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Si donc les véritables richelles réftdent dans les fruits de la terre, la principale occupation des hommes doit être dans l'étude de tout ce qui peut rendre ces fruits meilleurs & plus abondans. C'est la connoiffance du fol dont les propriétés varient fuivant le climat, la localité & les ruiffeaux qui l'arrofent. Tel fol eft favorable à la vigne, & tel autre fol n'eft que pour les grains, les prairies ou les bois. C'eft cette connoiffance qui fera prendre le plus fage parti dans la culture d'un terrain quelconque. Il paroît tant d'inftructions pour diriger nos Cultivateurs, que fi les préceptes qu'on ne ceffe de leur donner étoient mis en pratique, il y auroit véritablement plus de variété mais certainement une moindre récolte. Je me garderai bien de groffic le nombre des réformateurs; j'aime mieux laiffer le monde tel qu'il eft,

que

de vouloir le ruiner en croyant l'enrichir. L'expérience eft un grand maître, & le feul qu'il faille fuivre; notre fol étoit autrefois fertile; il l'eft moins aujourd'hui; il n'a pas cependant changé; mais c'eft nous qui ne faifons plus ce que faifoient nos peres;

défabufons-nous; faifons comme on faifoit autrefois, & nous recueillerons les mêmes récoltes.

C'est un fait inconteftable que le fol de la France eft un des meilleurs qu'on connoiffe, fufceptible de toutes fortes de cultures, & d'un fi bon produir, s'il n'eft pas négligé, qu'il doit fournir plus de toutes les denrées dont la France a befoin pour la fubfiftance, les agrémens & les commodités de la vie de tous fes habitans. Cette connoiffance me fuffit pour avancer que nous n'avons pas abfolument befoin d'un fecours étranger, & que notre fol eft une richeffe plus précieufe que la poffeffion des mines, des métaux & des pierres les plus rares; les mines tariffent en les exploitant, & la terre, en la cultivant, donne toujours de nouvelles récoltes ; & plus elles feront abondantes, plus elles continueront de les devenir, par l'augmen tation des moyens qu'elles fourniront aux Cultivateurs d'améliorer leurs ter

res.

Je ne veux pas calculer jufqu'où peut monter la totalité de nos produc tions; peut-être je me tromperois ; je

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ne dirai pas non plus avec certains Auteurs qui pesent tout & mefurent tout, que la France peut, avec une récolte ordinaire, nourrir le double de fes habitans. Je trouve que c'eft trop; mais ce que perfonne ne doit ignorer, c'est qu'autrefois nous nourriffions l'Angleterre de notre fuperflu, & nous devenons fes tributaires par l'importation de fon bled en France au moindre dérangement des faifons. Notre population n'a pas cependant augmenté nos terres font les mêmes; & quand la population feroit plus nombreuse il y auroit plus de bras pour les cultiver. C'est donc notre pareffe & notre négligence qui nous font manquer de fubfiftance, travaillons notre fol, ne rougiffons pas d'imiter les Anglois, dans leur application à l'agriculture, puifque c'eft nous qui leur avons fervi de modele. Je n'ai pas voulu calculer le montant du produit de nos récoltes; mais je ne rifque rien d'avancer que dans les années communes, en fuppofant la quantité des terres labourables telle qu'elle eft préfentement, le fol de la France doit produire un quart en fus de ce qu'il faut pour alimen

&

ter le nombre de fes habitans. Je fuppofe avec les autres, ne voulant point de fyftême particulier, que la France a vingt millions de perfonnes; il y aura donc un excédent de nourriture pour cinq millions; cet excédent ne peut être profitable au Cultivateur, & augmenter véritablement la maffe de nos richeffes que par fon exportation à l'étranger. Or, à trois fetiers par tête, qui eft la quantité que nos Calculateurs ont décidé affez unanimément, il en résulte une fomme qui paroîtra extraordinaire; elle ne fera cependant pas moins réelle; le fetier pefe 240 livres poids de marc. Je fuppofe que le bled ne vaudra que dix livres le quintal, prix affez modéré relativement à la valeur actuelle des autres richeffes fecondaires; ce qui fait en total trois cens foixante millions de livres que nous ferons payer chaque année à l'étranger pour le fuperflu de nos récoltes. Mais pour éloigner toute chicane, je réduis cette fomme à la moitié: ainfi ce ne fera que cent quatre-vingt millions que Ja France gagnera chaque année pour l'exportation de ce fuperflu; par con

féquent, dans dix ans, la fomme de dix-huit cens millions. J'ai donc eu raifon de préférer la culture de nos terres aux mines du Pérou & de Gol conde.

que

Je crois donc, & je ne faurois le publier trop haut que relativement à l'étendue & à la bonne qualité de notre fol, fes productions font plus. fuffifantes pour fournir à notre fubfiftance, & que du fuperflu, en fecourant l'étranger, nous pouvons le rendre notre tributaire; pour cet effet, notre agriculture n'a besoin que d'être foulagée & encouragée. Elle fera fou lagée par la proportion de l'impôt à la fertilité des terres; car rien n'eft plus dans l'ordre que les biens fonds foient impofés pour contribuer aux charges & aux dépenfes de l'Etat malgré les belles représentations de quelques fyftématiques, qu'une compaffion louable jufqu'à un certain point, mais mal-entendue, fait égarer. Mais l'impôt ne doit point être accablant & encore moins arbitraire. Je pourrai dans la fuite expliquer ce que j'entends par le mot arbitraire; elle fera encouragée par la préférence que le

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