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LETTRE

DE M. FORDYCE

A M. BANKS,

Lue à la Société Royale de Londres, le 28 Avril 1785;

Sur la perte de poids' qu'éprouvent les corps fondus ou échauffés;

Traduite de l'Anglois par Madame P***, de Dijon.

QUOIQUE j'aie fait un grand nombre d'expériences fur la perte de

poids qu'éprouvent les corps qui deviennent fluides ou chauds, je ne crois pas devoir les mettre toutes fous les yeux de la Société, parce qu'elles n'offrent rien de fingulier; je me contenterai de rapporter celles qui fuivent, & qui me paroiffent déterminer d'une manière décisive la perte de poids de la glace quand elle eft convertie en eau, & indiquer la caufe de la plus perite méprife de celles que j'ai faites jufqu'à préfent pour découvrir la perte de poids de la glace qui acquiert de la chaleur.

La balance dont je me fuis fervi étoit fi exacte, qu'étant chargée de 4 à 5 onces dans chaque baffin, la 1600 partie d'un grain marquoit fur l'index la différence d'une divifion. Elle fut placée dans une chambre dont la chaleur étoit de 37 degrés au thermomètre de Farhenheit, entre une & deux heures de l'après-midi, & tout l'appareil, laiffé avec les poids de cuivre jufqu'à ce qu'ils euffent acquis la même température.

Je pris un matras de verre, ayant un renfoncement dans la partie inférieure, & un tube au-deffus, pefant environ 451 grains, j'y fis entrer à-peu-près 1700 grains de l'eau de New-River, & je le fcellai hermétiquement. Le tout parfaitement nettoyé peloit environ 2150 grains; la chaleur étant amenée à 32 degrés, en le plaçant dans un mêlange refroidiffant de fel & de glace jufqu'à ce qu'il commençât précisément à geler & remuant le tout enfemble.

Après qu'il eut été pefé, il fut remis dans le mêlange refroidiffant pendant environ 20 minutes; lorfqu'on l'en retira, une partie de l'eau Te trouva en glace: il fut bien effuyé, d'abord avec un linge fec, enfuite avec une peau lavée & féchée; & l'ayant mis dans la balance, il fe trouva avoir gagné de grain. Cette opération fut répétée cinq fois, il fe

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trouva à chaque fois plus d'eau convertie en glace & plus de poids acquis. Pendant ce tems-là, la température de la chambre & de l'appareil étoit defcendue au point de congellation.

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Le tout étant pris en glace, le matras fut bien effuyé, & fon poids fe trouva augmenté de de grain & 4 divifions de l'index. L'ayant laiffe dans la balance environ une minute, j'obfervai qu'il commençoit à perdre de fon poids, je l'ôtai fur le champ & le portai à quelque distance de la balance, je plongeai immédiatement un thermomètre dans le mêlange refroidiffant, & je trouvai fa température de 10 degrés; ayant placé la boule du thermomètre dans le renfoncement du matras de verre, il marqua 12 degrés; je laiffai le tout en cet état une demi-heure, & le thermomètre appliqué au fond du matras fe trouva à 32 degrés. Tout étant pour lors à la même température, je pefai le verre qui contenoit la glace après l'avoir bien effuyé, & je reconnus qu'il avoit perdu & cinq divifions; de forte qu'à une divifion près, il pefa de plus que quand l'eau étoit fluide.

Je fis fondre la glace à une très-petite quantité près, & le matras fut expofé à l'air dans une température de 32 degrés, pendant un quart d'heure; le petit morceau de glace refta a-peu-près le même. Je pesai pour lors le matras, toujours bien effuyé, & il se trouva plus pefant d'une divifion qu'il n'étoit au commencement. Enfin, j'enlevai les poids de la balance, & elle fe trouva exactement en équilibre comme avant l'expérience.

L'augmentation de poids trouvée dans l'eau convertie en glace peut venir ou d'une augmentation de gravitation de la matière de l'eau ou de quelque matière qui paffe à travers le verre, & qui est néceffaire pour rendre l'eau folide.

Pour décider laquelle de ces deux propofitions eft vraie, on peut faire un pendule d'eau & un autre de glace, de même longueur, femblables en tout & décrivant des arcs égaux. S'ils marquent des tems égaux, il y a certainement quelque matière ajoutée à l'eau. Si les vibrations du pendule de glace font accélérées, l'attraction de gravitation eft augmentée. Car il n'y a rien de plus certain que ce principe: que chaque particule de matière inanimée eft parfaitement incapable de fe mettre d'elle-même foit en mouvement, foit en repos; c'eft pourquoi une certaine force appliquée à une maffe de matière de manière à lui communiquer une certaine viteffe, donnera le double de vîteffe pour moitié de la quantité, & la moitié de vîteffe pour le double de la quantité: en général la viceffe eft exactement en raison inverse de la quantité de matière. Maintenant fi l'on fuppofe qu'il y ait la même quantité de matière dans l'eau que dans la glace, que la force de gravitation dans l'eau foit moindre d'un 28000 que dans la glace, & que le pendule de glace batte les fecondes, le pendule d'eau perdra un 28000o de feconde

à chaque vibration ou une feconde fur 28000; ce qui revient prefqu'à trois fecondes par jour, quantité ailée à mesurer.

