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ancien, nous aveugle. Que penferionsnous d'un pere qui maltraiteroit ceux de fes enfans, qui par leur travail & leur induftrie nourriroient toute fa famille? Nous ferions indignés d'une pareille conduite, & nous la blâmetions hautement. Nous faifons cependant ce que nous venons de condamner: nous refufons toute forte de fecours aux Cultivateurs de nos terres; l'entrée de nos Hôpitaux leur eft interdite; & la Miféricorde (HôpitalGénéral de Marfeille) ne veut pas les connoître. Les remedes, qu'on distribue fi généreufement dans tous les quartiers de la Ville leur font refufés, s'ils ne trahiffent la vérité, en proteftant qu'ils ne vivent, ni ne travaillent point à la Campagne. C'est donc un crime que de s'occuper aux travaux de la terre, ou j'ai raifon de dire que nous fommes cruels envers les Cultivateurs de nos héritages. L'éloge de l'agriculture qui retentit aujourd'hui de tous côtés, n'eft donc que chimérique, & feulement pour amufer les beaux efprits? Non cer éloge n'eft pas imaginaire, ni une imitation de la vaine peinture des plaifirs

champêtres que nos Poëtes font goûter aux bergeres de leurs paftorales: c'est l'expreflion de la vérité fur le fujet le plus intéreffant pour le bonheur des hommes; c'est le cri de l'humanité, affligée de l'abandon que nous faifons de cette précieufe portion des travailleurs, qui implorent la plus légere affiftance de ceux qu'ils nourriffent. S'ils étoient leurs efclaves, ils y auroient un droit inconteftable : ils font leurs freres, ils font libres, & ils meurent de mifere; la liberté leur devient un titre onéreux. Cet éloge eft une confolation néceffaire pour moi, & pour tous ceux qui gémiffent du ridicule dont un vieux préjugé nous couvre, & que nous n'avons pas le courage de fecouer. Ce font nos réglemens, me diront les Directeurs, qui défendent de fecourir les habitans de la campagne. Funeftes réglemens ! Cruelle néceffité pour la vertu affligée ! Je demande qui a fait ces réglemens. Ce n'eft pas le Roi ? Non, LOUIS le Bien-aimé, le plus compatiffant & le plus miféricordieux des hommes, ne confentira jamais que les pauvres Cultivateurs foient opprimés par les ré

glemens, qui ne doivent être faits que pour fecourir leurs plus fecrettes miferes, & leur procurer de falutaires remedes. La bonté & la juftice marchent devant lui, & le fiecle de fon regne eft au-deffus de celui de l'Empereur Tite, qui vouloit qu'on comptât fes jours par fes bienfaits. Le bonheur de fes fujets fait fon propre bonheur; & fon affection paternelle s'intéreffe autant, pour ne pas dire plus, au fort des pauvres que des riches. L'état des Cultivateurs de la terre, fi injustement avili & fi digne d'être honoré, a touché fon cœur. Les effets prouvent auffi-tôt combien l'agriculture fera protégée par l'Arrêt qui impofe les farines de minot à 6 fols par quintal à toutes les entrées du Royaume, afin de donner la préférence aux nôtres.

ARREST

DU CONSEIL D'ETAT

DU ROI,

Qui ordonne qu'à l'avenir les Farines de minot venant de l'Etranger, paieront à toutes les entrées du Royaume fix fols par quintal, & défigne les Ports pour leur entrepôt & pour la fortie à l'Etranger defdites Farines de minot & de celles fabriquées dans le Royaume, en payant le droit y énoncé.

Du 27 Mars 1763.

Extrait des Regiftres du Confeil d'Etat.

E ROI voulant favorifer le Commerce

Les Fatines de minet, donner à celles eriginaires une préférence fur les étrangeres, & rendre la liberté à l'exportation defdites Farines originaires: Voulant en même temps attirer l'abondance de celles étrangeres dans différents Ports du Royaume, pour y exciter le Commerce que fes Sujets pourroient en faire à l'étranger. Vu l'avis des Députés au Bureau du Commerce. Oui le rapport du fieur Bertin, Confeiller ordinaire au Confeil Royal, ConHôleur général des Finances, LE ROI ITANT

EN SON CONSEIL, a ordonné & ordonne qu'à l'avenir les Farines de minot venant de l'étranger, paieront à toutes les entrées du Royaume fix fols par quintal: Veut néanmoins Sa Majefté que celles venant dans les Ports de Calais, Saint-Valéry, Dunkerque, Dieppe, le Havre, Rouen, Honfleur, Cherbourg, Caen, Grandville, Morlaix, Saint-Malo, Breft, Nantes, Vannes, la Rochelle, Bordeaux, Libourne, Bayonne, Cétte, Marfeille & Toulon, jouiffent dans ces Ports d'un entrepôt de fix mois pendant lequel temps, fi elles font renvoyées à Î'étranger, elles ne feront fujettes à aucuns droits ; mais paffé ce terme, elles paieront ledit droit de fix fols par quintal. Permet Sa Majefté la fortie à l'étranger defdites Farines de minot & de celles fabriquées dans le Royaume par les Ports ci-deffus défignés feulement en payant, pour tous droits, un fol par quintal; à l'effet de quoi lesdites Farines de minot pourront être librement transportées, tant par terre que par mer, des lieux de leur enlevement jufqu'au Port de leur embarquement, fans être fujettes à aucuns autres droits fur la route. Er fera le préfent Arrêt, lu, publié & affiché partout où befoin fera, pour avoir fon exécution à compter du jour de fa publication, & jufqu'à ce qu'il en foit par Sa Majefté autrement ordonné. FAIT au Confeil d'Etat du Roi, Majesté y étant, tenu à Verfailles le vingt-fept Mars mil fept cent foixante-trois.

Signé, PHELY PEAUX.

Sa

On entend par farines de minot cel les qui viennent en barils de la conte

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