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Une découverte en amène ordinairement plufieurs autres: celle de l'électricité donna la folation de différens problêmes qu'on avoit tenté inutilement d'expliquer par des agens alors connus; on ne découvrit la préfence du fluide électrique dans la torpille, qu'après avoir travaillé affez long-tems fur l'électricité. M. Walsh eft le premier qui ait démontré clairement cette propriété dans ce poiffon; M. Jean Hunter a auffi le premier décrit avec le plus de foin les organes qui forment, pour ainfi dire, fes batteries; la physique & l'anatomie ont fourni à ces deux Savans les mêmes résultats dans l'examen d'un poisson d'une forine très-différente de celle de la torpille, & qui étoit inconnue aux anciens: on le trouve dans les grandes rivières de l'Amérique méridionale; fa ressemblance avec l'anguille, lui a fait donner le nom d'anguille électrique; fes effets font plus fenfibles que ceux de la torpille, mais celle-ci vit dans l'eau falée, & l'autre dans l'eau douce, deux fortes de conducteurs de nature bien différente.

M. de la Condamine, dans la relation qu'il a donnée de fon voyage dans l'Amérique méridionale, parle d'un poiffon qui avoit la même propriété que la torpille, & qu'il regarde comme une lamproie, parce que fon corps étoit percé d'un grand nombre d'ouvertures; il l'avoit obfervé aux environs de la ville de Para, dans la rivière des Amazones. Cette espèce étoit probablement l'anguille électrique, dont la tête étoit percée de quelques petits trous qui ont un peu de reffemblance avec les évents de la lamproie, mais qui ne font que les orifices de plufieurs tuyaux excréteurs qui fourniffent une humeur particulière destinée à lubrefier la tête, L'anguille électrique eft d'ailleurs affez commune dans la rivière des Amazones.

Outre les deux efpèces de poiffons électriques dont nous venons de parler, il en exifte une troifième dans certaines rivières d'Afrique; MM. Adanfon & Forskal en ont fait mention, mais leurs defcriptions font peu étendues; d'ailleurs ils ne nous en ont pas donné la figure.

M. Adanfon, dans fon voyage au Sénégal, dit, qu'il vit pêcher dans les eaux douces du fleuve Niger, un poiffon qui avoit du rapport avec ceux qu'on avoit connus jufqu'alors; fon corps étoit rond, fans écailles, & gliffant comme celui de l'anguille, mais beaucoup plus épais par rapport à fa longueur; il avoit encore quelques barbillons à la bouche. Les Nègres le nommoient Onanicar, & les François le Trembleur, à caufe de la propriété qu'il avoit de caufer non un engourdiffement, comme la torpille, mais un tremblement très - douloureux dans les membres de ceux qui le touchoient; fon effet, qui ne parut point à M. Adanfon différer fenfiblement de la commotion électrique de l'expérience de Leyde, fe communiquoit de même par le fimple attouchement avec un bâton ou une verge de fer de cinq ou fix pieds de long, de manière qu'on laiffoit tomber dans le moment ce qu'on

tenoit à la main; fa chair, quoique d'un affez bon goût, n'étoit pas d'un ufage également fain pour tout le monde.

Forskal avoit vu la même efpèce de poiffon dans le Nil, on la trouve écrite fous le nom de Raja torpedo (torpille) dans l'hiftoire des animaux qu'il avoit obfervés dans fon voyage, & qui a été publiée après fa mort; la qualité électrique de ce poiffon & quelques taches qu'il a fur le corps avoient fait croire à cet Auteur qu'on devoit le rapporter à une des variétés de la torpille décrite par Rondelet; il n'a cependant aucune reffemblance avec la torpille, il appartient même à une claffe très-différente; il ne doit pas non plus, comme l'avoir penfé Forskal, conftituer un genre nouveau, & encore moins être rangé fous celui de Mormyrus, dont il differe effentiellement par la forme de fes dents.

Après l'avoir examiné attentivement, nous croyons devoir le rapporter au genre que les Ichtyologiftes ont nommé Silurus, avec les efpèces duquel il a la plus grande analogie; c'eft fur - tout dans les rivières d'Afrique que les poiffons de cette famille font le plus multipliés nous n'en connoiffons qu'un feul en Europe, le Silurus glanis, Linn. ou le mal des Suédois.

Les habitans des bords du Nil lui donnent le nom de Raasch, qui, en Arabe, fert à exprimer l'idée d'engourdiflement. Les anciens Médecins Arabes ont parlé, fous la même dénomination, d'un poiffon électrique que les traducteurs ont pris pour la torpille; mais comme ces Auteurs n'en ont donné aucune description détaillée, il eft impoffible d'affurer s'ils ont eu en vue la torpille, ou bien cette espèce de filurus que nous appellerons le trembleur, d'après M. Adanfon.

