Page images
PDF
EPUB

diffèrent à plufieurs égards de celles que l'on a faites jufqu'à présent, particulièrement en ce que je n'ai pas employé de chaleur, & qu'au lieu de me fervir de la cryftallifation pour m'aflurer des décompofitions, j'ai eu recours aux réactifs.

Je me fuis d'abord procuré des poids égaux de chacun des acides minéraux contenant exactement la même quantité d'acide réel, & leur température étant à 68 degrés de Fahrenheit, je les ai verfés enfuice tout d'un coup chacun fur une once de la même poraffe en liqueur: voici le réfultat de ces expériences.

Cent grains d'acide vitriolique contenant 26,6 grains d'acide réel verfés fur 480 de potaffe en liqueur, élevèrent le thermomètre à 138 degrés. Cent grains d'acide nitreux contenant la même quantité d'acide réel verfés de la même manière fur 480 grains de potaffe en liqueur, produifirent une chaleur de 120 degrés.

Cent grains d'acide muriatique traités exactement de la même manière, ont élevé le thermomètre de 69 degrés où il étoit à 129 degrés. Il fuit de là que l'acide vitriolique contient plus de feu fpécifique, ou du moins qu'il en abandonne une plus grande quantité lorsqu'il s'unit aux alkalis fixes, que les acides nitreux & muriatique; & que par conféquent, lorfque l'on met l'acide vitriolique en contact foit avec le nitre foit avec le muriate de potaffe, fon feu paffe dans ces deux acides, lefquels acquérant par là un degré de raréfaction confidérable, font chaffés de leurs bafes alkalines, & l'acide vitriolique s'en empare. Cette explication fe trouve confirmée par les expériences fuivantes.

J'ai mis 60 grains de nitre dans 400 grains d'acide vitriolique, dont la gravité fpécifique étoit 1,362, le thermomètre defcendit de 68 à 60 degrés ; & pendant tout ce tems, il ne s'eft point dégagé d'acide nitreux; car ayant introduit dans la liqueur quelques fils de cuivre, ils n'ont pas été attaqués, mais cinq minutes après ils commencèrent à produire de l'effervefcence d'une manière très-visible; ce qui fait voir que l'acide nitreux commença alors à fe dégager.

J'ai mis de nouveau 60 grains de nitre dans 400 grains d'acide vitriolique dont la pefanteur fpécifique étoit 1,870, le thermomètre ayant été plongé dedans, monta tout d'un coup de 68 à 105 degrés, & l'acide nitreux commença à fe dégager fous la forme d'une vapeur vifible. Ces expériences prouvent, 1°. que les fels neutres ne font pas décomposés par leur fimple folution dans un acide différent de celui qui entre dans leur compofition.

2°. Que l'acide nitreux ayant été converti en gaz, a dû abforber une grande quantité de feu; mais comme j'avois employé dans ces deux expériences une quantité d'acide vitriolique beaucoup plus confidérable que celle qu'il falloit pour faturer la bafe alkaline du nitre, j'ai mis de nouveau 60 grains de nitre dans 64 grains d'acide vitriolique,

dont la pefanteur spécifique étoit encore 1,362, & qui contenoit la même quantité d'acide réel que les 60 grains de nitre contenoient d'acide nitreux. J'y ai ajouté enfuite 40 grains d'eau & quelques grains de fil de cuivre; en moins de deux heures le cuivre fut attaqué, & l'acide nitreux commença par conféquent à fe dégager.

Ayant mis 100 grains de fel commun dans environ 400 grains d'acide vitriolique dont la pefanteur fpécifique étoit 1,870. L'effervescence fe manifefta tout de fuite & l'acide muriatique paffa en vapeurs blanches. Un thermomètre plongé dans la liqueur ne s'éleva que de 4 degrés; mais l'ayant mis dans l'écume, il monta à 10, & l'ayant plongé de nouveau dans la liqueur, il defcendoit. Il fuit de-là que l'acide vitriolique a abandonné fon feu à l'acide muriatique, & que ce dernier ne pouvant pas tout abforber, même dans l'état de gaz, l'excédent a dû communiquer de la chaleur à la liqueur cauftique.

Il est évident par ces expériences que les acides nitreux & muriatique reçoivent du feu de l'acide vitriolique, & qu'ils font par-là convertis en gaz, ou du moins raréfiés au point d'être chaffés de leurs bases, quoique leur affinité avec elles foit auffi grande que celle de l'acide vitriolique.

