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paroître au moins auffi extraordinaire que le pourra paroître celui des para-tremblemens de terre, quoiqu'anciennement les habitans de l'Eubée en aient fait usage, & prefque de nos jours les Perles, pour garantir la ville de Tauris. On n'objectera pas fans doute que la dépenfe d'un para tonnerre n'est rien en comparaifon de ce que coûteroit un para-tremblement de terre, parce qu'on ne manqueroit pas de répondre qu'un feul bâtiment qui fait l'objet du premier, n'eft rien en comparaifon d'une grande ville qui fait celui du fecond. On objećtera plus vraisemblablement qu'avant que de chercher à combattre une caufe, on doit chercher à s'aflurer qu'elle exifte. Mais fi d'un côté on confidère avec attention la machine à feu avec les effets, & de l'autre les volcans toujours placés à côté ou à portée de maffes d'eau, on fe convaincra qu'ils ne different de cette machine, qu'en ce que dans celle-ci l'art affujettit, tempère, modifie & dirige les loix de la nature pour les faire fervir à nos goûts & à nos befoins, tandis que dans les volcans, ces loix déploient toute leur énergie, en formant ou engloutiffant des îles & des montagnes, en rompant & dechirant les terres qui feparoient les mers, en menaçant ou détruifant les villes par d'effroyables fecoufles, en ouvrant le fein de la terre pour engloutir les tyrans, ainsi qu'il est arrivé au mois de mai 1784, au nouveau Pacha d'Erzerum en Arménie & à cinq cens homines qui compofoient fa fuite, & enfin en confolant l'humanité par ces bains falutaires qui procurent la guérifon ou du foulagement aux hommes affligés de bleffures ou de maladies. Pour s'affurer que les tremblemens de terre ne font que l'effet de machines à feu naturelles, il n'eft pas néceffaire ni que la maffe du combustible allumé, ni que la chaudière ou les chaudières dont s'élèvent les vapeurs, ni que les eaux qui les alimentent, paroiffent à découvert à nos yeux. Il exifte beaucoup de ces volcans cachés dans l'intérieur du globe; tels font ceux qui chauffent les eaux thermales dont on ne voit ni le feu ni les chaudières, ni les maffes d'eau qui les alimentent. Il est même à remarquer que cette espèce de volcans ne caufe point de tremblemens de terre, parce que les ouvertures par lesquelles fortent les eaux chaudes fervent en même tems de tuyaux d'évacuation à la vapeur qu'on en voit fortir abondamment. Quant aux chaudières en particulier, elles ne fauroient être à découvert, & leur vapeur produire des tremblemens de terre, ni aucun des phénomènes qui les accompagnent, parce que cette vapeur s'exhale dans l'air libre, ainfi qu'on l'obferve à Sainte-Lucie, l'une des îles du vent, où les chaudières rangées autour du volcan, font à ciel ouvert, en forte qu'il n'en réfulte ni n'en peut réfulter aucun tremblement de terre. Il n'eft pas néceflaire non plus que le volcan foit à ciel ouvert, pourvu qu'il brûle dans un espace assez étendu pour la raréfaction de l'air qu'il échauffe. La maffe d'eau qui alimente les chaudières peut également être cachée à nos yeux, fur-tout fi elle eft entretenue par l'infiltration des eaux pluviales ou de fontes de

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neige. Auffi les parties du globe très-éloignées des volcans visibles & connus, éprouvent-elles quelquefois des tremblemens de terre. S'il y a des volcans visibles qui n'en produifent point, ou qui en produisent rarement, c'est parce qu'il n'y a point de chaudières remplies ou entretenues à leur portée, ou que la maffe d'eau qui les fournit eft rarement fuffifante pour produire le volume de vapeurs capable de les caufer. Tel volcan en produifoit autrefois qui n'en produit plus aujourd'hui, ou parce que la maffe d'eau qui alimentoit fes chaudières eft tarie, ou s'eft éloignée, ou parce que le rameau fouterrain de leur communication s'eft obftrué. Une infinité de volcans font éteints, ou parce que la masse du combustible eft confumée, ou parce que dans les bouleversemens, elle a été couverte & enveloppée de matières incombustibles.