La defcription que Forskal a donnée du trembleur, quoiqu'assez étendue, eft cependant incomplette à bien des égards; il n'a pas parlé des rayons qui foutiennent la membrane des ouïes, nous attribuons à cette omiffion le deffein où il étoit de le ranger parmi les branchiofteges. Une feule nâgeoire fur le dos, fans rayons, & de même nature que cette petite nâgeoire qu'on voit à l'extrémité du dos des faumons & des truites, diftingue effentiellement ce poiffon, non-feulement de toutes les espèces du genre de filurus, mais encore de tous les poiffons connus.

Son corps étoit alongé, lifle, fans écailles, & devenoit très-large & applati vers la partie antérieure; il avoit la tête applatie; les yeux de grandeur médiocre, étoient recouverts par la peau qui enveloppoit toute la tête; chaque niâchoire étoit armée d'un grand nombre de dents petites, pointues, & placées fans ordre; les ouvertures des narines, au nombre de deux de chaque côté, étoient fituées à l'extrémité du mufeau, elles étoient petites & rapprochées; on voyoit autour de l'ouverture de la gueule aux fix appendices ou barbillons, dont deux fur la lèvre fupérieure & quatre fur l'inférieure ; de ces derniers, les deux extérieurs étoient les plus longs; la membrane branchioftège étoit foutenue de chaque côté

fix

par rayons offeux, flexibles & arqués. Il avoit les nâgeoires compofées de plufieurs offelets flexibles, dont le nombre étoit le même que celui indiqué par Forskal; fon corps étoit grisâtre, & les côtés de la queue marqués de quelques taches noirâtres; nous avons vu des individus de plus de vingt pouces de long.

Nous n'entrerons point dans un grand détail fur la description du trembleur, nous nous bornons à indiquer les principaux caractères qui avoient échappé à Forskal; la figure que nous joignons ici, donnera bien mieux qu'une defcription très détaillée, une idée exacte de ce poiffon. Planche II, fig. II.

Les Egyptiens, au rapport de Forskal, mangent fa chair & salent sa peau, à laquelle ils attribuent une vertu aphrodifiaque lorsqu'on la tient dans la main; la caufe nous paroît trop peu analogue avec l'effet, pour ne pas regarder plutôt cette prétendue qualité comme une nouvelle preuve du goût qu'ont les Orientaux pour tous les remèdes qu'ils croient pouvoir entrer dans cette claffe.

que

Le même Auteur dit que fes effets électriques n'étoient fenfibles vers la queue; la peau qui recouvre cette partie nous a paru beaucoup plus épaiffe que celle du refte du corps, & nous y avons bien diftingué un tiffa particulier blanchâtre & fibreux, que nous avons pris pour les batteries du poiffon; Forskal ne doutoit point que cette propriété ne fût analogue à l'électricité, puifqu'il témoigne fon regret de n'avoir pas été à portée de tenter des expériences au moyen des verges de fer ifolées par des cordons de foie. Il paroît que cet animal possède la vertu électrique dans un degré plus foible que la torpille & l'anguille électrique. Il feroit pourtant à fouhaiter qu'on fît des expériences particulières à ce fujet, il n'eft pas douteux que les phénomènes qu'on obfervera fur ces divers poiffons ne préfentent des réfultats différens les uns des autres : l'anguille électrique, par exemple, a donné des étincelles, très-petites à la vérité, mais qu'on n'a pas encore pu obtenir de la torpille; il ne feroit pas difficile de fe procurer des poiffons trembleurs vivans d'Egypte, ils fe tiennent dans l'eau douce, & font d'ailleurs conformés de manière à pouvoir vivre affez long-tems hors de l'eau.

Les poiffons électriques que nous connoiffons, quoiqu'appartenans chacun des claffes différentes, ont cependant certains caractères communs ; ils ont tous la peau liffe, fans écailles, épaiffe & parfemée de petits trous qui font en plus grand nombre vers la tête, & d'où fuinte une humeur particulière; leurs nâgeoires font compofées de rayons moins flexibles, & joints entr'eux par une membrane épaiffe; l'anguille électrique n'a point de nâgeoires fur le dos, & entièrement dépourvue de rayons; on ne trouve point de nâgeoires dorfales dans la torpille, mais feulement deux petites fur la queue: ces trois efpèces ont les yeux petits, l'ouverture des ouïes, ou les évents fermés en partie par des reps

de la peau; cette conformation indique affez que ces animaux vivent le plus fouvent dans des fonds vafeux.