Je fais que quelques-uns penfent qu'il y a une matière absolument légère ou qui repouffe, au lieu d'attirer, les autres corps; mais j'avoue que cette opinion me paroît abfurde; cependant on pourroit en juger par l'expérience fuivante. Suppofons, par exemple, que la chaleur foit une matière & abfolument légère, & que la glace ait acquis du poids en perdant fa chaleur; alors le pendule de glace parcourroit le même arc dans un espace de tems moindre d'un 14000, qu'un femblable pendule d'eau; cat la même puiffance, non-feulement, agiroit fur une moindre quantité de matière, mais feroit encore diminuée par une force contraire.

Jufqu'à ce qu'on ait fait cette expérience du pendule ou quelqu'autre auffi décifive, ce feroit perdre du tems que de former des conjectures fur la cause de l'augmentation de poids pendant la converfion de l'eau en glace dans des vaiffeaux de verre fermés hermétiquement.

J'obferverai feulement que la chaleur diminue certainement l'attraction de cohéfion, l'attraction chimique, celle du magnétifme & de l'électricité, & s'il étoit démontré qu'elle diminue auffi l'attraction de gravitation, je n'hésiterois pas d'admettre dans la chaleur la propriété de diminuer l'attraction, qui, dans ce cas, ferviroit à l'explication de tous les phénomènes.

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Je reviens préfentement à la feconde partie de l'expérience, c'est-àdire, que la glace acquéroit la 8 partie d'un grain lorsqu'elle étoit refroidie au 12° degré du thermomètre de Fahrenheit. Dans ce cas, il peut y avoir une variation occafionnée par la contraction du vaiffeau de verre, & par conféquent une augmentation de pefanteur spécifique par rapport à l'air, Mais il n'eft pas néceffaire d'obferver qu'une auffi petite quantite ne feroit pas fenfible à une balance pareille à celle qui a fervi à l'expérience. En fecond lieu, l'air refroidi par la glace au-deffus du baffin devenant plus pefant que l'air ambiant prefferoit de haut en bas fur ce baffin avec une force égale à la différence. Si une quantité moindre qu'une demi-pinte d'air eût été refroidie au-deffus du baffin au degré de la glace & du vaiffeau qui la contenoit, c'est-à-dire, 20. degrés au-deffous du point de congellation, la différence, fuivant la Table du Général Roy, auroit été la 8 partie d'un grain que le poids auroit acquis; mais la température de l'air étant feulement à un degré au-deffous de la congellation à un demi-pouce de diftance du matras, je ne puis concevoir que même un huitième de pinte d'air ait pu être refroidi au-deffus du baffin à 20 degrés au-deffous de la congellation, ni que la différence totale du poids de l'air fur la balance puiffe jamais aller à un 32° de grain. J'ai néanmoins imaginé un appareil dans lequel on pourroit exécuter cette expérience, pour se mettre abfolument à l'abri de toute

erreur à ce fujet. Je n'en dirai donc pas davantage fur cette partie de l'expérience, il me fuffit en ce moment d'avoir prouvé que l'eau acquéroit réellement du poids en fe convertiffant en glaçe (1).

MÉMOIRE

Sur les moyens de mettre le feu à des corps combuftibles au foyer d'un miroir concave, en plaçant un charbon ardent, & animé par un foufflet au foyer d'un autre pareil miroir ;

Par A. SOCIN, Docteur en Médecine à Bále, ci-devant premier Médecin de S. A. S. le Prince Héréditaire de Heffe-Caffel. ON eft furpris de ne trouver que de fimples indications fur cette

matière dans les excellens Ouvrages de s'Gravefende, de Musschenbroek, & dans la plupart des meilleurs Traités d'Optique, comme dans celui de Smith, commenté par M. Kaeftner, célèbre Profeffeur à Gottingue, ou dans celui de M. Priestley. Ce n'eft affurément pas que les expériences que l'on peut faire avec ces miroirs foient moins curieufes &. moins intéreffantes que la plus grande partie de celles que contiennent les écrits

nommés.

M. Sigaud de la Fond ne parle pas de ces miroirs dans fa Description d'un cabinet de Phyfique expérimentale, & dans fes Leçons de Phyfique, il en fait mention d'une manière affez vague, fans s'expliquer fur leurs grandeurs, & ne propofant que fix pieds de diftance entre les miroirs.