Quant à l'eau, au foufre & au bitume liquides, aux pierres de différentes espèces, lancés hors de la bouche du volcan ou de ses fentes latérales, la force de la vapeur fuffit pour les expliquer. Les jets d'eau ne font que la vapeur même lancée dans l'air libre s'y condenfant & retombant en maffe, le foufre & le bitume qui fe rencontrent dans le chemin de la vapeur, font mis en fufion par fa chaleur brûlante, & pouffés en raifon de fon volume & des ouvertures par où elle s'échappe avec ces matières. Les pierres font lancées, comme le feroit le pifton d'une machine à feu artificielle, s'il n'étoit retenu par la chaîne & par le balancier, retenu lui-même par les colliers de fes tourillons: les torrens de laves ou d'autres matières en fufion proviennent des chaudières rompues qui les contenoient. Si la vapeur de l'eau bouillante rencontre dans l'activité de fa force expanfive, quelque fente par laquelle elle puiffe s'échapper dans l'air libre, la force avec laquelle elle le choque & le met en vibration, produit ce fifflement qui quelquefois précède & accompagne les tremblemens de terre. On objectera peut-être que la vapeur ayant une fois trouvé une iffue, il ne devroit plus y avoir de tremblement de terre. Il en feroit ainfi en effet, fi elle pouvoit s'échapper toute par cette iffue à mesure qu'il s'en forme de nouvelle; mais fi elle devient tellement abondante qu'il ne s'en puiffe échapper qu'une trèsperite quantité, le tremblement de terre aura lieu, ainfi que le fifflement qui ceffera, fi la fente qui l'occafionne vient à s'obftruer dans les

commotions.

Quant à l'anéantiffement & à la formation d'iles & de montagnes, ils s'expliquent également par la machine à feu. L'intérieur du globe eft un grand laboratoire de chimie où la fermentation entretenant le mouvement des corps & le jeu de leurs combinaifons, il en résulte des altérations dans leurs maffes, leurs volumes, leurs qualités & leurs fituations, & par conféquent dans les efpaces qu'ils rempliffent. Qu'un de ces efpaces caverneux vienne à fe remplir par l'écroulement de fa voûte, cette voûte chargée d'une montagne fituée dans les terres ou

dans les mers, (l'écroulement caufé par l'effort de la vapeur de l'eau bouillante cherchant à s'étendre) la montagne s'enfoncera dans l'efpace caverneux & lui fervira de remblai. Qu'un autre efpace foit infuffifant pour une grande quantité de vapeurs qui s'y porteront avec violence, elles fouleveront fa voûte avec la charge des terres qu'elle porte, & les mettront au-deffus du niveau des campagnes ou des mers. C'est ainfi qu'au rapport de Senèque, cité par Draper naquit de fon tems, à la vue de nombre de Matelots, l'île de Thérafie, aujourd'hui Santorin, dans l'Archipel. On comprend que la maffe foulevée laissant vuide la place qu'elle occupoit, il doit néceffairement fe former pour la foutenir, une nouvelle voûte par la jonction des fommités des parties environnantes mifes en furplomb par le foulevement. On a déjà fait remarquer combien peu de folidité doivent avoir des voûtes ainfi formées au hafard. Auffi la moitié de cette île de Santorin, née du tems de Sénèque, fut-elle abîmée par un tremblement de terre en 1507. Un canal trèsprofond prit la place de la partie enfevelie fous les eaux, & divifa le refte en plufieurs morceaux qui ne font pour la plupart que des débris volcaniques. La partie la plus confidérable de ces morceaux épars, effuya encore au commencement du dix-feptième fiècle, un tremblement de terre qui en fit difparoître la moitié avec fept ou huit cens habitans. Senèque qui, de même que fon fiècle, avoit plus d'efprit que de connoiffances physiques, attribue la naiflance de cette île à la force des efprits fouterrains qui la foulevèrent du fond d'un abîme (1). Enfin, les vapeurs qui en 1783 couvrirent dans le même tems & pendant près de quatre mois, une partie de l'Europe, de l'Afie & de l'Afrique, n'étoient très-probablement qu'une tranffudation, c'est-à-dire, que les chaudières répandues fans doute dans l'intérieur de ces parties du globe, ayant fourni abondamment de vapeurs, les galleries & les rameaux qui communiquoient avec elles, à l'aide d'une quantité fuffifante de combuftibles allumés par la fermentation, elles pénétrèrent à travers les épaiffeurs de leurs voûtes, & fe répandirent dans l'atmosphère. Cela supposeroit à la vérité ou que ces voûtes étoient crevaffées ou qu'elles avoient peu d'épaiffeur. L'une ou l'autre de ces conjectures, & fur-tout. la dernière, ne feroient pas fans fondement, puifque dans certains cantons de la Bourgogne, les vapeurs furent chaudes, defféchèrent & firent périr le raifin à peine formé.

(1) Si, à la place des efprits fouterrains, Senèque eût mis les vapeurs de l'eau bouillante, il eût eu raison.

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RECHERCHES

Sur la nature des fubftances animales, & fur leur rapport avec les fubftances végétales; ou Recherches fur l'acide du fucre;

Par M. BERTHOLLET.

COMME l'on ne peut féparer, par les moyens employés jusqu'à préfent dans l'analyfe chimique, les principes qui entrent dans la conpofition des fubftances animales, fans les altérer ou fans former de nouvelles combinaisons qu'il ne faut fuppofer préexiftantes, on ne peut avoir que des idées très-imparfaites fur leur nature & fur les différences qui les diftinguent des fubftances végétales qui prennent fi facilement leur caractère par l'action vitale. Ne parviendra-t-on pas à acquérir des notions plus exactes, en obfervant les rapports que les fubftances de l'un & de l'autre règne ont avec les différens agens, dont la chimie moderne a appris à faire usage, ou du moins à rendre raifon de plufieurs phénomènes dont la cause est restée inconnue ?

