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mettons à contribution tous ceux qui reçoivent de nous ce moyen de fubfiftance. Il eft donc de la derniere importance de favorifer & d'encourager ladite exportation. Elle feule peut rétablir notre agriculture opprimée depuis nombre de fiecles; elle feule peut enrichir la Nation, & entretenir l'abondance: ce n'eft point un paradoxe que l'abondance en foit la fuite; on er conviendra fi on veut faire attention que le Laboureur ne cultive la terre que dans l'efpérance de recevoir la récompenfe de fes travaux. Or cette récompenfe ne peut réfulter que de la vente avantageufe du produit de fes récoltes; elles font fa richesse; il n'en a point d'autre. Il faut donc, pour faciliter la vente de fes denrées, & leur donner la valeur qu'elles doivent avoir relativement aux frais de culture, n'en point gêner la circulation & ne pas défendre de les vendre à celui qui en offre le plus. Si donc l'étranger fe préfente pour acheter notre bled (toujours dans la fuppofition que nous en avons plus que pour notre fubfiftance; car dans un temps de difette, c'eft une exception à la regle

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que je propose), & que nous rejettions fa demande, dans la crainte de faire renchérir cette denrée, nous nuifons beaucoup moins à l'étranger qu'à notre agriculture; nous anéantiffons la récompenfe, qui feule peut vivifier l'induftrie de nos Laboureurs : la culture languira, fi elle n'eft pas entiérement négligée ou abandonnée. Nous banniffons donc l'abondance du Royaume, en nous imaginant l'afsurer par cette fauffe politique. J'ai fuppofé que nous avions plus de bled que pour notre fubfiftance: il faut donc, pour en être affuré, faire un récensement général du produit de nos récoltes. Pour cet effet, je pense que la police des grains doit être une des principales occupations du Miniftere, parce que la moindre négligence fur cette branche de Commerce, peut caufer notre ruine totale. Un peuple nombreux exige une grande quantité de bled, puifqu'il fait la bafe de notre nourriture, & que nous ne faurions nous en paffer. Le falut de l'Etat en dépend. Je pense auffi, en voyant la multitude de loix & de réglemens que cette police a occafionné, que la frayeur

a fait plus d'impreffion fur nous, que l'encouragement de notre agriculture. Nous avons fait le mal dans l'intention de le prévenir. Puifque nous le connoiffons, tâchons de le réparer. Nous devions nous régler fur notre propre expérience, & examiner par nous-mêmes s'il nous étoit avantageux ou non de favorifer ou de prohiber le commerce des grains; mais vivement touchés des horreurs de la famine nous n'avons pu nous perfuader que la liberté de la circulation du bled pût devenir la caufe de l'abondance. La rigueur des Loix Romaines nous a épouvantés: nous les avons adoptées, fans faire réflexion que les Empereurs Romains avoient des raifons perfonnelles pour établir cette fingufiere Jurifprudence. Ils n'avoient en vue, en faifant de largeffes de bled, que le contentement du foldat & d'une populace défœuvrée; mais dans le fond & dans le vrai, ils étouffoient leur industrie, & laiffoient les terres en friche. Nos peres, moins éclairés que nous, ont été féduits & entraînés par l'autorité de ces Loix Romaines; & l'autorité & la conduite de nos peres

nous ont décidé & fervi de regle. De forte que ce n'eft que par préjugé, & non pas par conviction, que nous avons fait exécuter jufqu'aujourd'hui, dans le Royaume, la police des grains telle qu'elle étoit en ufage dans l'Empire Romain. Quoique je penfe que l'exportation à l'étranger, des bleds originaires du Royaume, foit le feul moyen efficace de rétablir notre agriculture, & de procurer l'abondance dans toutes les Provinces, que trop de précautions & d'entraves en

banni je ne confeillerois jamais de permettre l'exportation des bleds par toutes fortes de lieux & fans limitation: elle doit être la fuite de l'examen de notre fituation, & feulement pour les quantités qui feront déterminées proportionnellement à notre fuperflu: mais comme la faveur de cette exportation doit regarder principalement les Cultivateurs, c'eft-à-dire, que les avantages doivent être en leur faveur, en furhauffant le prix de leurs denrées, il feroit bien important qu'ils en fuffent avertis d'avance, afin qu'ils ne deviennent point la proie des ufuriers & des monopoleurs; car, quoi

que le monopole foit très rare, & n'exifte fouvent que dans l'imagination du peuple, il a exifté, & il eft poffible. L'avidité du gain eft la même aujourd'hui qu'autrefois, fi elle n'eft pas plus forte depuis que le luxe nous domine. Le monopole eft donc à craindre, & la publication de l'exportation le préviendra. Cette exportation des bleds limitée & par certains lieux, exige de ma part quelques remarques. J'ai pour cet effet de bons Mémoires & une quantité prodigieufe de Réglemens devant les yeux : il y en a même trop, les nouveaux n'étant qu'une répétition des anciens, & fouvent occafionnés par les mêmes circonftances. De tant de Mémoires, je ne ferai ufage que de celui qui m'a paru le plus vrai & le mieux raifonné : c'est un excellent écrit fur la police générale des grains. L'Auteur eft fi judicieux, fes vues font fi droites, qu'il eft à defirer qu'il devienne le manuel de tous ceux qui ont quelque part à l'adminiftration du commerce des grains. Tout eft penfé & réfléchi dans cet écrit: l'efprit eft convaincu, & le cœur eft perfuadé des avantages qui doivent réfulter pour

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