Le corps de la torpille eft arrondi; fa queue eft pourvue de nâgeoires de peu d'étendue & incapables de communiquer au corps du poillon un grand degré d'impulfion; auffi cette efpèce ne fait-elle pas de longs voyages; l'anguille électrique eft privée des nâgeoires ventrales qui fervent de point d'appui aux poiffons pour fe foutenir dans l'eau ; & comme toutes les espèces dans lefquelles on n'observe point ces parties, elle a le corps alongé, & ne peut avancer dans l'eau qu'en exécutant une efpèce de mouvement d'ondulation; on la trouve vers l'embouchure des grandes rivières, & nous ne croyons pas qu'elle ait jamais été pêchée en pleine mer. Le trembleur paroît encore moins s'approcher de la mer que l'anguille électrique ; ceux qu'on a obfervés, avoient été pris dans les rivières, à une certaine distance de leur embouchure; les nâgeoires ventrales font dans celui-ci plus près de la queue que de la tête, elles indiquent auffi par leur pofition un poiffon deftiné à vivre dans des eaux plus profondes, même rapides. Il n'eft pas inutile d'obferver que prefque tous les poiffons de rivière fe trouvent dans la claffe de ceux dont les nageoires ventrales font fituées dans la région abdominale, & que Linné a compris fous la dénomination d'abdominales. Les espèces de carpes, de faumons, de filures, de clupea, &c. qui appartiennent à cette claffe fe pêchent prefque toutes dans les eaux douces; il eft encore remarquable qu'on ne trouve que deux ou trois espèces de poiflon de mer qui n'entrent jamais dans les rivières, dont une des nâgeoires dorfales foit molle & fans rayons, tandis que toutes les efpèces de faumons, de truites, & le plus grand nombre de filures, qui font pourvues d'une nâgeoire de cette forte, vivent dans les rivières.

En comparant les caractères des différens poiffons avec ceux des trois électriques que nous connoiffons déjà, il feroit peut-être poffible de découvrir ces mêmes caractères dans d'autres efpèces qui offriroient les mêmes phénomènes; la comparaison feroit d'autant plus aifée, que les efpèces que nous avons font toutes trois d'un ordre différent ; & il eft très-probable que nous trouverons dans la fuite un plus grand nombre de ces animaux vraiment finguliers; nous ne doutons pas même qu'il n'en exifte plufieurs qui, poffédant cette propriété à un degré très-foible, n'ont befoin , pour la manifefter, que d'être foumis à des expériences particulières. Ii paroîtra fans doute extraordinaire que les feuls animaux qui ont donné les fignes les plus fenfibles de l'électricité, fe trouvent tous dans la claffe des poiffons.

OBSERVATION

SUR L'ACTION D'UN FEU VIOLENT SUR LE CRYSTAL DE ROCHE;

Par M. DE LA METHERIE, D. M. Rédadeur de ce Journal. M. LE CHEVALIER DE LAMANON ayant annoncé, dans la Lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'adreffer, que la lueur qu'on obferve lorfqu'on frotte avec force deux morceaux de cryftal de roche, étoit use vraie combuftion, & que le cryftal devoit être rangé parmi les corps combuftibles ainsi que le diamant; il me parut intéreffant de foumettre ces deux corps comparativement, à un des plus grands degrés de chaleur que nous connoiffions, celui que produit un jet d'air pur ou déphlogifti qué fur un charbon embrafé, d'après les procédés de MM. Achard & Lavoilier. Un amateur diftingué voulut bien concourir à ces expériences. Nous retirâmes de l'air pur, foit du nitre, foit du précipité rouge, & en remplîmes des veffies garnies de robinets, auxquels nous ajustâmes des chalumeaux recourbés. Ayant creufé un charbon & l'ayant légèrement embrafé, nous plâçames dans le creux une aiguille de crystal terminée par fa pyramide, en dirigeant deffus le jet de l'air pur. La chaleur devint vive & fit bientôt éclater le cryftal de roche avec un bruit prefque femblable à la décrépitation du fel marin. Nous mîmes de ces fragmens de nouveau au foyer. Au bout d'une minute je les vis bouillonner diftinctement les fragmens s'arrondirent fenfiblement & contractèrent de l'adhésion. Mais nous ne pûmes point nous affurer, s'il y avoit combuftion. On ne peut non plus compter fur le poids, parce que le crystal se brife fans ceffe, & lance au loin fes fragmens, Nous répétâmes plufieurs fois la même expériences, & eûmes conftamment le même fuccès.

Nous priâmes M. d'Arcet, dont le beau travail fur la combustion du diamant & la fufibilité des différentes terres & pierres eft fi connu, de vouloir bien affister à nos expériences. Nous prîmes des cryftaux de roche ayant leurs deux pyramides & parfaitement diaphanes, & les concafsâmes. M. d'Arcet ayant fait de la partie la plus tenue une petite boule avec une goutte d'eau, la plaça dans le foyer; mais la force du jet de l'air diffipa bientôt cette pouffière. Des fragmens plus gros furent mis de nouveau au foyer. M. d'Arcet les vit bouillonner, contracter adhérence & s'arrondir. L'expérience nous réuffit également plufieurs fois. Ces morceaux de quartz fondu font un peu laiteux. J'en conferve quelques-uns. Nous mîmes pour lors un petit diamant au même foyer. Malgré le grand

écla:

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