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que nous y avions fi heureusement faits, & que j'ai toujours regardé nonfeulement comme d'un très grand avantage pour toute la nation, par fertilité des terres, la variété des productions & l'abondance de la pêche, mais encore par les moyens que nous y trouvions d'accroître notre navigation; que je développai les principes que j'avois établis par une addition qui termine ce fecond tome du Commerce de l'Amérique par Marfeille. Cet ouvrage fut achevé d'imprimer à la fin de l'année 1763; & ce fut avec la plus fenfible des fatisfactions que je vis mes vœux remplis en partię par l'Edit de Juillet 1764, qu'on s'empreffa de m'envoyer au premier moment de fa publication; depuis cette heureufe époque, nos mauvaises récoltes n'ont pas permis à notre agriculture de profiter de tous les avantages qu'elle auroit dû en retirer; ce qui exige de ma part quelques nouvelles obfervations que je joindraí aux anciennes, je m'y détermine d'autant plus volontiers que ce petit traité manque de ce qui doir le rendre précieux, de la loi folemnelle qui accorde l'ex

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portation de nos grains à l'étranger; confidérant d'ailleurs que ce petit traité fait partie d'un ouvrage en deux volumes in-quarto, que peu de perfonnes peuvent fe procurer, j'ai cru qu'en le publiant en particulier, en dévelop pant le plus clairement qu'il me fera poffible les mêmes principes que j'avois établis, & en y ajoutant les nouveaux réglemens que les circonftances ont occafionnés depuis l'Edit de 1764, je rendrai fervice au public, je n'ai pas d'autre but que d'être utile.

Les raifons que j'ai données me paroiffent bonnes, & les objections qu'on m'a fait, fondées fur d'anciens préju gés & fur une crainte puérile de manquer de pain, font trop foibles pour me faire changer de fentiment. Je penfe comme j'ai pensé, que la libre exportation à l'étranger des bleds originaires du Royaume, & une impofition fur tout le bled étranger qui y feroit importé, font les feuls moyens qui puiffent être efficaces pour effectuer le rétablissement de notre agriculture, & lui rendre fon premier luftre. Tous les autres moyens, tous très-louables, trèsbons & très-utiles me paroiffent im

pour

puiffans, pour opérer par eux-mêmes un fi grand bien. C'eft en vain qu'on établira des Bureaux & des fociétés pour encourager les Cultivateurs, & reformer les abus que l'ignorance a introduits parmi les Laboureurs ; c'eft en vain qu'on cherchera s'il ne feroit pas plus avantageux d'enfemencer les terres autrement que ne faifoient nos peres, & qu'on inventera de nouvelles charrues rendre à notre fol, que nous nous imaginons usé ou du moins fatigué de produire, cette fertilité dont toutes nos hiftoires font mention; c'est en vain qu'on multipliera les écrits, pour infinuer à nos Payfans, que la méthode qu'ils pratiquent eft vicieufe, & qu'en quittant l'ancienne routine, leurs récoltes feront plus abondantes. Foibles moyens pour réparer le mal, puifque nos dévanciers, avant toutes ces inventions, ne fe plaignoient point, comme nous ne ceffons de faire, que la terre fût devenue ingrate, & que la France fourniffoit le bled néceffaire pour alimenter non-feulement fes habitans; mais encore l'Angleterre ( devenue aujourd'hui mere nourrice) & les autres

Nations qui labourent préfentement pour nous. Tous ces moyens bons par eux-mêmes, & utiles jufqu'à un certain point, ne feront véritablement profitables pour améliorer notre agriculture, qu'autant que nous faurons donner une nouvelle valeur à nos récoltes, & que par l'exportation de notre bled à l'étranger, nous ferons affurés de l'emploi de l'excédent defdites récoltes, c'est-à-dire, qu'après que le Royaume fera pourvu de tout le bled néceffaire pour la fubfiftance de fes habitans, le reftant fera exporté librement à l'étranger. En effet, de quoi ferviront tous les encouragemens qu'on donne aujourd'hui aux Cultivateurs de la terre, & de quelle utilité feront les nouvelles méthodes propofées, fi les récoltes les plus abondantes deviennent pour les Laboureurs un fujet d'affliction, par la diminution du prix du bled & le défaut de confommation? Il est évident que tous les écrits dont la France eft innondée aujourd'hui, pour prouver que le bonheur du peuple dépend de l'abondance de nos récoltes, ne convaincront jamais nos Payfans qu'ils ne

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font pas ruinés, dès qu'ils ne vendront pas leurs denrées dans la proportion de la valeur des autres marchandifes du Royaume ; ceci a besoin d'explication. Un Empire, un Royaume, une République, &c. font de grandes fociétés dont tous les membres, chacun fuivant fes talens, fon inclination & le poste dans lequel la Providence l'a placé, doivent concourir au bonheur général de tous; & fe fournir mutuellement les fecours néceffaires à l'entretien de la vie & au foulagement des miferes, qui en font l'appanage, depuis la prévarication de notre premier pere. Je ne répete point ce que j'ai déjà dit des avantages que l'homme trouve dans la fociété (voyez les réflexions que j'ai faites fur les avantages & la néceffité de la fociété pour laquelle l'homme a été fait, & que je ne veux pas répéter tom. 2, pag. 64. ); mais quand je ne le dirois pas, chacun doit fentir que fa confervation dépend des fecours que dui fourniffent les Laboureurs, puifque la terre fans culture ne fauroit produire la millieme partie des fruits abfolument néceffaires pour la fubfiftance de fes habitans. Il faut donc, fi on ne veut point

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