Page images
PDF
EPUB

la toile & le marbre, & créer des êtres houveaux: il mérite certainement notre confidération; mais le Laboureur. ne doit pas pour cela être méprifé; fa profeffion eft moins brillante & louée; mais elle eft d'une utilité qui doit la rendre eftimable. Nous diftinguons encore les richeffes en biens meubles & immeubles, & nous comprenons, parmi ces derniers, les maifons. Les maifons cependant ne font pas des. richeffes foncieres, comme les héritages en fonds de terre ; elles diminuent de valeur en vieilliffant, & par ellesmêmes elles ne donnent aucun bénéfice. Elles nous font néceffaires pour nous loger; mais fi les locataires font en moindre nombre que les maifons, elles ceffent d'être richeffes; leur produit n'eft donc que précaire, & la poffeffion des terres mérite la préférence; c'est ce que je voulois établir.

Le commerce, fi méprifé autrefois, eft reconnu aujourd'hui fi néceffaire au bonheur de toute fociété, que les Souverains font leur principale occupation de le favorifer, & de l'augmenter, chacun dans fes Etats. Ce n'eft pas ici le lieu de parler de celui de la France

& de fes progrès: je m'arrête à la branche de l'exportation de nos bleds à l'étranger, à l'importation des bleds étrangers en France. L'exportation nous. effraye, & l'importation nous réjouit. Nous fommes encore bien peuple fur cet article, & le préjugé nous empêche de faire ufage de notre raifon. Nous confidérons notre commerce en Afrique comme très-avantageux à la nation, parce qu'il nous fournit de bled. J'avoue que fi nous étions menacés d'une famine, nos Ecrivains publics poufferoient des cris de joie bien louables à l'arrivée de quelque Navire chargé de cette denrée. Mais que faifons-nous en important en France le bled de Barbarie? Nous nous dépouillons de nos richeffes numéraires, pour foudoyer les Laboureurs Africains, & les encourager à continuer à nous rendre leurs tributaires. La maffe de nos richeffes diminue en proportion de l'argent que nous exportons; l'argent de France refte en Afrique, & leur bled nous laiffe toujours plus pauvres. Je n'examine point ici fi la Barbarie abonde en bled, parce qu'aucune loi n'y gêne le commerce des grains, ou fi

la terre y eft plus fertile que la nôtre; il me fuffit de favoir que la France nourriffoit autrefois nos voisins. Les terres & le climat font les mêmes. Je n'examine point encore ici, avec Mr. de Vauban & quelques autres Calculateurs, combien la France peut nourrir d'hommes, ni quelle eft la mesure de nos récoltes. Un Auteur affure qu'une mauvaise récolte en France fuffit pour nourrir fes habitans, une médiocre pour en nourrir le double, & une bonne pour en nourrir trois fois plus. Tous ces calculs me font inutiles. Mon raifonnement est tout fimple. Nos peres avoient plus de bled qu'il ne leur en falloit pour leur fubfiftance, & nous en faifons venir de l'étranger. Ce n'est donc que le mépris de l'agriculture qui caufe ce funefte changement; c'eft le luxe qui nous dévore, qui achevera de nous ruiner. Changeons de méthode & nous ferons étonnés de l'abondance de nos récoltes, Soyons toujours créanciers de l'étranger, & nous ne pouvons le devenir qu'autant que les exportations feront plus confidérables que les importations. Si nos terres qui ne produifoient en récoltes que pour la valeur

de centt millions, en produifent deux cens, nous fommes certains d'avoir gagné cent millions; la maffe de nos richeffes aura augmenté de cette fomme; mais n'oublions pas qu'afin que cette augmentation foit réelle & non pas imaginaire, il faut que l'étranger nous la paye; nous fommes convaincus de cette vérité; & en conféquence nous favorifons l'exportation de nos étoffes & de nos merceries. Ne nous arrêtons

pas au plus beau du chemin ; penfons que la grande manufacture de la France eft l'exploitation de nos terres. Exportons notre bled, l'étranger s'en nourrira. Tant mieux : c'eft ce que nous devons defirer. Il nous en payera la valeur ou en argent ou en matieres premieres, néceffaires pour alimenter nos fabriques. Cette premiere richeffe deviendra une fource intariffable d'autres richeffes; notre agriculture, vivifiée l'emploi utile de nos récoltes, prendra de nouvelles forces, & calmera nos vaines craintes & nos fauffes allarmes. L'abondance naît de l'abondance, & la mifere annonce une plus grande mifere.

par

«On trouve peu de Réglemens en Fran» ce fur la police des grains avant le fei» zieme fiecle: il y avoit eu de difettes, » & le gouvernement ne s'étoit point en» core empreflé d'y remédier. Peut-être >> que le tumulte des armes n'avoit pas » permis au miniftere de porter fes vues >> fur cet objet. Peut-être avoit-on penfé » que le libre commerce des grains fuffit » pour entretenir l'abondance. Une diset» te furvenue en 1565, & qui dura quel» ques années, réveilla l'attention du » Confeil. Le Chancelier de l'Hôpital qui >> en étoit le chef, fit faire un Réglement » général le 4 Février 1567.

» Il y a apparence que le zele des Ma» giftrats, guidé par les feules lumieres » de la Jurifprudence, alla chercher dans >>le Droit Romain ce qui s'étoit pratiqué >> pour prévenir les inconvéniens de la di» fette. On trouva dans le digefte les pré» cautions que la République & les Em» pereurs prenoient pour l'approvifionne»ment des greniers publics, les regles » établies pour le tranfport des grains, » les défenfes d'en faire des amas, les pei»nes infligées aux monopoleurs, & enfin » toutes les entraves que l'on donnoît au » commerce des particuliers. De-là l'ef>> prit des Loix Romaines paffa dans l'Ordonnance de Charles IX, & s'eft per

[ocr errors]
« PreviousContinue »