J'ai fait quelques expériences fous ce point de vue je vais préfenter aujourd'hui celles que j'ai tentées avec l'acide nitreux, à l'imitation de celles que M. Bergman a faites fur le fucre & fur quelques autres fubftances végétales; je les ai annoncées dans le Journal de Médecine de 1778.

J'ai choifi la foie pour commencer mes expériences, parce qu'étant d'une nature homogène, elle m'a paru plus propre à cette analyfe que plu fieurs autres fubftances animales; j'ai donc distillé de la foie avec fept à huit parties d'efprit de nitre ordinaire, elle a été attaquée promptement, il s'eft dégagé beaucoup de vapeurs rouges, & bientôt elle s'elt trouvée entièrement diffoute, de façon qu'on n'appercevoit dans la cornue qu'une liqueur très-claire & bleuâtre, comme il arrive toutes les fois que l'acide nitreux eft phlogistiqué à un certain degré. Lorsque j'ai vu qu'il reftoit peu de liqueur, j'ai laiffé refroidir l'appareil; j'ai trouvé le lendemain dans la cornue une quantité affez confidérable d'un fel qui, après une feconde cryftallifation, étoit bien tranfparent & bien cryftallifé en aiguilles prifmatiques, & qui m'a préfenté, foit dans fa forme, foit dans fes combinaifons, foit dans la diftillation pneumato-chimique, tous les caractères du fel qu'on connoît à préfent fous le nom d'acide du fucre ou faccarin.

Lorfque l'acide nitreux qui a diffous la foie fe refroidit, il fe fige à fa furface une fubftance graiffeufe qui, par le moyen de la chaleur, fe

diffout

diffout entièrement dans la liqueur, quoiqu'on l'affoibliffe de beaucoup d'eau, & qui paffe avec elle par le filtre.

Pour obferver cette graiffe, il ne faut pas diftiller fur la foie une quantité d'acide nitreux qui foit fuffifante pour obtenir l'acide faccarin dans un état de pureté, car l'acide nitreux l'entraîne avec lui dans la diftillation, il en furnage alors une partie, mais la plus grande partie fe combine avec lui, comme on le verra dans la fuite de ce Mémoire.

J'ai foumis à la même expérience, de la laine, une peau préparée & des tendons; la laine eft de toutes les fubftances animales que j'ai éprouvées celle qui m'a donné la plus grande quantité d'acide faccarin ; de fix gros, j'en ai retiré trois gros & quatre grains, pendant que M. Bergman n'en a retiré qu'une partie fur trois parties de fucre, qui eft la fubftance végétale qui lui en a le plus donné; la peau en a auffi beaucoup donné; les tendons un peu moins; la quantité de la graiffe a été à-peu-près égale dans ces différentes épreuves: les cheveux m'ont donné beaucoup de graiffe & d'acide faccarin.

Jai traité de la même manière une partie mufculeuse, autant privée de graiffe qu'il m'étoit poffible, & que j'avois tenue long-tems en digestion avec une grande quantité d'eau pour en féparer la partie gélatineufe; mais il s'en eft féparé beaucoup de graiffe, & je n'ai pu faire cryftallifer #régulièrement la petite portion d'acide, parce que je n'ai pu la féparer affez de la matière graffe; la gelée m'a donné très-peu de graiffe & extrêmement peu d'acide.

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J'ai retiré du coagulum du fang beaucoup d'acide & une quantité assez confidérable de graiffe; mais la partie albumineufe de la férofité du sang, coagulée par l'ébullition, m'a préfenté les mêmes caractères que la gelée.

Le blanc d'œuf, durci par l'ébullition, & traité avec l'acide nitreux s'eft promptement diffous, il a donné beaucoup de vapeurs rouges, une quantité médiocre de graiffe, & une quantité affez confidérable d'acide faccarin.

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Le jaune d'œuf contient une huile qui a toutes les propriétés des huiles végétales par expreffion; après l'avoir privé, autant que j'ai pu, de cette huile, je l'ai diftillé avec l'acide nitreux, il a donné promptement une quantité affez confidérable d'huile qui nageoit fur l'acide nitreux, pendant qu'il étoit chaud, & qui s'eft figée en refroidiffant; elle étoit jaune, & paroiffoit être encore une portion de l'huile végétale de l'œuf, je l'ai féparée, après quoi j'ai continué la diftillation jufqu'au point convenable; il s'eft figé beaucoup de graiffe, & je n'ai retiré que peu de fel acide, de forte, qu'excepté l'huile végétale, le jaune d'oeuf donne dans cette analyfe, les mêmes produits que les fibres mufculeuses.

Quoiqu'on ne puiffe douter que les fubftances végétales ne contiennent de l'huile dans leur mixtion, elle eft abfolument détruite par l'action de

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