Il n'en eft pas queftion dans Polinière & Defaguliers. Ferguson, qui a pourtant publié un choix de Leçons de Phyfique, fe taît également là deffus.

(1) La même expérience a été faite à Dijon en février & mars de cette année par MM. de Morveau, de Gouvenain & Chauffier, en cherchant à vérifier la conjecture de M. Bergman fur le poids de la matière de la chaleur: (Journal des Savans, juillet, page 493) non-feulement l'eau a été trouvée plus pefante après avoir été gelée dans des ballons fermés hermétiquement, mais deux livres d'acide vitriolique gelé ont pefe 3 grains de moins lorfque l'acide eut repris fa fluidité. M. de Morvez a reçu d'Italie un Riftretto publié avec la date du 18 juin 1785, dans lequel on annonce auffi un grand Mémoire de M. Fontana & beaucoup d'expériences faites à Florence par ce Phyficien fur le poids de la chaleur latente & le poids de la chaleur fenfible, avec une nouvelle balance qui, chargée de 50 livres dans chaque baffin, marque conftamment un grain; il conclut que la chaleur qu'acquiert la glace en fe fondant n'eft nullement fenfible, & que la balance conserve l'équilibre le plus parfait. Note du Traducteur.

M. l'Abbé Nollet, que M. Guyot paroît avoir en partie copié dans fes Récréations Phyfiques & Mathématiques, en traite à la vérité avec aflez de détail dans le cinquième volume de fes Leçons de Phylique expérimentale & dans fon Art des Expériences; il a enfeigné la façon d'en conftruire. En lifant ce qu'il en a dit, on ne peut cependant pas s'empêcher de penfer qu'il redoutoit toujours cette expérience. Il mettoit un fi haut prix à une paire de ces miroirs quand on lui en demandoit qu'il fembloit vouloir en dégoûter. J'ai connu plufieurs perfonnes qui ont autrefois affifté à fes Cours, qui m'ont afluré n'avoir jamais vu qu'il

les montroit.

Les longs foyers qu'il a donnés à ces miroirs, & les inconvéniens que je démontrerai dans la fuite devoir réfulter, fi on les conftruifoit de carton doré, comme il le confeilloit, me perfuadent qu'il n'a pas trop bien réuffi dans cet objet.

On a un Mémoire de M. du Fay fur ces miroirs (1). Il en fit voir l'expérience à MM. de l'Académie; M. de Varinge lui fit part, qu'on lui avoit dit, qu'au Collège des Jéfuites de Prague, il y avoit deux miroirs paraboliques concaves, qu'on plaçoit vis-à-vis l'un de l'autre, & dont l'un brûloit à fon foyer, lorfqu'on mettoit un charbon ardent dans celui de l'autre. M. de Varinge affura l'avoir éprouvé lui-même, & avoir fait deux miroirs de bois doré qui réuffirent parfaitement, étant éloignés de trois pieds l'un de l'autre. M. du Fay fit deux miroirs paraboliques de plâtre doré & bruni, & les ayant difpofés vis-à-vis l'un de l'autre, en forte que leur axe fût commun, il plaça au foyer de l'un un charbon allumé en le foufflant du côté du miroir avec un foufflet dont le bout étoit recourbé; cela excita une fi grande chaleur au foyer de l'autre miroir, que le feu pric un inftant après à la poudre qu'il y avoit mife, l'éloignement des miroirs étant à fix pieds. Il jugea dans la fuite que des miroirs fphériques devoient faire le même effet, & trouva ces derniers meilleurs que les paraboliques. Avec un de vingt pouces de diamètre & l'autre de dix-fept, il mit le feu à cinquante pieds, au lieu qu'avec fes miroirs paraboliques il n'avoit pu y parvenir qu'à la diftance de dix-huit pieds. Les foyers de tous ces miroirs ne font pas indiqués dans le Mémoire.

L'existence de pareils miroirs fe date déjà du fiècle paffé, & on en parla alors comme d'une chofe merveilleufe. Une obfervation d'un ancien Phyficien pouvoit probablement en avoir donné l'idée (2).

(1) Voyez l'Histoire de l'Académie Royale des Sciences, année 1725, page 165, fur quelques expériences de Catoptrique.

(2) On trouve le paffage fuivant, que je tranfcrirai ici mot à mot, dans les Mifcellanea curiofa medico-phyfica Academia Nature Curioforum, anni 1672, vel anno tertio, page 163. D. Johannis Danielis majoris de Radio Caloris bi-reflexo.

Protulit Andreas Gryphius fpeculum concavum metallicum cujus diameter

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