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de bois brûlé dans la cuifine, & un feul de ces charbons m'a fuffi pour l'expérience. Ceci me fuggéra l'idée de donner encore plus d'agrément à non procédé, & je fis préparer chez un Apothicaire des boules applaties environ d'un pouce de diamètre, de cette maffe que M. Baumé appelle dans fes Elémens de Pharmacie, clous ou chandelles fumantes. Subftituant donc un de ces clous au charbon des précédentes expériences, j'eus le plaifir de voir l'amadou s'allumer au foyer du miroir oppofé à une distance de quinze pieds, en me fervant de mes grands miroirs. J'ai à la vérité évité par-là la vapeur pernicieufe & défagréable du charbon, mais cela m'a, pour ainfi dire, jeté dans l'extrémité contraire, c'eft que ces clous font trop fortement parfumés & répandent beaucoup de fumée, ce qui à la longue pourroit occafionner des entêtemens. Pour remédier à ce nouvel inconvénient, je fis derechef préparer une autre maffe, compofée de charbon pilé & très légèrement parfumée, dont on forma des boules comme les precédentes. Les expériences réuffirent à fouhait, de forte que mes craintes & mes defirs fe trouvèrent affez bien conciliés. Je dois cependant convenir que la chaleur du feu de ces clous a un peu moins d'intensité que celle du charbon de Forgeron, ce qui tout au plus peut retarder l'effet de quelques fecondes, & ne compenfe pas à beaucoup près le défagrement du chatbon. Je ne dois non plus diffimuler que certe maffe de charbon pilé, ne manifeftant pas tout-à-fait la même efficacité que le charbon, il convient lorsqu'il s'agit d'opérer avec les petits miroirs, de fe borner à la diftance de trois, quatre ou au plus de cinq pieds; pour lors cette maffe peut très-bien tenir lieu du charbon de bois plus actif, & à ces diftances j'ai même réulli, en ne me servant que d'un très-petit foufflet à main ordinaire, & non à deux vents.

Quand je veux allumer de la poudre à canon, j'en cole fur un côté d'un petit morceau de papier noir, que je place dans la pincette, de manière que le côté non garni de poudre regarde vers le miroir. Je prends cette précaution, afin que la poudre, qui pétille en prenant feu, n'endommage pas le poli du métal.

Il arrive fouvent que le charbon, quand on l'anime, pétille & jette dés étincelles fur le miroir, qui le rachent. Avec des miroirs de laiton il n'y a rien de gâté, pourvu qu'on paffe après l'expérience un pinceau deffus pour ôter ce qui a été jeté dedans, & même fi on l'oublie, il n'y a pas de difficulté de les nettoyer; mais comment ôter les taches, fi on conftruit les miroirs de carton doré, comme M. l'Abbé Noller le vouloit, chaque étincelle occafionneroit une tache ineffaçable? & c'eft pour cette raifon que j'ai avancé au commencement de ce Mémoire, qu'il y auroit des inconvéniens de faire les miroirs de carton doré.

Un.deffin tracé avec l'encre de fympathie verte fur un petit morceau de papier, mis dans la pincette, qui ne doit pas être exactement au foyer du miroir, mais plus ou moins éloigné, prend fa belle couleur

verte, auffi-tôt que l'action du foufflet anime le charbon de l'autre miroir.

Il paroît que ces miroirs peuvent réfléchir également les rayons fonores; puifqu'on entend très-diftinctement les ofcillations d'une montre de poche placée au foyer de l'un des deux miroirs, au moyen d'un tuyau courbé en équerre, dont on place un bout au foyer du fecond miroir, tandis que Lobfervateur applique l'oreille à l'autre bout du tuyau. Cet effet a eu lieu jufqu'à la diftance de trente pieds.

Il réfulte des effais dont je viens de rendre compte, qu'on peut déformais fe procurer le plaifir de réuffir dans cette expérience, nonfeulement à peu de frais, mais encore d'une manière très-facile, entiè rement exempte de toutes fortes d'inconvéniens & de difficultés qu'on peut y avoir envifagés jufqu'ici. Je n'ai pas pouffé plus loin mes recherches fur cet objet, qu'on peut encore beaucoup multiplier. Je me contente d'en avoir fourni l'occafion aux amateurs éclairés, qui ne regreteront sûrement pas les foins qu'ils donneront à cette belle expérience, qui de toutes celles que la Phyfique expérimentale nous offre, fur-tout dans la Catoptrique, eft peut-être la feule qui confirme auffi démonstrativement & d'une manière aufli frappante, les loix que la théorie prend pour

base.

MÉMOIRE

Sur un nouveau Gaz obtenu par l'adion des alkalis fur le phofphore de Kunckel;

Par M. GENGEMBRE;

Lu à PAcadémie Royale des Sciences de Paris, le 3 Mai 1783%

COMME

OMME le phofphore de Kunckel eft une substance dont la découa verte n'eft pas très-ancienne, fes différentes combinaisons avec les autres corps, & les altérations qu'il peut en recevoir font encore peu connues; mais ce que l'on fait fur cette matière combuftible, fuffit pour faire voir que fes propriétés ont un grand rapport avec celles du foufre.

