres documents relatifs à la rédaction de la loi le prouvent, et notamment le rapport primitif fait au conseil d'État par les auteurs même de la loi; dans ce rapport ils rangent à la vérité, parmi les motifs de la nécessité d'une permission, l'économie du combustible et celle du minerai, mais seule ment comme motifs accessoires, car ils commencent par attribuer la nécessité d'une permission à l'importance de ces établissements (des fonderies), ajoutant que d'ailleurs il faut que leur nombre et leur étendue soient proportionnés à celle des minières et à la consommation des combustibles; ce rapport, qui place ainsi en seconde ligue l'économie en minerai et en combustible dont parle le rapporteur du corps législatif a été fait et discuté au conseil d'Etat le 21 oct. 1808; il nous explique, comme la nature même de la matière, toute la généralité des termes de la loi; il nous prouve que le rapporteur du corps législatif n'a point parlé limitativement, et c'est ce que prouvent également les termes dont il se sert; car il dit dans son préambule n'avoir point entendu entrer dans tous les détails du système et des principes de la loi, mais s'être borné à en faire une simple analyse, et lorsqu'arrivé aux dispositions relatives au décret d'autorisation il parle de la nécessité d'une permission et de l'économie du minerai et du combustible qui s'y rattache, il justifie ce soin public d'économie par l'obligation qui incombe au gouvernement de protéger particulièrement les établissements autorisés par lui; il suppose ainsi d'abord des établissements autorisés pour en induire une nécessité de protection par de nouvelles autorisations; mais quel est le motif de ces autorisations premières, dans quel but, pour satisfaire à quels besoins sont-elles accordées, c'est ce qu'il n'explique point, et c'est ce qui prouve que, fidèle à son plan, il n'a point pénétré dans tous les détails du système et des principes de la loi, il s'est à cet égard expliqué sur quelques points seulement, il est vrai, mais il ne s'est pas expliqué limitativement, et il lui a laissé toute la généralité que comportent ses termes, et que lui assigne la nature des choses; il n'y a donc rien à conclure de ce rapport, quelqu'autorité qu'on veuille lui reconnaître, et les raisons

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qui font de la loi du 21 avril sur les mines la règle complète de l'érection des fonderies de minerais, et ce à l'exclusion du décret du 15 oct. 1810 et de l'arrêté du 31 janvier 1824, restent entières; aussi, nouvelle preuve de cette vérité, le décret du 15 oct. 1810 n'a été porté, cela ressort de l'ensemble de ses dispositions, que pour les manufactures et les ateliers qui pouvaient alors être formés sans une permission de l'autorité administrative; il ne touchait donc pas aux fonderies de minerais, et, dans la réalité, il ne les comprend pas dans le tableau des établissements industriels qu'il divise en trois classes pour appliquer à chacune d'elles des règles qui, quoique semblables en principe, diffèrent dans les détails. Sur ces tableaux l'on ne trouve pas, quoiqu'on en ait dit, les fonderies de minerais, car on ne peut confondre avec elles les fonderies de métaux, chose toute différente, et pour lesquelles le décret n'exige qu'une simple autorisation dn préfet.

Ce que nous venons de dire du décret de 1810, nous devons le dire de l'arrêté royal du 31 janvier 1824; cet arrêté n'est, à proprement parler, qu'une réproduction et qu'un acte d'exécution des dispositions de ce décret appliqué aux progrès que l'industrie avait faits depuis 15 ans, et aux nouvelles institutions du pays; il se renferme tellement dans les mêmes limites qu'à son exemple il ne con. cerne pas les établissements, tels que les fonderies de minerais qui étaient soumis à une autorisation du gouvernement en vertu d'une loi spéciale, il ne les comprend point parmi ceux qu'il énumère, il a soin même de renvoyer expressément à cette loi spéciale, et c'est ce qu'il fait par un article particulier, l'art. 14, pour la loi du 21 avril 1810. Dans cette loi seule est donc la règle dont nous devons apprécier les effets et par les termes et par la nature des choses.

Les dispositions qui la contiennent sont celles des art. 75 à 80.

Suivant l'art. 73, les fonderies de minerais de fer et autres substances métalliques, etc., ne peuvent être établies que sur permission accordée par un règlement d'administration publique. Les art. 74 et suivants tracent les formalités et les conditions sous lesquelles la permission est accordée ou refusée; ces formalités et ces conditions concourrent avec la disposition de l'art. 73 à en fixer le caractère et les effets.

Cet article place les fourneaux à fondre les minerais et autres substances métalliques sous un régime exceptionnel qu'ils nuisent aux voisins et au public ou qu'ils ne

nuisent à qui que ce soit, qu'ils portent atteinte à des droits ou qu'ils ne portent atteinte aux droits de personne, le propriétaire, voulant, par l'érection d'un établissement pareil, exercer son industrie, user de sa propriété et de ses capitaux, se trouve enchaîné par la loi; il ne peut se débarrasser de cette chaîne et en délivrer son travail et sa propriété mobilière et immobilière par un recours aux tribunaux formé en vertu de son droit ou de l'innocuité de l'usage qu'il en fait; il ne le peut qu'en recourant à l'intervention de l'autorité publique administrative; celle-ci est investie, il est vrai, du pouvoir de permettre ce que la loi défend, mais jusqu'à cette permission la défense subsiste; la permission elle-même peut être refusée; l'autorité investie du pouvoir de l'accorder est en même temps investie du pouvoir de rendre la défense définitive ou au moins de ne la lever que sous des conditions onéreuses, et tout recours aux tribunaux est également interdit de ce chef; tous profitent et de la loi et des mesures que l'autorité administrative prend en vertu de la loi, quelque droit que l'industriel prétende induire de sa propriété ou de la parfaite indifférence de ses actes relativement au droit d'autrui; ce que cette autorité décide en ce point est un règlement d'administration publique, c'est-à-dire, non pas un acte de l'administration agissant au nom de l'État considéré comme personne civile ayant des droits et des intérêts qu'elle gère, sauf les droits des autres personnes, mais un acte d'autorité, un acte réglementant les personnes et les biens, et les réglementant en termes généraux sans distinction entre tel et tel intérêt, entre les intérêts publics et les intérêts privés. La loi qui autorise ce règlement est non moins générale que le règlement luimême, elle ne distingue pas plus que lui entre telle ou telle classe d'intérêts; elle ne peut pas même distinguer, parce qu'à son point de vue tous les intérêts privés constituent dans leur ensemble l'intérêt public et appellent à ce titre toute sa sollicitude; elle imprime donc à ce règlement, comme le comporte d'ailleurs la dénomination qu'elle lui donne, le caractère du commandement auquel tous doivent obéissance, comme tous en profitent; liant envers et contre tous généra lement, sans distinction aucune, l'une et l'autre, à défaut d'exception, délient naturellement aussi envers et contre tous généralement et sans distinction aucune.

Cette position enchaînée, que la loi fait à la propriété, sous le rapport de ses développements industriels, et les effets qu'elle produit à l'encontre de tous les intérêts, démontrent la

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