J'ai voulu enfuite examiner les phénomènes que préfente la décompofition des vitriols de potaffe & de foude par l'acide nitreux. J'ai mis 60 grains de vitriol de potaffe en poudre dans 400 grains d'acide nitreux dont la pefanteur fpécifique étoit 1,355, & qui contenoient environ 105 grains d'acide réel; ayant plongé dedans un thermomètre qui étoit à 68 degrés, il n'en fut nullement affecté, & il ne s'y manifefta prefqu'aucun figne de diffolution. Pour obferver fi l'acide vitriolique fe dégageroit par la fuite, je mis dans la liqueur quelques grains de régule d'antimoine en poudre; & au bout de 24 heures le dégagement avoit en effet eu lieu en partie, puifque le régule avoit été attaqué & que la liqueur étoit devenue verdâtre. Comme ce demi-métal eft foluble dans un mélange d'acide vitriolique & d'acide nitreux, (quoiqu'il ne le foit nullement dans aucun des deux féparés), il eft refté une grande partie de vitriol de potaffe qui n'a point été diffoute. J'ai mis enfuite la même quantité de vitriol de potaffe dans 400 grains d'acide nitreux dont la pefanteur fpécifique étoit 1,478, le thermomètre monta de 67 à 77 degrés, le vitriol de potaffe fut diffous tout de fuite, & le régule d'antimoine annonça que l'acide vitriolique s'étoit dégagé.

Il fut de cette dernière expérience que, quoique l'acide nitreux ait autant d'affinité avec l'alkali que l'acide vitriolique, comme le premier laiffe échapper plus de feu que n'en peut prendre la diffolution, l'acide vitriolique venant à s'en emparer eft par-là dégagé de fa base: car de même qu'il ne peut pas sunir aux alkalis fans abandonner du feu, il ne peut pas non plus en recevoir fans quitter les alkalis, La raison pour

quoi l'acide nitreux ayant moins de feu fpécifique que l'acide vitriolique, en abandonne néanmoins une fi grande quantité, eft parce que dans ces deux expériences il fe trouve en beaucoup plus grande quantité que l'acide vitriolique; en effet dans la première, ces deux acides font dans le rapport de 105 à 17, & dans la feconde de 158 à 17.

Pour vérifier cette conjecture, j'ai ajouté 100 grains d'eau à 60 grains d'acide nitreux dont la pefanteur fpécifique étoit 1,355, & j'ai mis enfuite dans cet acide délayé 60 grains de vitriol de potaffe qui contenoit la même quantité d'acide vitriolique réel que les 60 grains d'efprit de nitre contenoient d'acide nitreux.

Au bout de huit jours le vitriol de potaffe étoit prefqu'entièrement diffous, cependant on ne voyoit aucun figne de décompofition, & ayant évaporé la liqueur, je n'ai point trouvé de nitre; d'où je conclus que l'acide nitreux ne peut pas décompofer le vitriol de potaffe fans le fecours de la chaleur, à moins que fe trouvant en excès, la quantité de chaleur confidérable qu'il contient ne foit forcée à le quitter par l'acte même de la diffolution. L'on peut expliquer de la même manière la décompofition de vitriol de foude & ammoniacal par l'acide nitreux, laquelle fuivant M. Bergman, n'eft jamais complette : les nitres de potaffe & ammoniacal font au contraire totalement décomposés par l'acide vitriolique délayé; le vitriol de potaffe eft décomposé auffi par l'acide muriatique, quoique lentement, par la même raifon & dans les mêmes circonftances qu'il eft décompofé par l'acide nitreux, comme on va le voir par les expériences fuivantes. J'ai mis 60 grains de vitriol de potaffe dans 400 grains d'acide muriatique dont la pefanteur spécifique étoit 1,220. Le fel fut diffous très-lentement, & le thermomètre plongé dedans n'en fut nullement affecté. Pour examiner fi l'acide vitriolique fe dégageroit, j'y ajoutai quelque peu de bifmuth en poudre, & au bout de 12 heures il fat en partie diffous, fans que l'addition de l'eau occafionnât aucun précipité, preuve qu'il étoit tenu en diffolution par l'acide mixte ou compofé, lequel feul a la propriété d'empêcher Ja précipitation quand on y ajoute de l'eau, comme M. Wenzel l'a découvert. La quantité d'acide muriatique employé dans cette expérience étoit beaucoup plus grande que celle de l'acide vitriolique, & par conféquent il contenoit plus de feu; mais cette circonftance feule ne fuffiroit pas, il faut de plus que l'acide foit déterminé à abandonner ce feu par l'acte de la diffolution. Les expériences de M. Cornette viennent encore à l'appui de cette vérité. Ayant mêlé deux onces d'acide muriatique avec une demi-once de vitriol de potaffe qu'il avoit fait auparavant diffoudre dans de l'eau, le vitriol de potaffe ne fut pas décompofé' (Mém. de l'Acad. des Sc. an. 1778, p. 49), parce que le trouvant diffous d'avance, il ne fe produifit point de chaleur lors de fon mélange avec l'acide muriatique, & par conféquent cet acide ne laiffa

pas échapper fon feu. M. Cornette a encore obfervé que le vitriol de foude eft décompofé plus facilement par l'acide muriatique que le vitriol de potaffe. J'ai fait auffi la même remarque, & la raison est que le vitriol de foude fe diffout plus aifément dans l'acide muriatique que le vitriol de potaffe; 2°. que la base alkaline du vitriol de foude prend une plus grande quantité d'acide muriatique réel que d'acide vitriolique, au lieu que la bafe du vitriol de potaffe prend une égale quantité des deux acides, & par conféquent l'acide muriatique en s'uniflant avec la bafe du vitriol de foude, met en liberté une plus grande quantité de feu que lorfqu'il s'unit avec la bafe du vitriol de potaffe.