En effet, le phosphore, comme le foufre, donne, par fa combustion,

un acide qui lui eft particulier.

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Il a, comme lui, deux fortes de combuftions, l'une tranquille & lente, l'autre rapide, & avec décrépitation.

Lorsqu'il brûle lentement, on obtient un acide différent de celui qui provient de fa combustion rapide, & qui paroît être à ce dernier, ce que

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l'acide fulfureux eft à l'acide vitriolique; car cet acide, lorfqu'il eft récent, eft encore lumineux dans l'obfcurité, & retient une légère odeur d'ail.

Quand on l'expofe à l'air, il paffe, au bout d'un tems plus ou moins long, à l'état d'acide phofphorique proprement dit, & fi, au lieu de le laiffer à la fimple température de l'atmosphère, on lui applique une plus forte chaleur dans un vaiffeau ouvert, il s'en élève de tems en tems des petites flammes qui font probablement dues à ce que le phofphore n'eft point entièrement brûlé. Ces propriétés peuvent fe comparer à celles de l'acide fulfureux.

Le phofphore s'unit auffi à quelques fubftances métalliques, d'après les expériences de M. Margraf; à l'arfenic, au zinc & au cuivre ; & s'il refuse de se combiner aux autres, c'eft peut-être à cause de sa grande volatilité & de fon extrême facilité à s'enflammer.

Enfin, le procédé par lequel on le retire de la substance qui le contient, est semblable à celui qu'on emploie pour obtenir le foufre artificiel.

Tous ces faits qui indiquent, entre le foufre & le phosphore, une analogie affez marquée, m'ont donné l'idée d'examiner fi elle fe foutiendroit dans la combinaison du phofphore avec les alkalis, & s'il ne pourroit pas en réfulter des efpèces de foies de phofphore. Voici le détail de mes expériences.

J'ai mis de l'alkali fixe végétal cauftique en digeftion fur du phosphore: au bout de quelques heures, j'ai apperçu une multitude de bulles trèspetites qui adhéroient à la furface du phosphore: alors j'ai expofé le tout à une chaleur de 35 à 40 degrés pour accélérer l'action de l'alkali. A peine le phofphore a-t-il été fondu, qu'il s'eft dégagé une odeur infupportable de poiffon pourri, & une quantité affez confidérable d'un gaz particulier qui s'enflammoit de lui-même & avec explosion, auffi-tôt qu'il

avoit le contact de l'air.

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Cette première épreuve m'a rendu certain que l'alkali agiffoit d'une manière quelconque fur le phofphore; mais, pour connoître cette action & la nature du gaz qui fe dégageoit, il étoit néceffaire de répéter cette expérience fur des quantités déterminées, & avec un appareil propre recueillir les fluides aériformes.

Pour cet effet j'ai pris un gros 6,5 grains de phosphore que j'ai mis dans un petit matras, dont le col avoit été recourbé à la lampe ; j'y ai ajouté 2 onces 7 gros 28,3 grains d'alkali végétal cauftique en liqueur qui contenoit 3 onces 6 gros d'alkali concret, fur 12 onces d'eau distillée.

J'ai chauffé très-doucement ce mêlange avec une lampe à efprit-de-vin; il s'eft fait une légère effervefcence; l'alkali a pris une couleur plus foncée, & le gaz a commencé à paffer, d'abord avec l'odeur putride dont j'ai déjà fait mention, & fans s'enflammer; mais bientôt après, chaque bulle qui s'échappoit du bec du matras, s'enflammoit avec bruit,

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& produifoit une fumée blanche qui prenoit la forme d'un anneau éxactement rond, bien terminé, & dont le diamètre augmentoit, à mesure qu'il s'élevoit dans l'air. Ce fingulier phénomène dépend, fans doute, de la résistance uniforme de l'air: j'en ignore l'explication; mais je l'avois déjà obfervé plufieurs fois dans la fumée des pièces d'artillerie.

Dans cette opération qui a duré environ onze heures & demie, j'ai obtenu 80 pouces. cubiques de gaz, que j'ai reçus au-deffus du mercure, dans cinq cloches differentes.

J'ai fait paller de l'eau diftillée dans la première & la cinquième portions: à l'inftant où l'eau a été en contact avec le gaz, il s'elt élevé dans les cloches un nuage blanc qui a fubfifté pendant deux ou trois minutes. L'abforption par l'eau a été environ d'un cinquante-sixième.

J'ai introduit enfuite fous les deux mêmes cloches quelques bulles d'air commun à chaque bulle qui venoit crever à la furface du mercure, le gaz s'enflammoit fpontanément, & il se formoit des vapeurs jaunâtres qui fe condenfoient für les parois des vaiffeaux & dans l'eau qu'on y avoit fait passer (1). Les mêmes phénomènes ont eu lieu avec l'air vital, & d'une manière beaucoup plus marquée.

