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» touchée de compaffion à la vue de » cet infortuné, donne un peu de lait » de vache avec de la farine pour lui » faire de la boullie; homicide fecours! » cet aliment groffier fatigue des or

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ganes trop délicats pour le recevoir; » il les détruit & plonge au tombeau "" cette malheureufe victime dont la » mort devient un bienfait pour l'Au» teur de ses maux. Hélas! continue » l'Auteur, mes yeux l'ont vu plus d'une fois avec larmes, ce déchirant fpectacle! Vous ne le croirez pas, » hommes froids & infenfibles, qui paffez vos jours dans le tumulte » & les frivolités des grandes villes ; » mais vous, citoyens, qui venez de » temps en temps habiter nos cam"pagnes, vous qui vifitez la cabane » du Laboureur, vos cœurs s'ouvriront au récit des maux dont vous avez été, » comme moi, les témoins; & nous » nous occuperons enfemble des mo"yens de les réparer. » L'Auteur n'a fait cette peinture des Laboureurs de la Bretagne qu'après les avoir yu & avoir verfé des larmes fur leur mifere; les Laboureurs de nos Provinces, miférables comme eux, ne leur

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reffemblent pas cependant en tout; ils voient avec plaifir, & reffentent une joie qui ne fe trouve que rarement dans les villes, lorfqu'après les fatigues du plus rude travail, ils peuvent alimenter leur famille avec un pain trempé de leur fueur; l'augmentation des enfans, bien loin de les affliger eft lear confolation dans leur trifte fituation; mais fi, après avoir épuifé leurs forces, ils ne peuvent pas retirer de leurs pénibles travaux les alimens les plus vils, le murmure, le dépit, le découragement & une efpece de défespoir, les rend entiérement infenfibles à tout; ils abandonnent leurs familles pour trouver un afyle dans les villes, ou s'expatrient; fi même le brigandage ne devient pas leur reffource, ou ils languiffent & terminent leur vie infortunée dans la plus affreufe des miferes; tout périt avec eux, & plus leur famille eft nombreuse, plus la mendicité pouffe fes pernicieufes racines: mais je vois que je m'écarte.

C'est l'agriculture qui eft le principal nerf de tout Gouvernement fage, & qui doit donner le mouvement à tous les autres nerfs qui contribuent au fou

tien & à la confervation de tout Etat quelconque. Ce font les fruits de l'agriculture qui font la premiere des va leurs, & par laquelle toutes les autres valeurs doivent avoir quelque consistance. Rompre cet équilibre, c'est travailler à fa perte & courir à une ruine certaine. Je l'ai dit, & je ne cefferai de le répéter, on ne fauroit trop encourager, favorifer & même honorer l'agriculture; c'eft par elle que nous nous fuffirons à nous-mêmes; & fi pour les agrémens de la vie nous voulons emprunter des fecours étrangers, c'eft le fuperflu de nos denrées qui doit les payer. Si nous penfons qu'une grande population ferve à augmenter notre gloire & notre bonheur, il faut donc protéger l'agriculture, & la rendre utile aux Cultivateurs. L'abondance produit l'abondance, & la population en eft une fuite néceffaire. Qu'on jette un regard attentif fur nos Provinces les plus fertiles, & qu'on compare leur population avec celle des Provinces dont le fol ne récompenfe pas le Cultivateur. Les premieres font des pépinieres d'hommes, & les dernieres fe dépeuplent journellement.

Ce font nos campagnes qui fourniffent des habitans à nos Villes ; c'eft-là où les mœurs font les moins dépravées ; c'eft-là où l'union, la concorde & la paix regnent dans les mariages; c'estlà où l'on voit avec joie l'augmentation des familles. Je n'ofe le dire : que voit-on dans les Villes? Un fafte, un luxe toujours au-deffus des forces de ceux qui en font paffionnés ; une indifférence, pour ne rien dire de plus, dans le mariage, des mœurs méprifa bles, pour ne pas leur donner un nom plus expreffif; une crainte contre nature de l'accroiffement des familles, Je me tais; il n'eft pas bon toujours de dire des vérités; mais fi la campagne eft le berceau de la population les Villes en font le tombeau. Je réfume en deux mots. Si nos récoltes font ordinaires, elles font plus que fuffifantes, & nous n'avons pas befoin d'un fecours étranger. Si nos récoltes font abondantes, où il faudroit ne plus enfemencer nos terres, ou il faut procu rer l'exportation d'un fuperflu qui doit nous enrichir, & nous feroit onéreux. Dans l'un & l'autre cas, fi on veut permettre l'importation des grains

étrangers dans le Royaume, notre propre intérêt exige qu'un droit d'entrée rende ces dentées inférieures aux nôtres. Je ne dis pas quelle doit être la quorité de ce droit? c'eft notre fituation qui doit le régler; & les hommes éclairés qui nous gouvernent, n'ont pas befoin de mes avis pour le déterminer. Mais fi nous avions le malheur d'une difette par le défaut de récolte, pour lors, bien loin d'impofer un droit à l'entrée des grains étrangers, nonfeulement la franchise doit être entiere, mais encore il faut, par des récompenfes proportionnées à nos befoins, favorifer l'importation; néceffité n'a pas de loi, ou plutôt c'eft la premiere loi; c'eft même de l'exception à la loi commune que dépend le falut du peuple.

Ce ne fut que par le feul zele pour le bien public, qui m'a toujours plus occupé que mon intérêt particulier, qu'en parlant du Commerce de la Louifiane je fis partie de ces réflexions; & quoique nous euffions déjà cédé cette précieufe & vafte étendue de pays, dans l'efpérance que nous pourrions rentrer en poffeffion des établissemens

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