que

L'acide muriatique décompose également le vitriol ammoniacal & par la même raifon. Mais dans tous ces cas la quantité d'acide muriatique doit furpaffer de beaucoup celle d'acide vitriolique, fans quoi il n'y aura pas de décompofition. La décompofition des fels neutres par l'acide muriatique eft fondée fur les mêmes principes; M. Cornette a trouvé le nitre de foude étoit décomposé plus facilement que le nitre de potaffe; auffi pendant la décompofition du premier le thermomètre eft defcendu de 6o, au lieu qu'il n'eft defcendu que de 3 pendant la décompofition du dernier; preuve qu'il s'eft dégagé plus de feu dans le fecond que dans le premier cas; la quantité d'acide muriatique doit furpaffer toujours celle de l'acide nitreux contenue dans le nitre de foude, parce que la bafe de ce fel demande pour fa faturation plus d'acide muriatique que d'acide nitreux, comme nous l'avons déjà vu.

Cependant l'acide nitreux décompofe à fon tour les muriates de potafle & de foude, comme l'a fait voir M. Margraff; mais l'acide nitreux doit fe trouver alors en plus grande quantité que l'acide muriatique, afin qu'il y ait une quantité de feu fuffifante pour produire cet effet. "J'ai mis 60 grains de muriate de foude dans 400 grains d'acide nitreux fans couleur, dont la pefanteur fpécifique étoit 1,478, il y eut fur le champ effervefcence, & l'acide acquit une couleur rouge, cependant le thermomètre ne monta que de 2o, preuve que l'acide muriatique avoit absorbé la plus grande partie du feu que l'acide nitreux avoit abandonné ; au refte, la plus grande affinité de l'acide nitreux avec la foude devoir, dans ce cas, en hâter la décompofition; auffi a-t-elle lieu fans qu'il y ait diffolution, au lieu que l'acide muriatique ne décompose pas le nitre de foude à moins qu'il ne l'ait diffous auparavant, ce qui eft digne de remarque. Cette expulfion mutuelle des acides nitreux & muriatique, de leurs bafes réciproques, eft la vraie raifon de ce qu'on peut faire également de l'eau régale en mettant du nitre de potaffe ou ammoniacal dans de l'acide muriatique, ou du muriate de foude ou ammoniacal dans de l'acide nitreux, comme l'a fort bien remarqué M. Cornette. Les acides nitreux & muriatique ne décompofent pas la félénite, comme l'ont obfervé MM. Chaptal & Cornette; la raifon eft évidente d'après les principes que

je viens d'expofer: en effet, ces acides ne diffolvent la félénite qu'à l'aide de la chaleur; ils ne font donc pas forcés à abandonner la leur, comme dans les cas où la diffolution a lieu fans le fecours d'une chaleur étrangère.

Enfin, toutes les fois que l'on fait évaporer jufqu'à un certain degré un fel neutre vitriolique quelconque déjà décomposé par l'un des acides nitreux ou muriatique, l'acide vitriolique les chaffe à fon tour, & fe recombine avec fa bafe, parce que la quantité furabondante des acides nitreux ou muriatique étant volatilifée à la faveur de la chaleur de l'évaporation, les fels neutres commencent à cryftallifer, & conféquemment abandonnent une partie de leur chaleur, mais l'acide vitriolique fe trouvant en plus grande proportion réagit fur ces fels, rend à leur acide le feu qu'il venoit de perdre, & fe recombine avec fa base alkaline.

De-là vient que quoique l'alun foit en effet décompofable par les acides nitreux & muriatique, néanmoins fi on fait évaporer jufqu'à un certain degré une diffolution de ce fel neutre dans un de ces deux acides, l'acide vitriolique, dont l'alun contient une plus grande quantité qu'aucun autre fel terreux, réagit fur le nitre ou le muriate alumineux formés nouvellement, & en chaffe leurs acides, comme l'a fait voir M. Chaptal.

J'ai fuppofé dans l'explication de tous ces phénomènes le Lecteur inftruit dans la doctrine du Docteur Black; favoir, que les folides absorbent de la chaleur pendant leur diffolution, & je crois que la chaleur & le froid que l'on obferve dans plufieurs diffolutions doivent être attribués au même principe. Si le diffolvant abandonne la même ou une moindre quantité de feu que celle le que à diffoudre peut abforber, il s'y produit du froid; mais fi au contraire il en abandonne plus que le corps à diffoudre n'en peut abforber, la chaleur excédente devient fenfible, & le thermomètre en eft affecté en raison de la quantité.

corps

La fuite dans le prochain Cahier.

MÉMOIRE

SUR LA CIRE PUNIQUE;

Par M. le Chevalier LORGNA.

ES Anciens, felon Pline, pratiquoient trois manières de peindre, & dans toutes les trois ils fe fervoient du feu. Nous tenons des Grecs la dénomination de ces peintures, à l'encaufto, c'eft-à-dire, peinture

« PreviousContinue »