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J'ai été curieux de voir combien il faudroit ajouter d'air vital pour faire brûler fpontanément toute la portion du gaz qui en étoit fufceptible: car il en reftoit toujours une grande quantité qui ne s'enflammoit plus d'elle-même: j'ai donc introduit fous une cloche, près de 6 pouces tubiques du gaz dont il s'agit, & j'y ai mêlé peu à peu de l'air vital, jufqu'à ce qu'il n'y ait plus eu d'inflammation fpontanée. Le volume de l'air employé s'eft trouvé de 300 lignes cubiques, & celui du gaz a été diminué d'environ 100 lignes cubiques, diminution qui eft aux 300 lignes d'air vital, comme une quantité donnée de phofphore et à celle de l'air qu'il abforbe pendant fa combustion.

En effet, on verrà dans ce Mémoire, que le gaz, dont nous nous occupons, pèfe à-peu-près le double de l'air vital. Les 100 lignes équivalent donc à 200. Auffi le rapport des deux airs confommés eft celui de 2 à 3, le même que les Chimiftes ont reconnu dans la proportion de l'air que le phofphore abforbe en brûlant.

Le gaz qui ne s'enflammoit plus de lui-même, a cependant fait une vive explolion accompagnée d'une flamme & d'une fumée blanches, lorfque j'ai présentésà l'orifice du vafe qui le contenoit, un papier blanc allumé ; mais tout le gaz ne s'eft point confumé à la fois : il en eft resté au fond du vase, une portion qui a continué de brûler tranquillement avec une flamme verte, de même que le papier avec lequel on l'avoit allumé.

(1) Cette expérience n'eft pas fans danger: il faut avoir foin de la faire dans des vafes très-épais; fans cette précaution, leur rupture eft inévitable.

Ce gaz répandoit, en brûlant, l'odeur du phosphore en déflagration, & laiffoit, après fa combustion, une matière jaunâtre, semblable à celle qui étoit réfultée de l'inflammation fpontanée. Cette matière étoit en partie lumineuse dans l'obscurité, & à l'air libre, ce qui prouve qu'elle contenoir un peu de phosphore.

L'eau qui en avoit diffous une certaine quantité, étoit manifeftement acide au goût, & rougiffoit le papier bleu; mais elle ne précipitoit pas fenfiblement l'eau de chaux, quoique le gaz reftant après l'inflammation fpontanée la précipitât un peu fans diminuer de volume.

Comme on s'eft aidé de la chaleur dans l'opération précédente, il pourroit paroître douteux que ce gaz (que j'appelerai gaz phosphorique inflammable) fût produit par l'action de l'alkali; mais on obtient à froid un gaz femblable à celui qu'on vient de faire connoître, à l'exception qu'il s'enflamme plus difficilement de lui-même, qu'il perd cette propriété au bout d'un espace de tems affez court, & que les premières portions en font totalement privées; mais cette différence même n'est pas trèsconfidérable; car le gaz phofphorique obtenu à l'aide de la chaleur devient auffi, peu-à-peu, incapable de s'enflammer fpontanément, à mefure qu'il fe condenfe du phosphore fur les parois des vaisseaux: it paroît d'ailleurs que les premières portions contiennent moins de matière inflammable d'elle-même, que les autres, puifque, plus d'un mois après l'opération, celles-ci prenoient encore feu très-facilement, auffi-tôt qu'elles étoient mêlées à l'air, tandis que celles-là ne jouiffoient déjà plus de cette propriété. Peut-être cela dépend-il de la pureté du gaz phofphorique, qui fe trouve mêlangé, lorfqu'il commence à fe dégager d'une plus ou moins grande quantité d'acide crayeux dû à l'alkali; car on ne fauroit fe flatter d'avoir un alkali fixe fi cauftique qu'il n'en retienne encore une quantité très-confidérable, fur-tout lorfqu'il eft auffi concentré que celui dont je me fuis fervi.

Après avoir examiné les propriétés du gaz phosphorique, j'ai pesé la combinaison qui étoit dans le matras: elle avoit perdu 66,3 grains de fon poids; ce qui donne pour pefanteur fpécifique du gaz, environ 0,8 de grains le pouce cubique; mais il faut remarquer que cette pefanteur doit être bien moins confidérable; car la chaleur avoit volatilifé un peu d'eau, & même un peu de phosphore, puifque l'intérieur des cloches en étoit tapiffé.

Pour favoir fi l'alkali étoit décompofé, ou s'il tenoit du phofphore en diffolution, je l'ai faturé d'acide vitriolique médiocrement concentré.

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Il s'eft précipité une poudre noirâtre, mais en fi perite quantité qu'il m'a été impoffible de la pefer exactement; mais jetée fur un morceau de fer rouge, elle a brûlé avec l'odeur & la flamme du phosphore.

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